Billets, politique

Mayotte ou le mur invisible

Vu de la métropole le référendum qui s’est tenu hier à Mayotte ressemble à un non-évènement. 
Pourtant, la création d’un nouveau département est une chose suffisamment rare pour que l’on s’y intéresse un instant. 
Vous me direz peut être qu’il ne s’agit pas là d’une révolution, un territoire d’outre mer qui change de statut pour devenir un département d’Outre mer ce n’est pas non plus un changement de régime. 
D’autant que vu de métropole la différence entre les DOM et les TOM parait  parfois bien moins que ténue. 
D’ailleurs à quoi bon débattre sur un consensus ?  Le résultat était sans surprise, on ne va pas gloser sur un référendum auquel 92.5 des suffrages ont acquiescé.

Pourtant et puisqu’il est à peu près certain que ce référendum sera condamné par L’union Africaine et par l’ONU (qui a déjà condamné la France 21 fois à ce sujet…) on aurait tord de sous-estimer ce qui vient de se passer. 
Même après ce référendum, il y a fort à parier que la position de la France à l’égard de Mayotte restera un problème.

En effet,
« aux yeux des Nations unies et de l’Union africaine, Mayotte appartient clairement aux Comores. Pour la France au contraire, le référendum de décembre 1974 justifie le maintien de l’île dans le giron de la République. » [source]
Plus de trente ans après la situation est tout sauf clarifiée. 
Tout d’abord parce qu’il semble bien qu’en 1974, les militaires Français ont aidé les habitaient de Mayotte à « bien voter » pour maintenir leur emprise sur ce lieu stratégique.
Mais surtout parce qu’à l’époque du référendum sur l’indépendance la France a clairement triché en interprétant le résultat après coup pour refuser l’indépendance à Mayotte tout en l’accordant aux autres Iles. 

A l’égard des instances internationales Mayotte appartient aux Comores et non à la France et le vote de dimanche a peu de chances d’y changer quoi que ce soit. 


Certes on aurait tort de strictement voir les choses en noir.
On se trompe souvent en politique à vouloir distinguer le bon du méchant. 

La départementalisation profitera à tous les habitants de l’ile en ce qu’elle amènera de subventions nouvelles et de prestations sociales supplémentaires. 
Mais même ces qualités portent en elles les germes de difficultés futures.
Dès lors que les infrastructures s’améliorent, dès lors que le revenu par habitant s’accroit ce sont aussi les inégalités entre Mayotte et les autres iles des Comores qui s’accroissent. 

De quoi faire monter en flèche l’immigration clandestine galopante, qui fait des morts chaque année mais reste bien difficile à endiguer alors que les clandestins sont les frères, les cousins ou les grands parents des citoyens français de Mayotte… 

Lorsqu’enfant je regardais des images du mur de Berlin je trouvais stupéfiant que l’on ait pu avoir l’idée atroce d’ériger une barrière entre des gens qui forment un seul peuple. 
Les comoriens n’ont ni mur ni mirador;  juste la mer et des gardes cotes. 
Mais à l’instant je peine à voir la différence. 
Billets, coup de gueule, politique

Dieudonné et la théorie du complot

L’obsession que Dieudonné  nourrit à l’égard des juifs ne fait plus rire personne.
Déjà lorsqu’il avait offert une tribune au négationniste Robert Faurrisson ses intentions ne faisaient aucun doute.
Je l’avais écrit à l’époque et je le pense de plus fort ; le négationnisme est nécessairement antisémite, Dieudonné n’avait donc pas besoin de préciser quoi que ce soit.

Pourtant, dans la suite logique de sa démarche il vient de faire une nouvelle déclaration, à la portée éminemment politique puisqu’elle est aussi une entrée en campagne électorale.
Oui, Dieudonné entend proposer une 
candidature « antisioniste » et « anticommunautariste » aux élections européennes en Ile-de-France [source]
qui ne trompe personne tant le discours est une fois de plus transparent.

« Nous devons nous battre de l’extrême droite à l’extrême gauche contre ce centre qui détient le pouvoir depuis très longtemps, contre le système béké en réalité, a affirmé Dieudonné. Parce que c’est le même système béké qui est en France et je pense l’avoir localisé. »

Voilà incontestablement de quoi alimenter la théorie idiote selon laquelle l’extrême gauche et l’extrême droite seraient taillées dans le même moule. (totalitaire)
Certes je reconnais à l’extrême gauche française un handicap majeur, un défaut de naissance qui tient à son incapacité à transiger et l’éloigne nécessairement de toute forme d’acceptation en tant que parti de gouvernement. 
Mais je lui sais gré d’avoir depuis longtemps adopté une position ostensiblement antiraciste qui la distingue définitivement de l’extrême droite. 

 [photo]



Il serait temps que Dieudonné l’accepte une fois pour toutes ; tant ses sympathies que ses convictions politiques le rattachent  exclusivement à l’extrême droite, son populisme, son obsession pour ces aberrations intellectuelles que sont le concept de race et la théorie du complot.  


