Billets, politique

Le temps des compromis

Compromis. En neuf lettres comme en cent mots c’est le mot du jour. 

Après des mois des réformite acharnée, c’est le principe de réalité, nécessairement teinté par la contexte économique et social on ne peut plus morose, qui commence à dicter sa loi. 
 
Pour preuve j’en veux deux annonces d’importance qui ont été faites ce matin. 
La première provient de Xavier Darcos, le ministre de l’éducation qui a annoncé dans un communiqué avoir : 
 » décidé de laisser plus de temps pour la mise en œuvre de la réforme de la classe de seconde initialement prévue à la rentrée 2009 dans le cadre de la réforme du lycée » [source]
La seconde provient de parlement, par la voix de Jean Francois Copé qui ,interrogé par le parisien sur l’épineux sujet du travail le Dimanche qui divise jusque dans la majorité, répondait la chose suivante : 
« Pour les zones touristiques, il n’y a aucun problème, notre groupe est unanime : on en reste au texte, en étant plus souple. Mais pour les quatre grandes agglomérations (NDLR : Paris, Lyon, Marseille, Lille), plutôt qu’un système qui permet l’ouverture tous les dimanches de l’année, on pourrait imaginer l’ouverture un dimanche par mois, plus les quatre dimanches du mois de décembre. Au lieu de donner le sentiment d’une généralisation du travail le dimanche dans ces grandes zones urbaines, avec le risque que cela porte atteinte aux petits commerces de proximité qui en sont proches, on aurait un système plus modéré ! » [source]
Dans le premier cas la mesure est donc repoussée aux calendes grecques, dans le second est est maintenue mais réduite à peau de chagrin pour ne viser que des cas exceptionnels. 
De ces deux exemples ressort une idée commune il n’est plus temps de discuter de l’opportunité de telle ou telle réforme mais de la possibilité de les faire.
Dans ces deux cas la raison du recul, évidente et d’ailleurs assumée est d’éviter de mettre le feu aux poudres avec des réformes qui divisent.
Ce qui est signifiant dans retours en arrière c’est qu’ils expriment une prise de conscience de l’appareil politique d’un sentiment de ras le bol très largement partagé.


Il se pourrait ainsi que ces annonces ne soient que le début d’une série de reculs et ou de mise en suspens de réformes pourtant annoncées.

On murmure d’ailleurs dans les couloirs de certaines Cours d’Appel que les avoués, dont la suppression est toujours programmée pour l’année prochaine,
pourraient se voir accorder un sursis.
Outre que la disparition de leur profession n’est autre qu’une expropriation de leur charge (au titre de laquelle il faudra bien que l’Etat se décide, de gré ou de force à les indemniser) il est vrai que la suppression des 2.600 emplois qui constituent le personnels des avoués serait du plus mauvais effet… 


Si je puis difficilement cacher mon soulagement alors que certaines réformes que je redoutais se retirent pas à pas, il me semble bien qu’avec la  crise et le sauvetage couteux d’un système bancaire pas franchement à l’abri de nouveaux soubresauts l’État ait perdu, tant sur le plan politique que financier, une part importante de sa marge de manœuvre.

Or ce n’est pas franchement une bonne nouvelle.
Billets, politique

Bernard Kouchner fête les droits de l’homme

Il est une chose incontestable c’est que Bernard Kouchner a de l’humour.
C’est vrai, célébrer le soixantième anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme en expliquant en substance qu’on s’en fiche absolument c’est assez cocasse.
Non je n »exagère pas, lisez donc :
Je pense que j’ai eu tort de demander un secrétariat d’Etat aux Droits de l’homme. C’est une erreur. Car il y a contradiction permanente entre les droits de l’homme et la politique étrangère d’un État, même en France. Cette contradiction peut être féconde mais fallait-il lui donner un caractère gouvernemental en créant ce secrétariat d’Etat ? Je ne le crois plus et c’est une erreur de ma part de l’avoir proposé au président. [source]
  D’ailleursau cas où l’on n’aurait pas bien compris, il le répète plus loin :
On ne peut pas diriger la politique extérieure d’un pays uniquement en fonction des droits de l’homme. Diriger un pays éloigne évidemment d’un certain angélisme.

Si la chose avait pu passer pour un dérapage ça n’aurait pas eu tant d’importance. Mais les propos tenus par le ministre des affaires étrangères au journal le Parisien ont été relus par l’intéressé qui n’aurait pas jugé nécessaire de les modifier.

D’ailleurs à bien y regarder il tiennent lieu de réponse à une question de pure politique intérieure (sur l’arrestation de V. de Fillipis) de sorte que l’on peut affirmer qu’ils sont absolument prémédités.

Passons sur le tacle à Rama Yade que l’on dit sur le départ et qui n’a pas grande importance. Ce qui en a c’est le fond, ce qui en a c’est la licence avec laquelle un ministre de premier plan prétend aujourd’hui que l’on peut se permettre de traiter les droits de l’homme de manière subsidiaire et s’en affranchir à des fins politiques.

[oui, j’aurais pu choisir plus dépaysant]
  
Je veux bien admettre que la raison d’État impose pour des questions de politique intérieure et extérieure d’ignorer à l’occasion les principes dictés par les droits de l’homme.

Mais prétendre au nom d’un prétendu « parler vrai » rompre avec l’hypocrisie et dévoiler cela au grand jour c’est faire de l’exception un principe.
Oui, je pense que certaines pratiques doivent rester secrètes et honteuses.

