Ciné

Looking for Eric [critique]

Depuis quelques jours Dulcinée monopolise l’ordinateur pour raison professionnelle et me tient loin de vous (au point d’avoir totalement passé sous silence la promulgation de la loi Création et Internet). 
Alors ce week-end j’en ai profité pour rattrapper une partie du retard que j’avais accumulé coté cinéma. 
Et pour tout vous dire, je ne regrette rien parce que j’ai vraiment passé de bons moments.
Le plus marquant d’entre eux est probablement le très commenté long métrage de Ken Loach, « Looking for Eric ».

En bon cinéphile, j’avais un double à priori positif sur ce film.
Parce que Ken Loach bien sûr, et parce que Cantona ; sans rire.

Mine de rien, l’ancien footballer peut se vanter d’avoir une filmographie irrégulière mais de belle facture pour être apparu dans les Enfants du Marais, Le Bonheur est dans le Pré et aussi pour son interprétation sympathique dans l’Outremangeur, l’adaptation de la génialissime bande déssinée de Bénacquista et Ferrandez. 


L’argument (*): 
« Looking for Eric », c’est l’histoire d’Eric Bishop un postier dépressif qui néglige son travail, laisse ses enfants tourner mal et pense de plus en plus au suicide. 
Heureusement, Eric n’est pas seul. Ses amis postiers d’un coté et sa fille de l’autre veillent sur lui et sont bien décidés à ne pas le laisser s’enfoncer plus avant.
Leurs efforts semblent mal partis puisqu’Eric reste dans sa chambre à picoler face au poster grandeur nature de son idole ; Eric Cantona. 
Mais un jour l’idole lui répond, avac l’aide de Cantona, Eric se sent enfin prêt à remonter la pente.


Le talent de Ken Loach réside dans ces portraits qui à eux seuls embrassent un phénomène social.
Cette fois, il choisit de parler des quartiers populaires de Manchester et de ceux qui y vivent avec son talent habituel.

Le procédé qui consiste à confronter un dépressif à son idole peut sembler usé, mais la subtilité avec laquelle il est cette fois employé réussit à la perfection.
Car Cantona se fait rare à l’image, de sorte que chacune de ses apparittions est un authentique spectacle. L’ancien Footballer est ici impeccable dans la caricature de lui même. Enchainant les aphorismes et les proverbes usés avec une assurance inoxydable il forme un contrepoint efficace au personnage d’Eric Bishop. 

Le procédé réussit doublement  puisqu’il préserve Cantona du ridicule dans lequel il aurait facilement pu tomber autant qu’il met en valeur la performance de Steve Evets, l’autre Eric absolument stupéfiant d’un bout à l’autre du film. 
Voilà un authentique moment de cinéma, subtil, humain dont les accents scénaristiques rappellent parfois le récent Gran Torino. 
Vous aussi éteignez votre ordinateur et allez-y, tout de suite (oui c’est un ordre).

(*)Oui, « l’argument », parce que « Pitch » c’est vraiment laid… 
brèves, nos droits

Où je découvre la publicité vivante [en retard]

Parfois j’ai vraiment l’impression de débarquer.
Ce matin par exemple alors que la café coulait je me suis retrouvé un peu par hasard à lire un article intitulé « comment gagner de l’argent sans travailler » sur le portail MSN 

L’article évoquait notamment la possibilité d’être rémunéré pour porter un tatouage à l’effigie de telle ou telle marque et renvoyait vers le site TatAd qui propose ce genre de prestation.

Trois secondes de recherche plus tard je découvre que cette société existe depuis 2004, de sorte que de nombreux articles en font d’ores et déjà mention.



Environ trois secondes plus tard  je pensais déjà à autre chose lorsque j’ai appris la chose suivante chez Korben : 

Le site MyMMOShop qui propose de vendre de l’or […] dans le jeu WoW gagne tellement bien sa vie qu’il a payé Anna Morgan, une actrice porno russe pour se faire tatouer le logo de la société et l’adresse du site web, sur ses seins. [source]

J’ai tout d’abord pensé que j’avais quelques trains de retard sur ce coup là. 
Et aussi que cette manie de commercialiser les tatouages est décidément étrange. 
 

