On connaît tous des gens qui ne supportent pas la moindre contrariété.
J’en connais un qui frappe des deux pieds sur le sol au moindre ralentissement de son ordinateur.
Et un autre qui part rouler des heures en voiture dès qu’une déception se présente.
Lucien quant à lui se mettait dans des colères redoutables au moindre retard de train.
Les agents de la SNCF l’avaient repéré à force et préféraient s’enfermer dans leur local plutôt que de l’entendre réclamer des explications.
On peut les comprendre, bien sûr, pourquoi supporter une soufflante au nom de l’institution quant soit même on est fidèle au poste, et totalement étranger à ce que subissent les usagers ?
Pourtant, il n’est pas bien impressionnant Lucien quant il s’énerve, avec sa voix haut perchée et sa couronne de cheveux gris.
S’il lui prenait l’envie de vous frapper, les épaisses bagues qu’il porte à chaque doigt feraient bien quelques dégâts. Mais son truc à Lucien c’est de râler bien fort, puis de souffler jusqu’à ce que ça passe.
Je le sais bien moi. J’en ai passé des heures à attendre des trains, sur un quai à coté de lui.
Pourtant, on a mis quelques années à se parler avec Lucien. Ses agacements permanents m’amusaient mais ne m’incitaient pas à lier connaissance.
Mais un jour, les muscles figés par le mistral glaçant et lassé d’avoir trop attendu un train au départ sans cesse retardé, j’ai proposé de partager un taxi.