J’ai pris le train à l’heure où les employés partent au bureau. Mais le samedi matin, les employés sont au lit, au café. Où ca les chante.
Mon train était l’un de ceux qu’on a entièrement rénovés. La peluche des sièges et le bois des tablettes étaient neufs mais le confort venait d’une autre époque
On avait de la place pour les genoux et du moelleux sous la nuque. Mais il n’était pas question d’une prise de courant.
Le train était d’aspect récent mais il se trouvait à une époque où l’on lit le journal, ou un roman à la rigueur. Mais écrit à l’encre sur un papier honnête. Mon billet indiquait Mars 2019 mais le décor etait celui de 1995, soigneusement préservée.
Enfin, la gare d’Avignon a reculé par la fenêtre.
En route pour Beauzac.
A midi je serai en Haute-Loire.
J’ai changé de wagon, de siège, de compartiment et enfin de train. J’ai changé de décor, de région, mais de température pas vraiment.
Lyon Part Dieu n’a duré que dix minutes. Et à onze heures trente Saint Etienne se tenait face à moi.
Elle avait repris des couleurs. Elle semblait plus alerte et moins grise qu’alors. Mais je ne me suis pas attardé.
A midi, il y avait un plat au four. C’est ce qu’on dit la-bas. J’ai fait un plat au four pour le diner.
Il était midi à peine. Et l’idée de diner à midi m’a convaincu d’être en vacances.
Les rives de la Loire etaient joyeuses. Partout dépassaient du fleuve étroit des cannes à pêches assez élaborées pour pêcher la truite, dans l’espace si nécessaire.
On a cherché la grotte de la Madeleine.
Imaginé une avalanche sur Retournac.
Cru sur parole une table d’orientation qui nous promettait d’apercevoir le Mont Blanc. Mais par temps immaculé seulement.
On n’a pas trouvé la grotte mais on était satisfaits d’avoir mal aux pieds.
Il a plu un peu, mais on était secs avant d’avoir le temps de se plaindre d’avoir été mouillés.
On est restés debout, dans les allées de la foire aux vins.
Le rouge de Roanne était bon. Celui d’Auvergne un peu moins. Le rouge de l’Ardèche on n’en parlera pas.
Par contre le blanc de pays de Bourgogne, on en a pris un peu, qu’on a pris soin de ramener.
Parfois a table, j’entendais parler de tel ou tel autre de Bas ou de Beauzac dont on disait « il est pas fier »
Prononcé ainsi, ca semblait le plus beau des compliments.
Lundi, j’ai pris le train à l’heure ou je vais au bureau.
C’était un train neuf. Parfaitement planté dans son époque.
J’ai branché mon chargeur, et consulté les mails arrivés depuis vendredi.
Et pour une fois, je me sentais reposé.