Billets, politique

Entretien avec Gerard Schivardi

Parfois parler politique sur un blog ça peut vous mener à faire des choses inattendues. Vraiment.

1- Un commentaire pas anodin
Ça a commencé avec ce commentaire laissé vendredi soir en bas d’un d’article consacré à la toute récente condamnation de Gérard Schivardi récemment démis de ses fonctions de conseiller général par le tribunal administratif de Montpellier.
 
L’auteur du commentaire avait signé Gérard Schivardi, autant vous dire qu’au premier abord j’ai cru à un mauvais plaisantin.
Pourtant l’adresse Internet (transparente et payante) le numéro de téléphone (authentique) et la localisation géographique (cohérente) de l’auteur du commentaire ont dissipé une partie de mes doutes.
Une partie seulement, car ces éléments n’avaient rien de probant.
Intrigué j’ai cependant pris l’initiative : 
  • d’adresser un Mail à l’adresse de l’auteur du commentaire 
  • de prendre attache avec la mairie de Mailhac le lendemain matin comme on m’y invitait
Une voix féminine a répondu à mon appel presque aussitôt. 
J’ai taché de me présenter clairement en une phrase. 
Elle m’a mis en attente un très bref instant avant de m’éconduire d’un « non, il s’agit d’une erreur de notre part » aussi énigmatique que définitif.
J’ai reposé le combiné déçu et je suis parti faire un tour, persuadé que l’aventure s’arrêterait là.
 
A mon retour un nouveau commentaire avait été déposé, quelques minutes seulement après mon appel à la mairie. 
Suite à une erreur pouvez vous m’appeler au 04 68 XX XX XX à partir de 12h30
Gérard SCHIVARDI
Si j’ai cru devoir le supprimer par la suite, c’est parce que le numéro indiqué s’est révélé être aussi exact… que privé.


2- l’affaire selon Gérard Schivardi
Il est environ 13h30 lorsque je décide d’appeler ce nouveau numéro.
C’est une voix féminine très douce qui décroche, je me présente à nouveau, elle me coupe pour me dire qu’elle va me passer son mari.
Gérard Schivardi commence par s’excuser, lorsque j’ai appelé à la mairie ce matin il n’a pas fait le rapprochement, ce qui ne me surprend pas.
Il me dit être tombé par hasard sur mon article et avoir été surpris de trouver quelqu’un qui cherche à comprendre ce qui lui arrive.
Il ne croit probablement pas si bien dire. J’ai fait très attention à ne pas dépasser des faits lors de la rédaction de mon billet, or ceux qui ont été relatés dans la presse sont assez minces de sorte que j’ai un nombre certain de questions sans réponse.

Gerard Schivardi me propose spontanément de m’éclairer.

Détail qui n’a pas été relaté dans la presse, il me dit que la veille de la date limite de dépôt des comptes de campagne une employée de la commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques a pris contact avec lui.
Elle s’étonnait de n’avoir reçu aucun dossier le concernant.
Gérard Schivardi n’avait initialement pas l’intention de déposer de demande de remboursement des ses frais de campagne puisqu’il n’en avait pas eu si ce n’est une facture d’imprimerie de 223 euros.
Devant l’insistance de son interlocutrice, il finit par se laisser convaincre.
Une fois déposé, son dossier avait été rejeté puisqu’il n’avait pas ouvert de compte bancaire à l’occasion de sa campagne. 
La commission conformément à la procédure avait ensuite saisi le juge. 
 
A ce stade de la conversation une question me taraudait :
Comment un homme précédemment élu maire, un homme politique ayant fait une campagne présidentielle avait il pu ignorer l’obligation qui lui était faire d’ouvrir un compte bancaire ?
Gérard Schivardi me dit que le jour du procès le président lui a posé la même question.
Puis il me confie sans ambages, qu’il a été négligent et qu’il aurait du lire la documentation qui lui avait été remise à l’occasion du dépôt de sa candidature. Lorsqu’il s’est présenté aux municipales il n’avait pas demandé le remboursement de ses frais. A l’inverse lors de la présidentielle il disposait d’un « staff » chargé de gérer ce genre de choses.


