Elle a une drôle d’allure Clara.
Un petit corps frêle qui lui donne des airs d’adolescente, dominé par des grands yeux noirs encore fatigués d’avoir trop pleuré. Et des brulures anciennes qui sillonnent son visage. On a brûlé Clara. On lui a cassé les dents. Et pourtant elle sourit alors qu’elle se laisse tomber sur le siège au moment même où le train démarre.
Elle me dit qu’elle aime bien s’asseoir à coté de moi tandis qu’elle fait descendre un accoudoir.
Elle ajoute que je suis son porte-bonheur car les contrôleurs ne la verbalisent jamais lorsque je suis avec elle.
Il faut savoir qu’elle n’a jamais de billet Clara.
Je le sais, comme chacun des habitués. Tout comme je sais que les contrôleurs, pas dupes de ses manèges, font pour la plupart semblant de ne pas la voir.
Un soir, j’ai proposé de lui payer le billet, et ajouté que ce serait dommage de prendre une amende pour si peu. Elle a accepté les quatre euros que je lui tendais à condition que je lui laisse les garder pour acheter à manger plus tard dans la soirée.
J’ai accepté, et regretté aussitôt d’avoir pensé qu’il s’agissait d’une petite somme.
Depuis, je sais que certaines choses ne changent pas ; le soleil se lève le matin et Clara n’a pas de billet. Jamais bien certain de connaitre le retard du train, je me sens un peu rassuré d’avoir au moins la certitude que Clara n’a pas de billet.
A l’occasion, elle a l’index ceint d’un pansement et ses cheveux rares par endroits laissent apparaître une plaie pas vraiment refermée. Un autre soir, c’est sa lèvre qui porte un pansement. Parfois j’ai l’impression que le corps de Clara ne cicatrise jamais totalement.