Bien qu’élus et bien qu’ayant pouvoir pour influer sur elles nos dirigeants n’en sont pas moins soumis à des règles qu’elles aient valeur constitutionnelle, conventionnelle, légale ou réglementaire.

Or reconnaitre au grand jour à des dirigeants politiques le droit de s’affranchir impunément de ces règles c’est dans le même temps renoncer à ce qui fonde la notion même de démocratie.

PS :
Vu que les droits de l’homme sont aussi sensés concerner les femmes allez lire ça, c’est nécessaire.
Billets, justice

Sans commentaires

Ceux qui me suivent sur Twitter ont peut être vu passer cet article du Monde paru hier soir au sujet de l’autre affaire de Fillipis.
Car l’épisode mouvementé et désormais fameux de son interpellation n’est qu’un avatar de la procédure pénale qui fait suite à la plainte déposée à son encontre par Xavier Niel pour des faits de diffamation. 
 
Si vous ignorez tout des détails de l’affaire, sachez que Monsieur De Fillipis qui est l’ancien directeur de Libération fait actuellement l’objet de poursuites pénales exercées à la suite d’une plainte de Xavier Niel (le PDG de Free) pour des faits de diffamation. 

Le principal intérêt de l’histoire réside dans le fait que Monsieur De Fillipis est poursuivi en qualité de directeur de la publication du journal à raison du commentaire publié par un internaute et supprimé quelques heures plus tard. 


Comme nous l’apprend l’article :
Le journal a pourtant bien retiré le commentaire incriminé dès qu’il en a appris l’existence. David Corchia, responsable de la société qui s’occupe de la modération sur Libération.fr, affirme que le texte litigieux a été mis en ligne « le 22 octobre 2006, de 22 h 30 jusqu’à 9 h 15 le lendemain, lorsqu’il a été signalé aux responsables du site et retiré ». M. Corchia explique ce retard par le fait que l’équipe de modérateurs travaillait de 9 heures à 22 heures. Quant à l’apparition même de ce message, elle résulte du fait qu’en 2006, sur Libération.fr, les commentaires étaient modérés après publication. Depuis, le site est passé au système de modération en amont.
Je passe sur les questions de technique purement juridique qui ne vous intéressent que très peu et qui sont en toute hypothèse plutôt bien résumées  dans l’article (pour une synthèse  voir aussi ici)

Ce qu’il est important de savoir c’est que le problème  de fait qui est posé en l’espèce est plus ou moins analogue à celui qui était en jeu dans  l’affaire « Fuzz ».
Dans un environnement dit « 2.0 » ou le contenu d’un site est mixte car généré à la fois par le créateur du site et par l’internaute il est bien difficile de déterminer qui est responsable de quoi.

Dans l’affaire « Fuzz« , la cour d’appel avait finalement considéré que seul l’internaute qui laisse un commentaire peut se voir à ce titre qualifier « d’éditeur  » et dans ces conditions engager sa responsabilité civile du fait de son contenu. 
Mais en l’absence de jurisprudence abondante sur le sujet on ne saurait présumer de la position future des tribunaux. 
L’affaire de Fillipis affaire présente cependant une différence notable dès lors que Xavier Niel a choisi la voie pénale (celle de la diffamation)  là où Olivier Martinez attaquait au civil (pour atteinte à la vie privée).


Une différence notable pour au moins deux raisons :
  •  le texte qui sert de bases aux poursuites n’est pas le même puisqu’il s’agit de la loi du 29.07.1881 qui prévoit le délit de diffamation par voie de presse.
  •  l’enjeu est également plus important puisque Monsieur de Fillipis risque une sanction pénale (amende, prison avec sursis) et pas des dommages et intérêts (Voir le nota bene à la fin de ce billet) s’il venait à être condamné
Précision importante ; en matière de diffamation la loi de 1881 prévoit une présomption de responsabilité  pénale du directeur de la publication puisqu’il est sensé avoir eu connaissance des écrits et en avoir approuvé la publication.  


Dans ces conditions, vous comprenez que cette affaire nous concerne tous.
Vous lecteur qui me faites à l’occasion la grâce de me laisser un commentaire, autant que moi qui vous fait la confiance de ne pas modérer vos commentaires à priori. 

Je vais donc la suivre avec d’autant plus d’attention qu’il y a quelques mois déjà j’avais eu le déplaisir de « modérer » un commentaire clairement diffamatoire qui avait été publié au bas d’un article classé dans la rubrique ciné.



Un importun, apparemment aussi bien informé qu’un prétendant éconduit peut l’être avait jugé bon de refaire la biographie d’une actrice (dont je conçois tout à fait que le minois ait pu déchainer la passion) sur un ton insupportable et clairement diffamatoire.

Hasard de mon emploi du temps ce commentaire est resté affiché plus d’un week-end…
Suivant la tournure que prenne les événements dans ce milieu des blogs où les intérêts financiers sont de plus en plus présents et où à l’occasion certains n’hésitent pas à laisser d’authentiques saloperies dans les commentaires je me dis que nous sommes tous bien vulnérables dans ce climat d’insécurité juridique généralisée.

J’ai bien peur aussi que l’idéal communautaire que représente les commentaires (et mon habitude de les modérer à postériori) ne soit rien d’autre qu’une utopie. 


Mais je dois être pessimiste…

NB: si  vous ignorez la différence entre une amende et des dommages et intérêts. Sachez que la première à vocation à punir et revêt le caractère d’une sanction pénale. Les dommages et intérêts ont quant à eux une vocation indemnitaire. Ils visent à réparer le préjudice causé à une victime à qui ils sont d’ailleurs directement réglés.