Ouf. Je viens de finir l’écriture d’une nouvelle et je ne résiste pas à l’envie de la partager avec vous.
Il faut dire que je me suis sacrément amusé à l’étire, et avant cela à l’imaginer.
Je me souviens précisément à quel moment l’idée de cette histoire à commencé à germer. C’était il y a plusieurs mois, sur le site de Moeity.
Ceux d’entre vous qui ont cliqué sur le lien ne reviendront probablement pas lire la suite de cet article.
On peut se perdre à explorer les moindres détails de cette image… C’est en tous cas ce qui m’est arrivé. Après avoir fermé mon navigateur, bien plus tard, j’ai eu envie d’écrire une histoire pour peupler cette image. Et immédiatement renoncé à cette idée. Je n’aime pas me mêler des univers des autres et je n’aimerais pas qu’on viennent mettre les pieds dans l’un des miens.
Mais les idées sont comme les graines ; une fois semées, elles ont tendance à pousser même lorsqu’on refuse de s’en occuper.
Quelques semaines plus tard je rêvais avec une amie d’un projet commun de roman. L’idée était d’exploiter les souvenirs d’un membre de sa famille qui avait été photographe dans une maison close mâtinés d’une histoire de vendetta qui me trottait dans la tête.
Nous en parlions, et je ne pouvais m’empêcher d’imaginer chaque scène dans une cité souterraine.
Le projet de roman n’a pas eu de suite, et je suis resté avec mes idées et ma cité souterraine.
Alors, j’ai téléchargé scrivener, un logiciel qui a ses défauts (et un prix) mais qui sait faire gagner un temps fou lors de la rédaction d’un texte de taille conséquente, et je me suis lancé dans la rédaction de la nouvelle qui suit.
Le premier chapitre est après la césure.
La suite est en téléchargement (en pdf) à la fin de l’article.
J’espère que ça vous plaira 😉
———————————————————————————-
J’avais treize ans seulement lorsque Thoms, mon frère, a pour la première fois pris le commandement de la caravane familiale.
Notre grand-mère Elyna était morte la veille et l’on nous avait demandé de devenir adultes.
Le matin de sa mort, nous avions été convoqués par Zumal, le vieil intendant à qui grand-mère avait depuis longtemps délégué la gestion quotidienne de l’Oasis familiale.
D’une voix lente, cet homme qui nous avait tenu lieu tour à tour de surveillant et de professeur nous avait récité les dernières volontés de grand-mère.
Je n’ai pas été surprise lorsqu’il a indiqué qu’elle avait souhaité lui confier la gouvernance de l’Oasis jusqu’à ce que mon frère atteigne l’âge de seize ans.
Mais les larmes ont commencé à piquer mes yeux quand il a précisé que dans l’attente, Thoms devrait suivre une formation adéquate à Fort-Lapluit, la cité qui se trouvait à une journée de chameau.
Il n’avait pas suffi à la mort de m’enlever la femme qui m’avait aimée et élevée, elle me séparait aussi de mon frère.
Je n’avais pas la moindre idée de ce à quoi ma vie allait ressembler à partir de ce jour. Mais je savais déjà qu’il me serait impossible de rester la petite Piksie qui jouait à se cacher dans le foin des chameaux pour faire peur aux ouvriers ou à son grand frère.
Je n’ai pas décoléré jusqu’à notre départ pour Fort-Lapluit, qui fut fixé au plus court.
Zumal avait fait envoyer des émissaires vers la cité afin d’annoncer notre arrivée aussitôt après nous avoir reçus mon frère et moi.
Tandis que les serviteurs préparaient les chameaux, j’avais décidé de rester cloîtrée dans ma chambre. Au fond de moi, je regrettais déjà de ne pas passer le peu de temps qu’il me restait en compagnie de mon frère, mais je lui en voulais trop pour le reconnaître si tôt.
Lorsque Zumal avait annoncé son départ pour la ville, Thoms n’avait pas caché son enthousiasme. Comment pouvait-il se réjouir dans un moment pareil ? Comment pouvait-il pousser l’égoïsme jusqu’à me laisser ici ?
