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Julien Dray ou la cruauté en politique

Elle est assez rocambolesque cette enquête actuellement en cours sur le député socialise Julien Dray et qui fait la une des médias depuis la perquisition qui a eu lieu à son domicile vendredi.
Si vous avez passé les derniers jours dans les files d’attente à la caisse des grands magasins et que vous n’avez pas pris le temps de lire la presse entre deux évacuations les faits sont les suivants :
Le parquet a ouvert une enquête le 10 décembre pour abus de confiance à la suite d’un signalement de Tracfin, la cellule antiblanchiment du ministère des Finances, portant sur des mouvements de fonds suspects à partir de comptes de l’association les Parrains de SOS Racisme et de l’organisation lycéenne Fidl depuis janvier 2006.[source]
Ce qui est intéressant  tout d’abord dans cette affaire c’est le fait qu’elle ait été révélée par Tracfin  qui, comme le précise l’article est un organe administratif directement rattaché au ministère de l’économie et des finances.
Pour la petite histoire, Tracfin est informé par des intervenants désignés par la loi qui sont tenus de lui adresser une déclarations de soupçons lorsqu’ils ont à connaitre de mouvements de fonds qui leur paraissent suspects. 
Au nombre de ces intervenants figurent notamment les établissements bancaires bien sùr, mais aussi les professions juridiques. Pour la petite histoire ces derniers sont dans leur immense majorité très reservés quant à cette injonction qui leur est faite de violer le secret professionnel.

Dès lors qu’une enquête administrative est à l’origine de l’affaire celle-ci revêt de toute évidence une nature politique. On imagine mal les fonctionnaires de Tracfin signaler au parquet des faits qui impliquent un député sans en aviser leur autorité de tutelle.
 
Dans ces conditions elles me paraissent bien singulières ces réactions qui fleurissent ce matin un peu partout dans la presse. 
Il y a Julien Dray lui-même tout d’abord qui confirme que le paysage socialiste est toujours aussi brouillé lorsqu’il déclare -suffisamment fort pour que toute la presse s’accorde pour le citer- que Martine Aubry se refuse à le soutenir : 
« Le PS a été exemplaire tous courants confondus, mis à part quelques noms… Le devoir d’un premier secrétaire, dans ces moments-là, c’est au moins d’essayer de prendre contact »
Rien d’étonnant en fait. Cette réaction n’est somme toute que le prolongement logique de ce que les socialistes vivent depuis déjà plusieurs mois. Et le signe aussi ceux-là sont définitivement irréconciliables..
Plus surprenantes sont ces réactions bien plus amicales dans le camp adverses.
Car ce ne sont pas moins de deux porte-parole de l’UMP qui se sont élevés pour prendre sa défense.
Fréderic « la voix de son maitre » Lefevre qui nous a pourtant peu habitué à des propos mesurés a d’abord déploré le « déchainement médiatique » dont a été victime Julien Dray.
 
Et Dominique Paillé, lui aussi porte-parole, a rappelé que « Julien Dray bénéficie de la présomption d’innocence », invitant les commentateurs à « respecter » cette règle. [source]
 
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’entre les anciens amis qui s’éloignent sans regarder derrière et ceux du camp d’en face qui tire le premier coup de feu avant de faire semblant de s’excuser il doit se sentir bien seul Julien Dray…
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Manifestations lycéennes et catharsis

Je regarde depuis quelques jours ces images de lycéens qui défilent avec le regard amusé et un peu attendri du vieux con de 26 ans qui défilait à leur place il y a (déjà ?) dix ans.

Ils ont de quoi se réjouir à priori d’avoir en quelques jours déjà fait reculer un ministre qui pour ne pas avoir enterré sa réforme sur le principe l’a précisément tuée dans les faits.
 
Car on sait bien ce que signifie un ministre lorsqu’il renvoie aux calendes grecques cette réforme de la classe de seconde qui a mis le feu aux poudres. 

