à vif, Billets, coup de gueule

De l’inégalité face aux guichets postaux

Il y a toujours un coté un peu beauf à critiquer la Poste, mais à l’instant je suis vraiment en colère et je crois que c’est parfaitement justifié. 
Et puis à bien y réfléchir j’ai déjà  dit du mal de la Poste un peu plus tôt dans ces pages
 
Pour éviter les clichés je vous promets cependant que ce billet ne contiendra pas une seule fois le mot « grève », enfin pas deux fois le mot grève. Bref, vous m’avez compris. 
 
Ce matin j’étais debout à 6 heures. 
J’ai donc décidé de profiter des quelques heures qui me séparaient de mon train du matin pour me rendre à la Poste et faire plusieurs opérations sur un compte épargne. 
 
Puisqu’elle est la plus proche de la gare je me suis rendu à la Poste centrale dont les locaux ont été fraichement rénovés. 
Je pénètre dans le grand hall, qui lors de la réfection a été débarrassé de ses files d’attente. 
Désormais il faut être muni d’un ticket pour accéder au guichets. 
Billets, coup de gueule, justice, politique

Gerard Schivardi condamné, et bien mal raconté

L’actualité juridique est souvent incompréhensible lorsqu’elle est commentée par des journalistes qui n’y sont pas formés. Et du coup elle parait scandaleuse.
Car le problème de beaucoup de journalistes c’est qu’ils croient bon de s’en tenir aux faits ce qui est une erreur dès lors qu’on relate une décision de justice.

 Le juge n’est pas est ne doit surtout pas devenir un Salomon qui distingue le vrai du faux, le bon du méchant.
Son rôle, c’est avant tout de qualifier des faits, c’est à dire leur  appliquer la règle juridique adéquate.
Dans ces conditions, rendre compte d’un jugement sans expliquer quelle règle de droit a été appliquée revient quasi systématiquement à induire le public en erreur, ce qui va -je crois- à l’inverse de ce que doit être le travail journalistique.

Cet article paru hier dans la dépèche du Dauphiné est un bon exemple de ce type de carence. 
On y apprend les faits suivants :  
Gérard Schivardi a appris, presque par hasard, hier, que le Tribunal administratif de Montpellier l’avait démis de ses fonctions de conseiller général du canton de Ginestas et l’a déclaré inéligible pendant un an.
[…]
Ce sont les comptes de campagne des dernières cantonales qui ont été épinglées,« Pour une somme de 223, 45 €», précise Gérard Schivardi qui ajoute : « je n’ai jamais menti, je n’ai jamais triché, j’ai toujours été de bonne foi ». Gérard Schivardi n’avait pas ouvert de compte de campagne et avait payé de ses propres deniers sa campagne c’est une facture d’imprimerie, de 223,45 € qui lui est aujourd’hui reprochée. 
Gerard Schivardi nous dit qu’il n’a « ni menti, ni triché ». Soit. 
D’évidence ce n’est pas pour cela que le tribunal administratif l’a sanctionné. 
D’ailleurs pour quoi [i.e. sur le quel fondement juridique] Monsieur Schivardi a t’il été Condamné ? Force est de constater que l’article ne le dit pas clairement. 

Or c’est bien cela le problème.
N’ayant pas étudié le droit électoral, et n’ayant pas eu l’occasion de le pratiquer à titre professionnel j’ai cherché à en savoir plus pour rapidement constater que l’information ne passionnait pas grand monde.
 


Il est vrai qu’un événement transversal traversait alors tous les espris.

Rien de bien plus instructif dans le reste de la presse.
Une présentation des faits un peu plus synthétique dans le Midi Libre, mais point de fondement juridique. 

Sans mobiliser les foules l’information, incompréhensible en l’état, déchainait toutefois les passions, au point d’ailleurs de faire naitre dans les blogs quelques billets poujadistes et des commentaires « avisés » sur rue 89

A leur décharge, présentée aussi nue, l’idée qu’un homme politique puisse etre sanctionné pour avoir réglé une facture de sa poche est pour le moins choquante.