Je lui demande s’il avait engagé un mandataire financier comme la loi l’y obligeait. 
Il me répond que oui, il a bien engagé un mandataire financier, mais que celui-ci a omis d’ouvrir le compte bancaire de campagne puisque justement il n’y avait pas de frais.
Je pense immédiatement à la question de la responsabilité de ce professionnel… sans toutefois l’évoquer. 
Lui me précise avoir appris par la suite de l’un de ses avocats que s’il l’avait su aurait pu ouvrir le compte bancaire dont l’absence a motivé sa condamnation jusqu’au dernier jour… Il regrette qu’on ne lui ait  rien dit…

Sur la décision elle-même.
Le maire de Mailhac s’estime « floué ». 
Il a d’autant plus de mal à admettre la décision qu’à l’audience le commissaire du gouvernement [*] avait développé des conclusions on ne peut plus clémentes à son égard. 
Il suppose que le tribunal a voulu « se payer Schivardi » et trouve profondément injuste qu’on le sanctionne plus durement pour n’avoir pas respecté la procédure que ceux qui fraudent.

Sur la possibilité d’un recours.  
Il me confirme donc ce que la presse m’avait déjà appris ; il a d’ores et déjà exercé un recours devant le conseil d’État. Il me précise cependant qu’il n’a pas grand espoir mais qu’il tiendra bon ne serait-ce qu’au nom de ceux qui lui ont manifesté leur soutien.

Il me dit d’ailleurs avoir reçu près de 2000 courriers d’élus et s’être entretenu longuement avec François Bayrou.

Je m’étonne qu’en dépit de tous ces soutiens la presse n’ait pas donné plus d’écho à l’affaire.

Gérard Schivardi me dit avoir donné plusieurs interviews mais souffrir d’un véritable black-out de la part des journalistes.

Il prend soin de me préciser qu’il est « très loin de l’image que l’on donne de lui », qu’il ne se « considère pas comme d’extrême gauche », et qu’il n’est pas l’anti-européen pour lequel on veut le faire passer. Il se dit favorable à une « Europe Fédérale capable de mettre en place des projets ». 
Sur l’avenir  :
Il est 14h15, Monsieur Schivardi me précise devoir se rendre à une réunion afin de décider de l’après. 
Son successeur est déjà désigné. s’il est élu, il est d’ores est déjà prévu que celui-ci démissionne dans un an, sitôt passée la période d’inéligibilité… 
Si Gérard Schivardi semble très affecté par la décision il ne semble pas près à raccrocher les gants. 

Après que je l’aie remercié vivement de m’avoir accordé un peu de temps, je finis par raccrocher. 
 
3- Bilan 
Le terme « bilan » est probablement un peu fort. 
Quelques réflexions plutôt. 
Lorsque j’ai commencé à écrire ici sur la chose politique  je l’ai fait sincèrement mais sans prétention, comme on lance une bouteille à la mer.
Il faut croire qu’à l’occasion les messages parviennent au port.  
En toute franchise je suis assez flatté qu’un homme politique ait pu trouver assez de valeur à mon travail pour s’y interésser… 
Quant à l’entretien lui-même, je ne l’ai probablement pas assez préparé, ce qui m’a gêné dans ma prise de notes pendant.
Mais pour tout vous dire, je n’ai vraiment cru à la chose que lorsque j’ai eu Gérard Schivardi au téléphone… 

Quoi qu’il en soit cet entretien a confirmé mon opinion. La condamnation provient d’un cumul de négligence et d’un déficit de formation. Le droit électoral est une matière complexe dont Gérard Schivardi ne semble pas avoir saisi à temps l’importance. 
Sur l’homme enfin… 
Peu importe mes convictions politiques, je l’ai trouvé séducteur. Vraiment. Je savais que la séduction était une qualité nécessaire lorsque l’on embrasse ce type de carrière, mais je ne me doutais pas à quel point. L’homme a réussi a installer une proximité dans notre discours qui sur le moment je l’avoue m’a presque désarçonné… 


Mais pour une première fois j’ai obtenu réponse à l’ensemble de mes questions… je considère donc l’aventure comme un succès. 😉



Billets, coup de gueule, justice, politique

Gerard Schivardi condamné, et bien mal raconté

L’actualité juridique est souvent incompréhensible lorsqu’elle est commentée par des journalistes qui n’y sont pas formés. Et du coup elle parait scandaleuse.
Car le problème de beaucoup de journalistes c’est qu’ils croient bon de s’en tenir aux faits ce qui est une erreur dès lors qu’on relate une décision de justice.