 

Mais il y a plus dans ces revendications lycéennes qu’une simple opposition à une réforme. 
Il y a plus aussi que la manifestation du simple esprit contestataire adolescent qui les fait défiler dans la rue comme il y a des années, comme il y a quelques mois
 
Ce n’est pas moi qui le dit. Ce sont eux dans Le Monde
Pour les lycéens hostiles à la « réforme Darcos », le jeudi 18 décembre, deux jours avant les vacances de Noël, devait être, avec des manifestations dans toute la France, une nouvelle date mémorable dans un mouvement qu’ils assurent être encore en phase ascendante. Le report d’un an de la réforme, annoncé lundi par le ministre de l’éducation, qui promet de « tout reprendre à zéro », est considéré par eux comme une première victoire en même temps qu’un « piège » dont il leur faudrait se garder. [source]
Et moi je ne peux m’empêcher de voir dans cette défiance à l’égard de l’État qui ressort de ce discours quelque chose de plus vaste et de plus en plus partagé dans la société Française.
 
Car à bien y regarder leur discours, pour être plus passionné, n’est pas bien différent sur le fond de celui que j’entends tous les jours, de la rue à la gare, puis du train au bureau.
 
Les suppressions de postes, le recul du service public, le repli de l’État dans des sphères où il avait jusque là un rôle de premier plan.
Voila qui a il me semble un écho avec l’actualité nationale dans ce qu’elle a de plus globale.
 
 [source]
   
Nos gamins manifestent et à bien y regarder c’est un changement de société qu’ils critiquent.

Alors j’ai dû mal à regarder ces images de lycéens qui défilent autrement que dans une fonction cathartique.  
 

Et comme en 2005 lors de la contestation du CPE c’est le malaise de toute une frange de notre pays qui, faute de trouver à s’unir autour d’un projet de société alternatif, se cristallise dans ces adolescents.
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Les rumeurs aussi sont partout

Ce matin, comme à peu près chaque matin la presse relayait une nouvelle rumeur de nomination au gouvernement. 
Cette fois, c’est Malek Boutih l’ancien secrétaire national du PS qui est concerné. C’est à croire décidément que les proches de Nicolas Sarkozy passent plus de temps au téléphone avec des personnalités de la gauche qu’avec leurs députés… 
Pour le Figaro la chose est entendue : 
Le titre et la fonction restent à préciser, mais, cette fois, Malek Boutih n’a pas opposé de fin de non-recevoir aux offres de Nicolas Sarkozy. Sauf revirement de dernière minute, l’ancien président de SOS-Racisme devrait devenir, à l’occasion d’un prochain remaniement, le nouveau visage de l’«ouverture». [source]
Pourtant, comme tous les matins la rumeur refuse de se changer en information.
contacté mercredi 17 décembre par Le Monde, l’ancien secrétaire national du Parti socialiste a fermement démenti cette information.[source]
Rien de bien neuf en réalité…

Dans le même temps le ministre de la défense Hervé Morin lançait lui aussi une rumeur sur RTL : 
Le ministre de la Défense répondait mercredi matin aux questions de Jean-Michel Apathie. Hervé Morin est revenu sur la découverte d’explosifs au Printemps-Haussmann à Paris : « la phraséologie, la dialectique n’est pas celle des mouvements terroristes islamistes. Le mot « révolutionnaire » dans l’intitulé du groupe, « capitalistes » pour désigner les magasins, l’absence de référence à l’Islam, au Jihad (la guerre sainte, ndlr)… La piste islamiste n’est pas la piste la première, mais il ne faut rien négliger par nature. Il nous faut être vigilant, déterminé et prudent mais aussi avoir la fermeté nécessaire. Prudence et fermeté, vigilance et détermination : ce sont ça les mots ». [source]
Si Derrick était encore des nôtres on aurait probablement pu lui confier l’enquête… Il aurait surement et en toute logique commencé par se demander  à qui profite le crime ?  
Mais non, Hervé Morin préfère venir à la radio prononcer bien fort les mots Capitalistes et Révolutionnaires et jouer de plus belle à « suivez mon doigt ». 
 
Moi, j’entends ça et je pense qui si j’étais lui je commencerai par interroger Daniel Pennac qui dans Au bonheur de ogres faisait lui aussi sauter des bombes dans un grand magasin du Boulevard Hausmann.
 Et puis je repense à la thèse centrale du livre : « le bouc émissaire est plus qu’un principe d’explication, il est une cause patente ».
Ce matin le contrôleur de mon train s’inquiétait auprès du personnel de quai du visage inconnu d’un agent d’entretien croisé en arrivant.

Il va falloir que je me méfie moi aussi à l’avenir. Ils peuvent etre partout.