L’actualité juridique est souvent incompréhensible lorsqu’elle est commentée par des journalistes qui n’y sont pas formés. Et du coup elle parait scandaleuse.
Car le problème de beaucoup de journalistes c’est qu’ils croient bon de s’en tenir aux faits ce qui est une erreur dès lors qu’on relate une décision de justice.
Car le problème de beaucoup de journalistes c’est qu’ils croient bon de s’en tenir aux faits ce qui est une erreur dès lors qu’on relate une décision de justice.
Le juge n’est pas est ne doit surtout pas devenir un Salomon qui distingue le vrai du faux, le bon du méchant.
Son rôle, c’est avant tout de qualifier des faits, c’est à dire leur appliquer la règle juridique adéquate.
Dans ces conditions, rendre compte d’un jugement sans expliquer quelle règle de droit a été appliquée revient quasi systématiquement à induire le public en erreur, ce qui va -je crois- à l’inverse de ce que doit être le travail journalistique.
Cet article paru hier dans la dépèche du Dauphiné est un bon exemple de ce type de carence.
On y apprend les faits suivants :
Gérard Schivardi a appris, presque par hasard, hier, que le Tribunal administratif de Montpellier l’avait démis de ses fonctions de conseiller général du canton de Ginestas et l’a déclaré inéligible pendant un an.
[…]
Ce sont les comptes de campagne des dernières cantonales qui ont été épinglées,« Pour une somme de 223, 45 €», précise Gérard Schivardi qui ajoute : « je n’ai jamais menti, je n’ai jamais triché, j’ai toujours été de bonne foi ». Gérard Schivardi n’avait pas ouvert de compte de campagne et avait payé de ses propres deniers sa campagne c’est une facture d’imprimerie, de 223,45 € qui lui est aujourd’hui reprochée.
Gerard Schivardi nous dit qu’il n’a « ni menti, ni triché ». Soit.
D’évidence ce n’est pas pour cela que le tribunal administratif l’a sanctionné.
D’ailleurs pour quoi [i.e. sur le quel fondement juridique] Monsieur Schivardi a t’il été Condamné ? Force est de constater que l’article ne le dit pas clairement.
Or c’est bien cela le problème.
N’ayant pas étudié le droit électoral, et n’ayant pas eu l’occasion de le pratiquer à titre professionnel j’ai cherché à en savoir plus pour rapidement constater que l’information ne passionnait pas grand monde.
Il est vrai qu’un événement transversal traversait alors tous les espris.
Rien de bien plus instructif dans le reste de la presse.
Une présentation des faits un peu plus synthétique dans le Midi Libre, mais point de fondement juridique.
Sans mobiliser les foules l’information, incompréhensible en l’état, déchainait toutefois les passions, au point d’ailleurs de faire naitre dans les blogs quelques billets poujadistes et des commentaires « avisés » sur rue 89 …
A leur décharge, présentée aussi nue, l’idée qu’un homme politique puisse etre sanctionné pour avoir réglé une facture de sa poche est pour le moins choquante.
C’est sur le site de la commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques (CNCCFP) que j’ai trouvé très facilement les réponses à mes questions.
On y apprend textes à l’appui que tout candidat à une élection doit :
- désigner un mandataire financier (personne physique ou association de financement) et le déclarer en préfecture dès le début de la campagne électorale ; ce mandataire ouvrira un compte bancaire unique retraçant les mouvements financiers du compte (recettes et dépenses) ;
- ne pas dépasser le plafond des dépenses applicable à l’élection en cause ;
- faire viser son compte par un expert-comptable sauf si aucune dépense et recette n’a été engagée ;
- déposer à la commission un compte en équilibre ou, éventuellement, en excédent ;
- fournir toutes les pièces justificatives de dépenses et de recettes.
Or en l’espèce il est acquis (et d’ailleurs pas contesté par G. Schivardi) que celui-ci n’avait pas ouvert le compte bancaire imposé par la loi, de sorte qu’il a été contraint de régler la facture litigieuse sur ses propres deniers.
En présence d’une telle irrégularité la CNCCFP a nécessairement rejeté les comptes de campagne et saisi le juge de l’élection qui pouvait :
- soit prononcer l’inéligibilité du candidat ;
- soit ne pas prononcer l’inéligibilité, s’il considère que le candidat est de bonne foi ou s’il juge que la commission n’a pas statué à bon droit. [*]
En l’espèce la décision de la commission était difficilement contestable en présence dès lors que Gérard Schivardi avait cru devoir s’affranchir des règles propres au financement d’une campgane éléctorale et qui visent à garantir sa transparence.
Quant à sa bonne foi, elle était difficilement soutenable dès lors que celui-ci qui avait précédemment été candidat à l’élection présidentielle ne saurait prétendre ignorer les obligations auxquelles il était soumis.
La sanction est effectivement dure, mais elle était difficilement évitable.
Gérard Schivardi connaissait la règle du jeu, il s’en est volontairement affranchi en connaissance de cause.
Dans ces conditions, j’aurais le plus grand mal à le plaindre.
Dans ces conditions, j’aurais le plus grand mal à le plaindre.