Durant l’année qui devait suivre, j’étais destinée à rester au sein de la propriété familiale. Mais pour y faire quoi ? Il ne m’avait pas échappé que si mon frère devait seul recevoir l’éducation requise pour gouverner l’Oasis, cela signifiait que l’on attendait de moi que je renonce à y prendre part.
L’idée que grand-mère Elyna, qui nous avait toujours éduqués en égaux puisse avoir prévu de m’écarter au profit de mon frère me remplissait d’amertume. Certes, Zumal avait longuement pris soin de nous expliquer les raisons de cette décision, sensée préserver les intérêts de l’Oasis, mais aucune ne m’avait convaincue.
Réfugiée dans mon isolement, j’avais prétexté une intense fatigue et fait atteler un chariot de voyage à quatre chameaux afin qu’il me transporte jusqu’à Fort-Lapluit. Affalée dans les draps et les coussins, je devais avoir beaucoup plus chaud que les chameliers qui composaient le reste de la caravane, mais rien n’aurait pu me pousser à sortir et les rejoindre au risque de devoir parler à mon frère.
A l’occasion, je donnais quelques tours de clé au mécanisme qui se trouvait face à moi et les ventilateurs situés aux quatre coins autour de moi se mettaient à tourner durant quelques minutes.
L’intimité du chariot m’avait aussi permis de laisser gambader Ugo, la petite souris que j’avais adoptée quelques jours plus tôt. Je n’avais osé révéler la présence du petit animal à personne, hormis mon frère. A cette époque, personne n’aurait imaginé posséder un animal de compagnie, bien qu’on racontât qu’avant le Changement il était commun d’adopter un chat, un chien ou parfois même des oiseaux.
Bien que nous n’ayons jamais manqué de rien à l’Oasis, il était communément mal vu de gaspiller la moindre ressource en eau ou en nourriture. L’entretien des chevaux se justifiait par les services qu’ils pouvaient rendre s’agissant du transport des gens et des animaux. Il n’en allait pas de même pour un rongeur dont l’utilité était difficile à justifier. Mais la souris semblait s’être attachée à moi et je lui rendais volontiers son affection. Le plus souvent Ugo restait caché dans ma chambre, mais depuis peu, il avait pris l’habitude de se glisser dans mes manches, jusqu’à grimper le long de mon cou, quitte à me chatouiller de ses griffes à l’occasion.
Comme il avait été prévu à l’aube lors de notre départ de l’Oasis, il faisait déjà nuit lorsque nous sommes arrivés en vue des remparts de Fort-Lapluit.
Zumal s’annonça avant d’ouvrir l’un des rideaux qui me séparaient de l’extérieur. De sa ceinture, il tira une bourse remplie de dattes et me la tendit. De rage, je lui lançai la bourse au visage et regardai les dattes se perdre dans le sable, jusque sous les sabots des chameaux. Ce geste ne constituait pas la moindre des insultes pour un habitant du désert et c’est exactement ainsi que je l’entendais.
Sans un mot, le vieil intendant tendit le bras en direction des remparts de la ville. Le lourd pont-levis s’abaissa et dans la nuit retentit le chant de la douzaine d’hommes qui suait pour mouvoir le char à pédales sur lequel était juché un notable de Fort-Lapluit.
Grand-mère avait toujours entretenu une défiance notoire à l’égard de Fort-Lapluit. Mais j’en savais cependant assez sur la cité pour savoir qu’elle avait longtemps été la capitale du royaume des Astors avant que le Ker Pyhtos II ne décide d’adopter une capitale plus confortable.
Bien que désertée par le Ker et depuis administrée par l’un de ses Préfets, Fort-Lapluit disposait encore de hauts remparts en pierre monumentale qui témoignaient de son passé glorieux.
La ville forteresse n’avait jamais été prise, en dépit des incursions jadis fréquentes de la tribu des Kouriles. Le caractère inexpugnable de la Fort-Lapluit ne tenait pas simplement aux trois rangées de remparts parallèles entrecoupés de glacis qui ceinturaient la ville.