C’est à cet instant que la déformation professionnelle m’a rattrapé sous la forme d’une question simple ;  « est-ce bien licite tout ca ?« .

Mes cours de fac ne sont pas loin, alors j’ai immédiatement pensé à ce jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris le 3.06.1969 dont les étudiants en droit des obligations se souviennent probablement.  
Un monsieur « X » avait engagé une demoiselle Z.  âgée de 17 ans, pour tenir le role d’une jeune fille tatouée dans une séquence du film « Paris Secret ».
Pour l’anecdote, il s’agissait clairement d’un film « pour adultes »…
Aux termes du contrat, une tour Eiffel et une rose devaient être tatouées sur une des fesses de la demoiselle Z, le tatouage devant être enlevé quinze jours plus tard par un chirurgien et devenir la propriété de la société Ulysse Production.

Rassurez-vous ; il y a une justice ; quelques années plus tard les méchants producteurs ont été condamnés à indemniser cette demoiselle Z dont on peine à imaginer les souffrances. (Cass. civ. 1° ; 23.02.1972)

Mais avant cela le TGI avait purement et simplement annulé le contrat dans son jugement du 3.06.1969 rendu sur le fondement de l’article 1128 du code civil, celui là même qui fonde par ailleurs la prohibition du contrat de « mère porteuse » et selon lequel :

Il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions. [source]
Bien que l’exemple du « tatouage publicitaire » n’implique pas que celui-ci soit prélevé j’ai donc tendance, à priori, à considérer qu’un tel contrat serait nul s’il était conclu en France pour la simple raison que le corps humain n’est pas, en principe, « dans la commerce juridique »

Voilà pour les considérations juridiques. 
Mais indépendamment de cela je ne peux m’empêcher de m’interroger quant à l’efficacité de ce type de publicité. 

La question dépasse largement ma compétence : je concède ma plus parfaite ignorance en matière de marketing. 

Mais je ne crois pas qu’un tatouage, même habilement placé, puisse véhiculer une bonne image de la marque concernée dès lors qu’il constitue ostensiblement une utilisation commerciale du corps humain. 

 [photo]

Réflexion faite, Je connais certains Geeks qui accepteraient volontiers de se faire payer pour un pareil tatouage…
Billets, politique

Une Europe entre abstention et désir démocratique

J’ai failli ne pas écrire cet article tant je craignais de perdre mon sang froid. 
Il faut dire que j’ai une sorte de gueule de bois depuis les résultats d’hier. 
Car j’ai été voter et depuis je ne décolère pas. 
En fait c’est Lousia qui a raison ont pourrait sans avoir peur de se tromper résumer ces européennes comme une vaste fumisterie.
Une fois calmé, il me semble toutefois que l’on peut en tirer un nombre certain d’enseignements.

Le premier d’entre eux bien sûr il faut le tirer de l’abstention puisque :
Le taux de participation moyen dans l’UE s’élève à 43,55%, soit une abstention record de 56,45%. Six pays enregistrent des taux d’abstention supérieurs à 70% [source]
On aurait tort d’analyser ce chiffre comme un rejet de l’Europe dès lors qu’un sondage publié par Libération à deux jours du scrutin révélait :
 un réel attachement à l’avenir de l’Europe, qui contraste avec le manque d’intérêt pour la campagne électorale qui s’achève actuellement: 59 % des Italiens, 48 % des Espagnols, 46 % des Français souhaitent «plus d’Europe», et «l’émergence d’une Europe fédérale»; 78 % des Italiens, 76 % des Espagnols, 72 % des Français, 57 % des Allemands souhaitent la création d’un poste de «ministre de l’Economie et des finances européen». [source]
Le score piteux des souverainistes dans les urnes confirme très nettement le résultat de ce sondage. 