C’est sur le site de la commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques (CNCCFP) que j’ai trouvé très facilement les réponses à mes questions. 
On y apprend textes à l’appui que tout candidat à une élection doit : 
  • désigner un mandataire financier (personne physique ou association de financement) et le déclarer en préfecture dès le début de la campagne électorale ; ce mandataire ouvrira un compte bancaire unique retraçant les mouvements financiers du compte (recettes et dépenses) ;
  • ne pas dépasser le plafond des dépenses applicable à l’élection en cause ;
  • faire viser son compte par un expert-comptable sauf si aucune dépense et recette n’a été engagée ;
  • déposer à la commission un compte en équilibre ou, éventuellement, en excédent ;
  • fournir toutes les pièces justificatives de dépenses et de recettes.
Or en l’espèce il est acquis (et d’ailleurs pas contesté par G. Schivardi) que celui-ci n’avait pas ouvert le compte bancaire imposé par la loi, de sorte qu’il a été contraint de régler la facture litigieuse sur ses propres deniers. 
En présence d’une telle irrégularité la CNCCFP a nécessairement rejeté les comptes de campagne et saisi le juge de l’élection qui pouvait : 
  • soit prononcer l’inéligibilité du candidat ;
  • soit ne pas prononcer l’inéligibilité, s’il considère que le candidat est de bonne foi ou s’il juge que la commission n’a pas statué à bon droit. [*]
En l’espèce la décision de la commission était difficilement contestable en présence dès lors que Gérard Schivardi avait cru devoir s’affranchir des règles propres au financement d’une campgane éléctorale et qui visent à garantir sa transparence. 
Quant à sa bonne foi, elle était difficilement soutenable dès lors que celui-ci qui avait précédemment été candidat à l’élection présidentielle ne saurait prétendre ignorer les obligations auxquelles il était soumis.
 
La sanction est effectivement dure, mais elle était  difficilement évitable. 
Gérard Schivardi connaissait la règle du jeu, il s’en est volontairement affranchi en connaissance de cause. 
Dans ces conditions, j’aurais le plus grand mal à le plaindre.
Billets, coup de gueule

Oui Dieudonné le débat est ouvert…

Aujourd’hui j’ai décidé d’être sympa avec vous. Oui, je vais vous épargner LA vidéo des exploits de Dieudonné qui fait la une de toute la presse
Parce qu’entre  deux bouts de foie gras et quelques verres de Banyuls vous les avez nécessairement aperçues ici ou là.

Et puis parce que ce qui compte avant tout ce ne sont pas ces images c’est le fond. 
Dieudonné lui-même affirme d’ailleurs vouloir lancer le débat… 

Je me propose de lui en offrir un, et je vais être un peu long, juste de sorte qu’il ne puisse être dit qu’il ait été lynché médiatiquement sans analyse préalable. 
 

1- De l’artiste au militant
L’homme a une belle plume et un talent comique incontestable.
Mais il n’est guère besoin de réfléchir bien longtemps pour trouver des exemples d’artistes de génie à la pensée indéfendable
S’il n’était que sa pensée d’ailleurs la chose n’aurait probablement pas une telle ampleur.  
On peut apprécier le travail d’un artiste sans toutefois épouser ses idées. 
Prenez Brigitte Bardot par exemple. On doit nécessairement peut ne pas être d’accord avec certaines de ses prises de position clairement d’extrême droite mais cela n’abolit pas la qualité des films qui ont été les siens en tant qu’actrice. 
Non, ce qui est intéressant chez Dieudonné c’est ce perpétuel mélange des genres qu’il entretient, mieux, cette mise en scène. 
Dans son spectacle du 26 décembre Dieudonné a une fois de plus clairement aboli la frontière entre son rôle d’artiste et sa volonté de militant. 

Je pense et je pose chacune des lettres du mot militant.

Car en invitant Faurisson sur la scène du Zénith Dieudonné a fait bien plus que se poser en défenseur d’une liberté d’expression qu’il aurait pu défendre de bien d’autres manières, dans un tout autre contexte et à bien meilleur escient.

