Le Figaro avait un bon sujet ce matin.
Un vrai sujet de société, émergent, polémique, et sur lequel on pourrait agir immédiatement.
Faute de l’avoir compris le journaliste est « passé à coté » de sorte qu’il signe un article raté, et pour tout dire assez idiot :
Leurs employeurs ne sont pas autorisés à contrôler leurs points. Une faille pour la sécurité, comme le montrent de récents accidents de la route.
Le chauffeur de bus qui a fauché cinq personnes, dont deux adolescents de 13 et 14 ans, vendredi soir à Grigny (Essonne) avait fait l’objet d’un retrait de permis de conduire en septembre dernier. Cette affaire met en évidence les failles d’un système qui n’établit pas de connexion entre l’usage personnel et professionnel du capital de points d’un automobiliste. Au point que certains professionnels peuvent dissimuler à leur employeur l’interdiction qu’ils ont de prendre le volant. En effet, au nom du respect des libertés individuelles, la loi n’autorise pas un employeur, fût-il d’une société de transport public ou scolaire, à accéder à «l’état des lieux» du permis de ses employés. [source]
« L’état des lieux » est bon. Conséquence nécessaire de la politique répressive qui s’est installée en France depuis déjà quelques années ; un nombre croissant de conducteurs ne sont plus titulaires du permis de conduire.
A première vue, on pourrait d’ailleurs se réjouir du nombre croissant des annulations et suspensions du permis de conduire. On pourrait s’en réjouir si cela signifiait symétriquement moins de chauffards sur les routes.
Seulement, ce n’est pas l’exacte réalité.
Ne serait-ce que pour appuyer mon propos j’ai envie de vous raconter l’histoire de Monsieur X, une histoire vraie, jugée récemment et qui devrait vous surprendre.
Monsieur X a une vingtaine d’années, l’age où la poussée hormonale peut vous surprendre à tout moment.
Précisément sous l’empire d’une pulsion difficilement convenable Monsieur X fait un arrêt sur le parking d’une grande surface.
Il est minuit, et le parking est désert. Monsieur X, qui pense avoir trouvé un endroit discret se résout à satisfaire son besoin pressant.
L’esprit tout à la séance d’onanisme qui l’occupe Monsieur X ne prete aucune attention à la voiture qui s’approche, pas plus qu’au vigile intrigué qui se trouve à l’intérieur.
Lorsque le vigile arrive à la fenêtre, il est déjà trop tard pour tenter de cacher la nature de son activité.
Monsieur X a depuis été déféré devant le procureur de la république pour « exhibition sexuelle » et condamné à l’issue d’une procédure de « comparution sur reconnaissance de culpabilité » et condamné à… 6 mois de suspension du permis de conduire.
Dans la foulée, il a perdu son emploi de commercial, qui lui imposait d’être constamment en déplacement.
Je suppose que vous commencez à comprendre où je veux en venir.
Dès lors que l’on fait de la suspension du permis de conduire l’alpha et l’oméga de la sanction pénale sans tenir compte de l’impact véritable de cette sanction sur les prévenus, il ne faut pas s’étonner qu’un nombre sans cesse croissant d’entre eux conduisent malgré le retrait de leur permis.
Mais cette subtilité ne semble pas intéresser le journaliste du Figaro, trop pressé de mettre les chauffards hors d’état de rouler :
Pour éviter ce genre d’écueil, la seule possibilité pour les employeurs est de «demander à leur salarié de produire le certificat médical qui est délivré tous les cinq ans aux chauffeurs de poids lourds et de transports en commun au terme de leur visite obligatoire, explique un employé de préfecture, ou bien de vérifier s’ils ont leur permis en poche.» Car, après s’être vu notifier le retrait de leur permis, les fautifs ne sont plus censés en disposer.(…)
L’autre possibilité pour l’employeur est d’ajouter une clause au contrat de travail, obligeant le salarié à fournir un «relevé intégral» tous les ans, par exemple, c’est-à-dire une attestation de préfecture mentionnant le solde de points. Ce qui était précisément le cas pour le réseau Tice, la société qui emploie le chauffeur de Grigny, puisqu’elle oblige ses salariés à cette vérification tous les six mois.
Notez donc qu’il n’existe pas une, mais bien deux solutions à même d’empêcher des professionnels de rouler sans permis de conduire, deux possibilités qui relèvent du pouvoir de direction de l’employeur :
- Prévoir à priori dans le contrat de travail la production périodique du relevé de situation intégrale
- Demander au salarié de produire son permis de conduire avant de prendre le volant
Mais deux solutions, ça ne suffit visiblement pas au journaliste du Figaro :
Contrôlé juste avant son retrait de permis, le chauffard est passé entre les gouttes, la prochaine échéance étant prévue en mars. Un vide juridique dont convient Pierre Gustin, délégué général de l’association prévention routière. «Même s’il ne faut pas généraliser, dit-il en rappelant que sur les 40 millions de personnes qui ont le permis, moins de 2 pour 1 000 en sont privés, on pourrait envisager de changer la loi pour que les entreprises de transport public aient au moins accès à ces informations.»
Vide juridique… Je suppose qu’il veut parler du vide de ses connaissances juridiques…
Je l’ai déjà expliqué, le vide juridique n’existe pas pour la simple et bonne raison que la loi n’a pas à prévoir chaque « micro-situation » pour couvrir tout le champ du possible.
C’est d’ailleurs le travail quotidien des professionnels du droit : qualifier des faits pour leur appliquer la règle qui convient.
Ne vous inquiétez pas messieurs, nul besoin de créer un nouvelle loi. Celles qui existent ont déjà tout prévu.
Dans le cas de l’accident qui a motivé l’écriture de de l’article il aurait suffi que l’employeur vérifie plus régulièrement qu’il ne l’a fait que son salarié était bien en possession de son permis de conduire grâce au pouvoir de direction qui lui est reconnu par loi dès lors qu’il y a contrat de travail.
A ceux qui craignent en permanence le spectre du vide juridique : cessez de vous inquiéter ; le droit Français est un couteau suisse qui n’a pas fini de vous étonner.