[au passage, merci à Selenite pour sa réponse]


Puisque l’abstention ne traduit pas un rejet de l’Europe, j’ai tendance à conclure -mais je peux me tromper-  qu’elle illustre essentiellement le fait que la majorité des français ignore tout de l’importance de ce Parlement Européen qui ne cesse pourtant de gagner en pouvoir. 
J’ai déjà eu l’occasion de l’écrire ici ; le fonctionnement des instituons européennes est si complexe qu’il devient très compliqué pour la plupart des électeurs de réellement percevoir l’enjeu de leur vote. 

A mon sens, le second enseignement majeur de ce scrutin est que seuls les projets clairs rapportent des voix. 
Qu’elle  se situe dans le camp socialiste ou du coté du Modem la défaite est certes cruelle mais méritée. 
Car convaincre un électeur c’est aussi le convaincre que l’on peu changer sa vie. 

Les Socialistes avaient pour eux un programme cohérent et commun avec le Parti Socialiste Européen. Mais ils se sont bien gardés d’en exposer les lignes claires de peur de dissiper le malentendu socialiste selon lequel ce parti refuse de choisir une ligne politique claire.   
Quant aux Centristes, ils n’ont manifestement rien compris à leur succès de 2007. 
A l’époque François Bayrou avait su mobiliser autour de valeurs humanistes capables de séduire cette part de l’électorat de droite qui n’est pas libérale, tout autant que les sympathisants de gauche qui peinait à voir la différence entre l’Ordre Juste de Ségolène Royal et la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy. 
Aujourd’hui, on peine à distinguer ces valeurs dans le discours de celui qui s’est voulu le champion des opposants à Sarkozy. 
Le résultat n’est donc pas surprenant. 
Après avoir troqué son programme de gouvernement contre une tunique de contestataire F. Bayrou fait à peu près le score d’un parti de contestation. 
Voilà à mon sens une belle leçon… 
Quant aux autres chantres de l’anti-sarkozysme il récoltent un émiettement des voix à la hauteur de leur absence de projet. 
L’isolement du NPA, manifestement surévalué par les médias depuis des mois est d’ailleurs l’illustration de ce phénomène. 
Olivier Besancenot avait une chance de faire éclore un authentique parti de gouvernement des cendres de la LCR. Or sa stratégie de l’isolement démontre clairement sa volonté d’aller dans la direction opposée. 
Dont acte.

Les gagnants d’aujourd’hui sont ceux qui ont su exciter les électeurs.
Le terme n’est pas trop fort, depuis que l’on nous répète que cette élection ne nous intéresse pas il fallait en avoir vraiment envie pour se rendre aux urnes hier.

Le projet de l’UMP n’est pas le mien, mais il avait de mérite d’être clair et résumable en deux mots : Nicolas Sarkozy. 
Pas l’homme Nicolas Sarkozy, mais le fantasme du Président Sarkozy, celui d’une Europe des États  où quelques chefs de gouvernement sous la tutelle d’un président pourraient presque à eux seuls faire avancer les choses. 
Que ce soit dans les urnes ou par cette abstention généralisée qui entame  sérieusement la légitimité démocratique du parlement Européen cette conception a été légitimée au moins deux fois hier. 

Quant au score d’Europe Écologie, indépendamment de toute analyse politicienne (je n’ai pas voté pour eux) j’ai envie de l’analyser avec optimisme. 
Voilà une liste qui n’a pas ménagé ses efforts pour expliquer un projet cohérent
et parfaitement adaptée à l’échelon européen. 
S’il est un domaine dans lequel l’Europe a une compétence évidente c’est bien en matière écologique. 

En somme, ces français que l’on a accusés de ne pas s’intéresser à l’Europe ont porté vers la victoire les deux projets qui leur semblaient les plus clairs et  aisément applicables à court terme. 
De là à se demander si la qualité des projets soumis par nos politiques lors du récent scrutin n’est pas l’un des principaux moteurs de l’abstention il n’y a qu’un pas.
Hier n’était peut être pas un grand jour pour l’Europe, mais en fin de compte il n’y a pas nécessairement de quoi désespérer de la démocratie.