 Le juge n’est pas est ne doit surtout pas devenir un Salomon qui distingue le vrai du faux, le bon du méchant.
Son rôle, c’est avant tout de qualifier des faits, c’est à dire leur  appliquer la règle juridique adéquate.
Dans ces conditions, rendre compte d’un jugement sans expliquer quelle règle de droit a été appliquée revient quasi systématiquement à induire le public en erreur, ce qui va -je crois- à l’inverse de ce que doit être le travail journalistique.

Cet article paru hier dans la dépèche du Dauphiné est un bon exemple de ce type de carence. 
On y apprend les faits suivants :  
Gérard Schivardi a appris, presque par hasard, hier, que le Tribunal administratif de Montpellier l’avait démis de ses fonctions de conseiller général du canton de Ginestas et l’a déclaré inéligible pendant un an.
[…]
Ce sont les comptes de campagne des dernières cantonales qui ont été épinglées,« Pour une somme de 223, 45 €», précise Gérard Schivardi qui ajoute : « je n’ai jamais menti, je n’ai jamais triché, j’ai toujours été de bonne foi ». Gérard Schivardi n’avait pas ouvert de compte de campagne et avait payé de ses propres deniers sa campagne c’est une facture d’imprimerie, de 223,45 € qui lui est aujourd’hui reprochée. 
Gerard Schivardi nous dit qu’il n’a « ni menti, ni triché ». Soit. 
D’évidence ce n’est pas pour cela que le tribunal administratif l’a sanctionné. 
D’ailleurs pour quoi [i.e. sur le quel fondement juridique] Monsieur Schivardi a t’il été Condamné ? Force est de constater que l’article ne le dit pas clairement. 

Or c’est bien cela le problème.
N’ayant pas étudié le droit électoral, et n’ayant pas eu l’occasion de le pratiquer à titre professionnel j’ai cherché à en savoir plus pour rapidement constater que l’information ne passionnait pas grand monde.
 


Il est vrai qu’un événement transversal traversait alors tous les espris.

Rien de bien plus instructif dans le reste de la presse.
Une présentation des faits un peu plus synthétique dans le Midi Libre, mais point de fondement juridique. 

Sans mobiliser les foules l’information, incompréhensible en l’état, déchainait toutefois les passions, au point d’ailleurs de faire naitre dans les blogs quelques billets poujadistes et des commentaires « avisés » sur rue 89

A leur décharge, présentée aussi nue, l’idée qu’un homme politique puisse etre sanctionné pour avoir réglé une facture de sa poche est pour le moins choquante.

C’est sur le site de la commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques (CNCCFP) que j’ai trouvé très facilement les réponses à mes questions. 
On y apprend textes à l’appui que tout candidat à une élection doit : 
  • désigner un mandataire financier (personne physique ou association de financement) et le déclarer en préfecture dès le début de la campagne électorale ; ce mandataire ouvrira un compte bancaire unique retraçant les mouvements financiers du compte (recettes et dépenses) ;
  • ne pas dépasser le plafond des dépenses applicable à l’élection en cause ;
  • faire viser son compte par un expert-comptable sauf si aucune dépense et recette n’a été engagée ;
  • déposer à la commission un compte en équilibre ou, éventuellement, en excédent ;
  • fournir toutes les pièces justificatives de dépenses et de recettes.
Or en l’espèce il est acquis (et d’ailleurs pas contesté par G. Schivardi) que celui-ci n’avait pas ouvert le compte bancaire imposé par la loi, de sorte qu’il a été contraint de régler la facture litigieuse sur ses propres deniers. 
En présence d’une telle irrégularité la CNCCFP a nécessairement rejeté les comptes de campagne et saisi le juge de l’élection qui pouvait : 
  • soit prononcer l’inéligibilité du candidat ;
  • soit ne pas prononcer l’inéligibilité, s’il considère que le candidat est de bonne foi ou s’il juge que la commission n’a pas statué à bon droit. [*]
En l’espèce la décision de la commission était difficilement contestable en présence dès lors que Gérard Schivardi avait cru devoir s’affranchir des règles propres au financement d’une campgane éléctorale et qui visent à garantir sa transparence. 
Quant à sa bonne foi, elle était difficilement soutenable dès lors que celui-ci qui avait précédemment été candidat à l’élection présidentielle ne saurait prétendre ignorer les obligations auxquelles il était soumis.
 
