à vif, SNCF

Douze heures et demie avec moi, hors taxes

11 décembre 
19 heures. 
J’éteins mon ordinateur et passe mon bras droit dans celui de mon manteau. Je jette un œil à ma droite et mon regard  se pose sur ce dossier qui décidément ne m’inspire guère. 
Dans un bruit de galop je descend les escaliers pour me retrouver dans la nuit et le mistral cinglant. Le patron du Kebab en face lève son bras à mon passage.

Je lui rend son sourire et me dirige vers la gare de Tarascon.

Je glisse quelque pièces dans une machine hors d’age et j’obtiens mon billet. 
Je répète les  mêmes gestes chaque soir et pourtant cette fois quelque chose est différent. 
Ce n’est pas ce hall désert qui m’interpelle ni la disparition de l’horloge au dessus des guichets dont je ne connais guère que les persiennes baissées. 
Cela n’a pas plus à voir avec ce froid vibrant qui s’insinue par une vitre brisée.

Non c’est ce quai inhabituellement vide qui tout à coup m’inquiète.

 

19 heures et 20 minutes
Transi, je décide de revenir vers le hall qui n’être guère plus chaud que le quai est en tous cas mieux abrité. Je suis décidément seul à errer dans la gare. Ce train que je prends tous les soirs aurait du passer depuis plus de dix minutes déjà. 
Pas d’annonce sur les hauts parleurs. 
Pas plus de système automatique d’annonce des trains. la gare en est dépourvue. 
Je fais les cent pas comme pour me convaincre que ce semblant de marche suffira à me réchauffer. Dans ma tête se bousculent les voix des râleurs, stériles, des traitres pas encore identifiés, des imbéciles incurables et des jaloux assumés qui ont meublé ma journée.   
Et soudain je le vois, caché par un présentoir, collé à l’angle d’un mur mais bien présent. Taillé dans un format A3 est bel et bien accroché un tableau intitulé « horaires du 11.12.2008 au 10.12.2009 » qui ne tarde pas à m’apprendre que mon train a été supprimé, rayé, annihilé par un technocrate inaccessible qui a cru devoir le remplacer par un vide ferme et définitif entre 18 heures 30 et 21 heures.
 
20 heures et 20 minutes
La voiture toussote lorsque j’arrive devant l’immeuble. 
Depuis le siège passager je résume mentalement de la situation. Oui la voiture est en panne d’essence, non la Banque Postale n’a toujours pas crédité sur mon compte ce virement effectué Lundi par mes soins.
Pour une fois ce ne sont pas mes mails que je consulte en premier une fois arrivé à la maison, ni meme mon compte Twitter mais bien le site de la SNCF décidément lent et illisible.
Et là, nouvelle surprise, mon train du matin celui 9h03 qui m’amenait à destination en douze minutes a lui aussi été victime du dégraissage.
 


 Las  je laisse l’écran en repos et tente de penser à autre chose.
 
20 heures et 20 minutes
Je  ne vois d’autre solution que prier pour que le virement attendu soit finalement crédité. me rendre demain matin à la gare suffisamment tôt pour avoir à la fois le temps de retirer le prix de mon billet et tirer la situation au clair. 
je règle le réveil sur 6 heures trente et me résigne à dormir.
12 décembre
3 heures et 8 minutes
Impossible de me rendormir. Je m’étends sur le dos et tente de me détendre.
Dans la cuisine,une ampoule fatiguée se met à clignoter.
 
8 heures et 12 minutes
Gelé, les muscles encore figés par la fatigue d’un sommeil je pénètre dans le hall de la gare d’Avignon. Il y a foule déjà sur les escalators et sur les quais et mon habituel train de 9 heures 03 est annoncé.
Je repense au site internet de la veille et me dis soulagé que j’ai du faire erreur.
Qu’il est réconfortant ce café que je bois accoudé au comptoir en attendant MON train.
Que je suis soulagé aussi lorsqu’enfin je m’assied dans un compartiment. 
 
Puis un ultime doute m’assaille. Affolé je cours en direction du quai, puis d’un panneau d’affichage qui achève de lever mes dernières inquiétudes. Il est 9 heures et  18 minutes lorsque je retrouve le hall de la gare de Tarascon.  
Je prendrai un train peut être ce soir.

Mais rien n’est moins sûr à bien y réfléchir.

Billets, politique

Bernard Kouchner fête les droits de l’homme

Il est une chose incontestable c’est que Bernard Kouchner a de l’humour.
C’est vrai, célébrer le soixantième anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme en expliquant en substance qu’on s’en fiche absolument c’est assez cocasse.
Non je n »exagère pas, lisez donc :
Je pense que j’ai eu tort de demander un secrétariat d’Etat aux Droits de l’homme. C’est une erreur. Car il y a contradiction permanente entre les droits de l’homme et la politique étrangère d’un État, même en France. Cette contradiction peut être féconde mais fallait-il lui donner un caractère gouvernemental en créant ce secrétariat d’Etat ? Je ne le crois plus et c’est une erreur de ma part de l’avoir proposé au président. [source]
  D’ailleursau cas où l’on n’aurait pas bien compris, il le répète plus loin :
On ne peut pas diriger la politique extérieure d’un pays uniquement en fonction des droits de l’homme. Diriger un pays éloigne évidemment d’un certain angélisme.

Si la chose avait pu passer pour un dérapage ça n’aurait pas eu tant d’importance. Mais les propos tenus par le ministre des affaires étrangères au journal le Parisien ont été relus par l’intéressé qui n’aurait pas jugé nécessaire de les modifier.