Non Dieudonné s’est clairement offert comme tribune au profit des thèses de Faurisson est ce en totale cohérence (ou incohérence on ne sait plus trop) avec ses prises positions passés clairement anti-israeliennes


Et là je crois qu’il faut se poser au moins deux questions… 

  • Le public de Dieudonné était il venu voir ce soir là l’artiste ou le militant ? Probablement un peu des deux, forcément…  J’ai trop souvent ri aux sketchs de Dieudonné pour croire que seul Le Pen et ses sympathisants étaient venus le voir ce soir là… 
  • Mais à l’avenir qui de l’artiste ou du militant va continuer de remplir les salles ?  La question a son importance. Pour ma part, si j’aurais pu imaginer assister au spectacle de l’artiste je me vois mal payer pour assister à ce type de tribune politique.
    L’évolution future du public de Dieudonné risque d’être un sujet pas inintéressant à surveiller dans les mois à venir…
2- Faurisson et l’antisémitisme

En réalité je ne vais pas vous faire un long récit des thèses de Robert Faurisson. 
Car pour vous faire une idée sur le bonhomme le mieux est encore probablement de le lire

Il dispose d’un biographie extrêmement fournie(mais nécessairement sujette à caution) sur wikipédia 

Il se voit également consacrer quelques lignes dans l’encyclopédie Larousse
Pour faire bref l’homme, qui se présente comme un révisionniste, est l’un des fers de lance de la « pensée » négationniste en France. 
 
Il considère en substance  que la déportation des juifs pendant la seconde guerre mondiale relevait d’une volonté de les éloigner mais pas de les exterminer. Il n’a d’ailleurs pas hésité à affirmer que :

« le mythe des chambres à gaz est une gredinerie ». 

Mais l’on ne peut rien comprendre à la pensée de négationniste de Faurisson sans en aborder le versant antisémite

Pour plus une analyse critique de Faurisson je ne peux que inviter à aller consulter l’excellent « Pratique de l’histoire et des dévoiements négationnistes ».

3- Complotistes et falsificateurs
 Il ne s’agit cependant pas de confondre Dieudonné et Faurisson.
Le premier a d’ailleurs eu l’occasion de préciser que sa pensée n’était pas superposable avec celle de son invité de vendredi.
Il s’agit donc de trouver ce qu’il y a de commun entre eux. 


Or on peut prendre la chose par n’importe quel bout sans jamais s’éloigner d’une équation relativement simple :
  • Il y aurait un complot ourdi par des élites visant à faire croire à la Shoah (dans la droite ligne notamment des Protocoles des sages de Sion)
  • Ce complot aurait présidé à la création d’Israel en lui offrant une justification 
  • Les palestiniens seraient les victimes de ce complot cautionné par l’occident
Comment dans ces conditions ne pas être tenté d’interpréter les récentes déclarations de Faurisson (lorsque N. SArkozy avait évoqué la possibilité que chaque enfant francais ait en charge la mémoire d’un enfant juif exterminé) :
« Je suggère que dans le droit fil de l’initiative de N. Sarkozy soient prises, sans plus attendre, les deux décisions suivantes : chaque classe d’enfants des écoles juives de France, d’Israël et d’ailleurs prendra en charge la mémoire d’un enfant palestinien assassiné » [source]

S’il s’agit de se battre contre les thèses farfelues des négationnistes et autres complotistes paranoïaques il faut également garder l’oeil ouvert face à des histoires romanesques trop séduisantes.

Car les falsificateurs ne sont pas dans le seul camp des négationnistes. 

Des aveux encore récents de Misha Defonseca  à la romance inventée d’Herman Rosenblat on trouve aussi des mystificateurs du coté de ceux qui ont raconté leur version de l’holocauste. 
 
Si l’histoire inventée de l’auteure de « survivre avec les loups » est encore dans les mémoires, celle d’Hermann Rosenblat n’est parue dans la presse que ce matin. 
 
Ce survivant du camp de Buchenwald avait imaginé une romance qui serait survenue entre lui et une femme qui l’aurait nourri au travers des grilles du camp et prévoyait de la publier sous la forme d’une autobiographie avant de passer récemment aux aveux.