Non je n’invente rien. Je n’en rajoute même pas un peu. 
Tout est dans le texte, clair et lapidaire : 
« Vous allez découvrir à quel point le peuple n’est plus dupe (…) et à quel il est conscient du rôle que jouent les réseaux sionistes »
Toujours le même refrain obsessionnel et entêtant ; celui-là  même qui sous-tend le discours négationniste tout entier ; celui de la théorie du complot et du gouvernement occulte.
La voilà la véritable base idéologique de Dieudonné celle qui fonde son discours politique, et qui ne trompe personne.
Si je n’ose croire que Dieudonné fera un score important aux élections européennes il est tout de même agaçant que l’on aborde la question de ce scrutin seulement lorsqu’un populiste fait acte de candidature ou pour relater les querelles d’égos qui agitent les principaux partis de gouvernement.
 
Quoique, c’est peut être vrai que ces élections européennes n’ont aucune importance. Après tout, seulement 60% des textes votés par le parlement Français chaque années sont des transpositions de directives communautaires
En somme, rien de très important d’un point de vue politique…
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Le débat sur les Mères porteuses est relancé

Le Monde nous apprend aujourd’hui que la très sérieuse académie nationale de médecine vient, alors même que débutent les états généraux de la bioéthique,
Selon cet avis, rendu par un groupe de travail sur les mères porteuses désigné par l’académie voici un an et demi considère que : 
la rupture entre la grossesse et la filiation « remet fondamentalement en cause le statut légal, anthropologique et social de la maternité », ce qui suscite de « légitimes réserves éthiques ». La gestation pour autrui engage en outre la gestatrice « dans un parcours qui n’est pas sans risque »(…) [source]
A bien y regarder, cet avis n’a rien d’un scoop.
La convention de mère porteuse est depuis longtemps un sujet de défiance pour notre droit en ce qu’elle touche à des valeurs essentielles de celui-ci.

En effet, [l’affirmation va faire bondir certains] en droit Français notre corps ne nous appartient pas vraiment.
C’est ce qu’on appelle le « principe de l’indisponibilité du corps humain ». 
Grâce à de ce principe, depuis longtemps dégagé par la jurisprudence, le corps humain se trouve « hors du commerce juridique » : on ne peut en principe pas faire du corps humain l’objet d’un contrat.
Or, convenir de faire porter son enfant par une autre, c’est nécessairement faire d’un corps l’objet d’un contrat.

Ce n’est pas tout, selon un autre principe tout aussi essentiel, l’état des personnes est en principe lui aussi « indisponible ».
Cela signifie notamment qu’on ne peut unilatéralement changer le nom, l’age ou e sexe d’un individu. 
Pour autant l’État des personnes n’est pas intangible. On peut par exemple changer de nom  ou de prénom dans certaines conditions (strictes) et même de sexe (dans le cas d’un transsexualisme « vrai »). 
En dépit de ces concessions,  avouez qu’un contrat qui prévoirait à l’avance pour un individu une filiation non conforme à la réalité à de quoi choquer. 


C’est d’ailleurs la position de la cour de cassation, qui avait cru bon de se réunir en assemblée plénière, ne serait-ce que pour donner une certaine solennité à son arrêt du 31.05.1991 qui jugeait que :
La convention, par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance, contrevient aux principes d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes. (cass plén 31.05.1991)
La question aurait pu en rester là du point de vue juridique. 
Mais, soucieux de dissiper le spectre du vide juridique qui hante l’imaginaire collectif,  nos parlementaire ont cru devoir créer un article 16-7 du code civil à l’occasion de la loi 94-653 du 29 juillet 1994 qui dispose que : 

« Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle »  

Cette disposition qui n’a guère d’autre mérite d’exister pour n’avoir rien changé à l’état du droit pourrait cependant être remise en cause dans les prochaines années.
  


En effet, un rapport du sénat intitulé « contribution à la maternité pour autrui » déposé le  25.06.2008 propose de créer un véritable statut légal pour encadrer les mères porteuses ; un statut qui ne serait pas contractuel mais étroitement encadré par le juge. 
Dans la continuité de ce rapport, une proposition de loi devrait être déposée  au Sénat dans les prochaines semaines.


Pour autant, la question promet de faire débat.
Déjà :

La ministre de la santé, Roselyne Bachelot, qui sera chargée de rédiger le projet de loi révisant les lois de bioéthique, s’est cependant déclarée hostile à cette pratique. « Comment imaginer que la démarche consistant à porter un enfant pour une autre femme puisse être un acte gratuit ?, demandait-elle dans un entretien à La Croix le 6 mars. Ce serait forcément entaché de considérations financières et cela perturberait toute notre éthique du don. Or, la gratuité du don est pour moi un point non négociable. » [source]

Quant à moi, je trouve la question passionnante mais je ne suis pas très sûr de mon avis.
Je ne sais pas.
Si j’ai beaucoup de mal à imaginer la détresse de ces couples qui ne peuvent pas avoir d’enfant, pour autant je ne saurais la nier.
Par ailleurs j’ai déjà eu l’occasion de vous dire quelle est ma conception de la famille.
Dans ce contexte la « convention de mère porteuse » si elle est encadrée par  un juge garant des droits de chacun, peut effectivement sembler une solution. 
Mais pour autant ces enjeux valent-ils de faire de nouvelles concessions sur des principes aussi essentiels que l’indisponibilité du corps humain (qui n’est que la conceptualisation en droit de son caractère sacré) où l’indisponibilité de l’état des personnes (qui en droit fonde leur identité) ?

Encore une fois, je ne sais pas. 
Mais par chance, ce n’est pas à moi de répondre.