Nicolas se réveilla le premier et se rendit compte que le jour venait de se lever. L’émotion et la fatigue du voyage mêlées avaient fait durer jusqu’au matin ce qui aurait dû au départ n’être qu’une courte sieste digestive. Nicolas réalisa qu’il venait de passer sa première journée dans ce monde. Une part de lui en voulait à Yolas et Kardoum de l’avoir autant laissé dormir, cependant il ne pouvait nier le bien que ce repos lui avait fait. Nicolas était loin de chez lui depuis plus de vingt quatre heures maintenant, et il se dit que là-bas, des gens s’inquiétaient pour lui.
L’enfant se glissa jusqu’à la porte de la suite et fit en sorte de l’ouvrir sans bruit. Aucune des lampes du couloir n’était encore allumée et les lumières rougeoyantes de l’aube qui filtraient par les nombreuses mais étroites fenêtres du couloir créaient une douce pénombre.
Deux voix douces et des rires guidèrent Nicolas d’un couloir vers un autre, puis enfin jusqu’aux cuisines. Deux des filles qui assuraient le service la veille préparaient doucement le petit déjeuner que les clients ne manqueraient pas de réclamer dès leur réveil. Il s’agissait de Nolwa la petite Assyrye à qui Nicolas avait été présenté la veille ainsi que de Chliié la jeune humaine qui avait fait grande impression sur le petit garçon. Elles se montrèrent toutes deux particulièrement ravies de cette intrusion. Nicolas fit alors un second festin. Les deux jeunes filles rivalisaient pour lui offrir les plus fines gourmandises. Nicolas se fit ainsi servir des tartines grillées coupées dans une sorte de brioche au goût suave et à la couleur rosée. Sur les etiquettes des pots de confiture qui lui furent présentés, l’enfant reconnut nombre des fruits qu’il avait eu l’occasion de goûter depuis son arrivée au Pilon doré. Nolwa éminça ensuite quelque larges feuilles dont le goût s’avéra ressembler à de la menthe, puis les mit sur les tartines. Les feuilles décuplaient encore le goût de la confiture. Les tartines, trempées dans une soupe de Politi, obtenue grâce au mélange de feuilles et de baies locale se révélèrent encore plus délicieuses. Nicolas fut émerveillé de toutes ces découvertes, il se demanda comment il avait pu se contenter si longtemps de boire du chocolat le matin. Entre deux charmantes attentions, les deux jeunes filles ne cessaient pas de poser des questions à l’enfant. Chacune semblait plus curieuse, plus avide que l’autre de tout apprendre sur ce pays lointain d’où venait Nicolas et dont elles n’avaient jamais entendu parler. Lorsque enfin, Chliié prise dans son élan demanda à Nicolas où étaient ses parents, celui-ci se mit à pleurer ; incapable de répondre. Nolwa fit à son amie son regard le plus dur. Elle avait saisi dès le premier instant, la détresse du petit garçon derrière sa joie apparente. Elle en voulut sincèrement à son ami de son manque de perspicacité et de tact.
C’est cet instant que choisit Kardoum pour faire son eentrée dans la pièce. Lorsqu’il vit Nicolas en larmes, il réprimanda durement les deux jeunes filles. Il est vrai que leur travail n’était pas précisément de faire pleurer les clients dès le matin, mais plutôt de s’assurer de leur bien être. Sa réaction fit redoubler les sanglots de l’enfant, qui s’en voulait à présent de causer des problèmes à celles qui venaient de si bien s’occuper de lui et de son estomac. Kardoum, finit par baisser les armes, par baisser la voix, puis par prendre l’enfant par les épaules.
-Je vais faire des courses au marché. Tu veux venir avec moi petit bonhomme ? Je commencerais à te faire un tour de la ville au passage, et avec un peu de chance, tu te rappelleras de quelque chose ou quelqu’un te reconnaîtra !
Nolwa et Chliié et se remirent au travail. Kardoum fit don à Nicolas d’un manteau, passa le sien, puis tous deux se mirent en route.