reverie

Clara Paray

La foule de l’aéroport Roland-Garros s’extirpe de l’aéroport avec l’enthousiasme de celle qui vient d’arriver à la Réunion.

Ceux qui rentrent chez eux regardent par la vitre et guettent leurs proches en direction de la sortie.

Ceux qui atterrissent sur l’ile pour la première fois ont les yeux rivés sur le ciel, la montagne. Les narines curieuses de l’air de l’océan.

Jean aussi est curieux, il se tient contre un mur près du tapis roulant qui amenera bientôt les bagages.

Il n’a pas encore trouvé ce qu’il cherche, mais cela ne tardera pas.

Un homme passe à sa hauteur, serré dans un costume froissé. Il a les yeux bouffis de celui qui n’a pas pu dormir dans l’avion. Jean lui demande l’heure avec son sourire le plus affable. L’autre soulève la manche de sa chemise et dévoile une Patek Philippe Nautilus. Un véritable Trésor. Jean, qui n’en esperait pas tant, la regarde avec gourmandise

Il tend la main pour serrer celle de l’homme au costume. Qui le regarde interloqué quelques instants. Il veut tendre la droite mais c’est la gauche que Jean présente dans sa direction. L’homme au costume présente à son tour sa main gauche, gêné, comme pris en faute. Et Jean entame ce qu’il sait faire de mieux. De deux pressons de l’index et du majeur, il défait le bracelet-montre. Puis il pose sa main droite sur celle de l’homme au costume en récitant des un pickpocket emerite.remerciements trop appuyés. Le poignet de l’homme au costume se retourne sous la pression des remerciements de Jean, et la montre glisse sans un bruit tandis que Jean tient toujours le bracelet de ses deux doigts experts.

Cette chorégraphie maintes fois répétées n’a duré qu’une dizaine de secondes tout au plus. Jean est un pickpocket remarquable.

Et pourtant discret. L’homme au costume s’en va trop heureux de s’éloigner des remerciements excessifs de Jean, lequel peut alors se diriger vers la sortie, satisfait de la belle prise du jour.

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Billets

La salade de Miloud

Miloud parle comme un cheval au galop, et avec gourmandise. Il frappe chaque syllabe et répète lorsqu’il pense que c’est mal dit.

Je crois qu’il aime rencontrer des gens. Et quand il parle, on dirait presque un enfant.

Les adultes ont des arrières pensées. Alors que Miloud, lorsqu’il pose une question, c’est simplement qu’il est curieux de la réponse.

Et quand il affirme, c’est qu’il pense être certain.

Surtout Miloud aime raconter.

Il doit avoir pas loin 40 ans maintenant et ses histoires sont désormais toujours un peu les mêmes.

Miloud parle dès qu’il le peut de ce vieux monsieur, depuis décédé, qui avait des vignes et qui le faisait servir à table.

Il en parle avec fierté et ajoute volontiers que ce monsieur était franc-macon. Il répète ce terme plusieurs fois comme si l’on n’avait pas compris. Comme si ce nom était si compliqué qu’il faudrait l’entendre plusieurs fois pour l’appréhender tout entier.

Miloud le dit sans connivence, ni parfum de complot, simplement pour signifier que le vieil homme était important.

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à vif

Se perdre dans Montpellier

Je me suis réveillé pas totalement convaincu. La plume et la gorge sèches. Le pied gourd.

Et j’ai pris le train alors que le sommeil n’était pas complètement dissipé.

Ma tête était pleine de ces choses dont les Avocats ne parlent pas. De toutes ces fois où l’on se sent inutile, impuissant à modifier le cours d’un dossier.

C’est à Montpellier que j’ai pris le temps d’avaler un premier café.

Je suis sorti du Tribunal certain d’avoir fait tout ce qu’il fallait, quoique convaincu d’un résultat pas totalement favorable.

Pressé de rentrer, j’ai pressé le pas.

Et j’ai failli me perdre dans le quartier qui sépare le Tribunal d’Instance de la gare Saint Roch.

Pour un peu, j’y serais resté.

Il y a des matins où les choses se passent bien.

Alors même qu’on n’y croyait pas.

Ne boudons pas notre plaisir.

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