La sanction est effectivement dure, mais elle était  difficilement évitable. 
Gérard Schivardi connaissait la règle du jeu, il s’en est volontairement affranchi en connaissance de cause. 
Dans ces conditions, j’aurais le plus grand mal à le plaindre.
Billets, politique

Le temps des compromis

Compromis. En neuf lettres comme en cent mots c’est le mot du jour. 

Après des mois des réformite acharnée, c’est le principe de réalité, nécessairement teinté par la contexte économique et social on ne peut plus morose, qui commence à dicter sa loi. 
 
Pour preuve j’en veux deux annonces d’importance qui ont été faites ce matin. 
La première provient de Xavier Darcos, le ministre de l’éducation qui a annoncé dans un communiqué avoir : 
 » décidé de laisser plus de temps pour la mise en œuvre de la réforme de la classe de seconde initialement prévue à la rentrée 2009 dans le cadre de la réforme du lycée » [source]
La seconde provient de parlement, par la voix de Jean Francois Copé qui ,interrogé par le parisien sur l’épineux sujet du travail le Dimanche qui divise jusque dans la majorité, répondait la chose suivante : 
« Pour les zones touristiques, il n’y a aucun problème, notre groupe est unanime : on en reste au texte, en étant plus souple. Mais pour les quatre grandes agglomérations (NDLR : Paris, Lyon, Marseille, Lille), plutôt qu’un système qui permet l’ouverture tous les dimanches de l’année, on pourrait imaginer l’ouverture un dimanche par mois, plus les quatre dimanches du mois de décembre. Au lieu de donner le sentiment d’une généralisation du travail le dimanche dans ces grandes zones urbaines, avec le risque que cela porte atteinte aux petits commerces de proximité qui en sont proches, on aurait un système plus modéré ! » [source]
Dans le premier cas la mesure est donc repoussée aux calendes grecques, dans le second est est maintenue mais réduite à peau de chagrin pour ne viser que des cas exceptionnels. 
De ces deux exemples ressort une idée commune il n’est plus temps de discuter de l’opportunité de telle ou telle réforme mais de la possibilité de les faire.
Dans ces deux cas la raison du recul, évidente et d’ailleurs assumée est d’éviter de mettre le feu aux poudres avec des réformes qui divisent.
Ce qui est signifiant dans retours en arrière c’est qu’ils expriment une prise de conscience de l’appareil politique d’un sentiment de ras le bol très largement partagé.


Il se pourrait ainsi que ces annonces ne soient que le début d’une série de reculs et ou de mise en suspens de réformes pourtant annoncées.

On murmure d’ailleurs dans les couloirs de certaines Cours d’Appel que les avoués, dont la suppression est toujours programmée pour l’année prochaine,
pourraient se voir accorder un sursis.
Outre que la disparition de leur profession n’est autre qu’une expropriation de leur charge (au titre de laquelle il faudra bien que l’Etat se décide, de gré ou de force à les indemniser) il est vrai que la suppression des 2.600 emplois qui constituent le personnels des avoués serait du plus mauvais effet… 


Si je puis difficilement cacher mon soulagement alors que certaines réformes que je redoutais se retirent pas à pas, il me semble bien qu’avec la  crise et le sauvetage couteux d’un système bancaire pas franchement à l’abri de nouveaux soubresauts l’État ait perdu, tant sur le plan politique que financier, une part importante de sa marge de manœuvre.

Or ce n’est pas franchement une bonne nouvelle.