Ce qui la préservait de toute intrusion résidait avant tout dans le système ingénieux conçu sous le règne du Ker Aegir, qui protégeait la seule percée dans les remparts.
Avant que de pouvoir pénétrer dans la ville, un éventuel assaillant devait successivement forcer l’ouverture du pont-levis, puis traverser un long corridor entrecoupé de sas fermés par de lourdes portes tout en subissant le feu des défenseurs depuis les meurtrières percées dans le toit de l’édifice.
Ce système éprouvé avait permis par le passé à Fort-Lapluit de résister à des assaillants considérablement plus nombreux.
Car Fort-Lapluit attirait de nombreuses convoitises, pour être notoirement située au-dessus du lac de Kermadec, qui constituait la plus importante réserve d’eau de la région.
Afin de pouvoir survivre dans le désert des Mille Dunes, de nombreuses tribus auparavant nomades avaient accepté de renoncer à leur mode de vie pour gagner le droit de s’installer à l’abri dans la riche cité fortifiée.
Zumal aimait raconter comment le Ker Jormond, premier souverain de la tribu des Astors, avait décidé de la fondation de la cité peu après la découverte du lac souterrain. Il s’agissait au départ d’étendre et de consolider les grottes qui menaient jusqu’au lac afin de les rendre habitables. Mais rapidement, l’afflux de population consécutif à la découverte d’un si grand approvisionnement en eau avait mis en lumière la nécessité de le protéger d’une invasion. C’est ainsi que, selon les livres d’histoire, le premier fils de Jormond, qui avait régné sous le nom d’Aegir, avait décidé du mode de gouvernance original qui régissait la ville.
Sous terre, les premiers arrivés, surnommés les Mouillards travaillaient à l’aménagement des grottes et peuplaient une formidable ville souterraine, qui huit siècles plus tard s’étendait sur sept niveaux.
Au-dessus, les Sablés assuraient l’entretien, la défense et l’agrandissement des remparts. C’était une vie pénible et souvent brève, mais que les Sablés acceptaient à raison du contrat conclu huit siècles plus tôt entre les habitants de la ville et les Ker.
Pour chaque année passée à Fort-Lapluit, chacun recevait une médaille d’or frappée du sceau du Ker régnant. Et quiconque pouvait présenter cent médailles à la porte de la cité souterraine au jour de la fête de la mousson gagnait le droit de s’y établir pour la vie.
Un système similaire existait à chaque niveau de Fort-Lapluit, et la plupart rêvaient d’offrir à leurs enfants un destin au septième niveau souterrain, soit au plus près du lac de Kermadec.
Le char à pédale s’arrêta à la hauteur de mon frère, et les hommes juchés au-dessus le saluèrent respectueusement. Puis, celui qui semblait être leur chef prit chaleureusement les deux mains de Zumal dans les siennes.
L’intendant de l’Oasis était à ce titre responsable des relations commerciales entre la cité et notre domaine. Il n’était pas étonnant qu’au cours des années Zumal ait forgé des amitiés à Fort-Lapluit. Pourtant, je fus étrangement jalouse de lui découvrir une amitié avec un inconnu ; un nouvel élément de ma vie refusait de rester à la place que je lui avais assignée.
J’appris le lendemain que l’homme qui était venu nous accueillir se nommait Likou, et qu’il assurait la fonction de Syndi ; un titre qui désignait le chef élu des Sablés. A la suite des chenilles du char à pédales sur le sable brûlant, nous avons pénétré dans l’enceinte de Fort-Lapluit.
Le Syndi nous escorta jusqu’à la place de marché qui avait été préparée pour accueillir notre campement. L’idée de dormir sous une tente ne me plaisait guère, mais elle me semblait préférable au fait de partager une chambre d’hôtel avec mon frère.
Les tentes de Thoms, de Zumal et la mienne furent dressées en premier. Eu égard aux fonctions auxquelles il aspirait, c’est la large tente de grand-mère Elyna qui avait été réservée à mon frère.
Pour ma part, je me satisfaisant d’autant mieux de ma petite tente que sa taille me donnait un prétexte pour ne pas souffrir la compagnie de qui que ce soit et laisser Ugo courir tout à sa guise.