D’ailleurs à bien y regarder il tiennent lieu de réponse à une question de pure politique intérieure (sur l’arrestation de V. de Fillipis) de sorte que l’on peut affirmer qu’ils sont absolument prémédités.

Passons sur le tacle à Rama Yade que l’on dit sur le départ et qui n’a pas grande importance. Ce qui en a c’est le fond, ce qui en a c’est la licence avec laquelle un ministre de premier plan prétend aujourd’hui que l’on peut se permettre de traiter les droits de l’homme de manière subsidiaire et s’en affranchir à des fins politiques.

[oui, j’aurais pu choisir plus dépaysant]
  
Je veux bien admettre que la raison d’État impose pour des questions de politique intérieure et extérieure d’ignorer à l’occasion les principes dictés par les droits de l’homme.

Mais prétendre au nom d’un prétendu « parler vrai » rompre avec l’hypocrisie et dévoiler cela au grand jour c’est faire de l’exception un principe.
Oui, je pense que certaines pratiques doivent rester secrètes et honteuses.

Bien qu’élus et bien qu’ayant pouvoir pour influer sur elles nos dirigeants n’en sont pas moins soumis à des règles qu’elles aient valeur constitutionnelle, conventionnelle, légale ou réglementaire.

Or reconnaitre au grand jour à des dirigeants politiques le droit de s’affranchir impunément de ces règles c’est dans le même temps renoncer à ce qui fonde la notion même de démocratie.

PS :
Vu que les droits de l’homme sont aussi sensés concerner les femmes allez lire ça, c’est nécessaire.
à vif, coup de gueule

La Poste la crise et le Principe de Peter

Dans tout milieu hiérarchisé finit par atteindre son niveau d’incompétence pourvu qu’il y ait suffisamment de temps et d’échelons.

En quelques mots voila l’énoncé du Principe de Peter ce petit mais génial ouvrage dont il serait fâcheux de se priver pour ne se contenter que de sa synthèse wikipédiesque.

(non ce barbarisme n’a pas le moindre intérêt pourquoi pas Laroussien pendant que j’y suis)
Pourquoi ce livre est il indispensable ? Tout simplement parce qu’il rend philosophe, ou lucide ou tout simplement plus patient.
Nous sommes chaque jour confrontés à des illustrations du Principe de Peter, or le savoir c’est déja l’accepter.

Prenez moi au hasard… Ce matin lorsque le téléphone a sonné à 8h15 ,si je n’avais lu ce livre j’aurais pu m’énerver.

C’était une salariée de la Banque Postale chez qui j’ai encore un compte.
Pas sa banquière non. Car il faut le savoir la Banque Postale dépense des trésors d’inventivité pour dépersonnaliser les relations avec ses clients.
C’est donc une voix anonyme qui me laisse ce message sybillin sur mon répondeur
« Bonjour, c’est la Banque Postale. Un chèque de 76 euros se présente au débit de votre compte or je n’ai pas de provision suffisante pour le payer. Merci d’approvisionner votre compte avant midi ou je serai contrainte de le rejeter. »
Une rapide consultation « en ligne » de mon compte me révèle ce que je sais déjà, c’est à dire un découvert de 70 euros, conséquence nécessaire de ma vie de patachon. (oui, je suis opportuniste et alors ?)
Un calcul encore plus bref me précise que le paiement du chèque problématique amènerait mon découvert autorisé à la somme ridicule de 46 euros de trop.
La Banque Postale se propose donc de me rejeter un chèque, de déclarer ce rejet à la Banque de France, de me prélever les frais afférents (soit nécessairement plus de 46 euros) le tout à quelques jours de Noël, au titre d’un découvert record de 146 euros…
Je crois rêver.
De fait, je me pince, ce qui me confirme que tout est bien réel.
C’est d’ailleurs une bonne nouvelle. Car dans la réalité j’étais au courant de mon découvert. De sorte que j’avais pris les mesures qui s’imposaient et ordonné vendredi midi à la Banque Postale d’effectuer un virement en provenance de mon compte épargne vers mon compte courant.
Or -nouvelle révélation- le relevé électronique de mon compte ne présente nulle trace dudit virement.Je décroche donc mon téléphone et endure avec patience, beaucoup de patience une mélodie sans âme.
Finalement c’est une voix fluette et féminine sans grand rapport avec celle de mon répondeur qui m’accueille.

Je lui explique la situation elle se contente de regretter que je ne puisse lui préciser qui m’a appelé.

Devant mon insistance elle me met « en attente ».Retour de la petite musique. Véritable impatience cette fois de mon coté.

Puis retour de la voix fluette qui me parait décidément bien jeune au téléphone. Elle m’indique que la ligne de sa supérieure est occupée. je comprends qu’elle refuse de me parler.
Elle m’explique qu’il n’y a pas de solution, qu’il faut que je vienne approvisionner mon compte en espèces avant midi. Elle hésite à en appeler à la colère divine mais le trémolo dans sa voix suffit bien à l’évoquer.
Je lui rappelle que l’épargne dont je dispose dans sa banque devrait suffire à rassurer sa supérieure mais apparemment peu lui chaud.
J’hésite à me lancer sur le terrain du droit du chèque puis je me ravise.
En lieu et place je choisis de m’indigner du délai anormalement long pratiqué par la Banque Postale en matière de virement et finit par lui faire entendre que sa banque est seule responsable de mon découvert.
Devant mon insistance elle dérange à nouveau sa supérieure qui consent à me faire la faveur de laisser passer le chèque.
Avant de raccrocher la voix fluette me salue et me confie qu’elle doit encore passer une centaine de messages identiques à celui laissé sur mon répondeur.