Billets, coup de gueule

Lorsque M. le Pen veut rétablir la peine de mort

Depuis qu’on vous agite le péril rouge comme nouvel épouvantail vous commenciez presque à oublier  le Front National ?
Surtout rassurez-vous, Marine le Pen n’a pas l’intention de laisser le parti qu’elle compte récupérer sombrer comme ce paquebot qui n’est déjà plus qu’un souvenir.
 
Celle qui avait tenté un temps d’arrondir l’image du Front National comme pour le rendre plus présentable semble cette fois décidé à revenir aux fondamentaux du papa avec des propos Ô combien plus haineux que ceux du pape qui défraient pourtant la chronique.

En effet, selon le nouvel obs ;
Marine Le Pen, la vice-présidente du Front national, a réclamé mercredi 18 mars, à Tourcoing (Nord) le rétablissement de la peine de mort, après l’agression dans cette ville d’un couple de retraités dans la nuit de samedi à dimanche. [source]
Cet déclaration n’est pas simplement une nouvelle illustration de la tendance qu’ont certains politiques à instrumentaliser l’émotion que suscite un fait divers pour réclamer un changement de la loi.

Elle illustre avant tout une certaine conception primaire de la justice qui n’a pas totalement disparue en France et qui apparait tout aussi bien dans la suite des propos de Marine le Pen : 
« La moindre des choses serait qu’il existe dans notre pays une perpétuité absolument réelle (…), ce qui permettrait à tout le moins, à défaut de remettre en place une peine de mort que l’Union européenne nous interdit de réhabiliter, de protéger la société de ses éléments les plus dangereux », a ajouté Marine Le Pen. [Même source]
[Notez au passage la petite pique souverainiste à l’encontre de l’Europe. Lisez l’article en entier Marine le Pen a aussi pris soin de pointer ces immigrés qui sont d’évidence responsables de tous nos maux… ]


Il y a tant d’arguments à opposer à la peine de mort  que la place me manquerait nécessairement.
Pourtant comme d’habitude (ou presque en matière pénale) Beccaria avait dit l’essentiel dès le XVIII° siècle :

«  Il me semble absurde que les lois, qui sont l’expression de la volonté publique, qui détestent et punissent l’homicide, en commettent un elles-mêmes, et, pour éloigner les citoyens de l’assassinat, ordonnent un assassinat public. Ce n’est pas le spectacle terrible mais passager de la mort d’un scélérat qui est le frein le plus fort contre les délits. » [source]

Voilà pour les arguments philosophiques. La peine de mort n’est tout d’abord qu’une forme abâtardie de la loi du talion qui n’a que peu de rapport avec l’idée de justice. Elle est ensuite inefficace ; la certitude de la sanction a toujours plus d’effet que sa sévérité.
 
Mais le principal argument que l’on peut opposer à la peine capitale c’est son caractère « définitif ».


Je ne veux pas simplement parler du risque d’erreur judiciaire.
Quelle idée de l’être humain peuvent bien avoir ces gens qui réclament la tete d’un individu ? 
De même quel est le fond de leur pensée lorsqu’ils fantasment sur l’idée d’une réclusion criminelle à perpétuité qui ne serait susceptible d’aménagement en aucune circonstance ?   
Ce qui unit  ces gens c’est l’idée d’un mal absolu, total et irrémédiable.
Ce qui les unit c’est le déni de tout droit au repentir, de tout droit au pardon. 
Pire, l’idée profondément ancrée que l’on peut réduire la vie  entière d’un homme à un seul de ses actes.


Il est légitime qu’une victime décide ou non d’accorder son pardon à la suite d’un acte dont elle a eu à souffrir.
Mais in fine le rôle de la justice pénale est toujours de juger un homme, pas simplement l’un de ses actes.
Or, croyez-moi sur parole, cela n’a strictement rien à voir.
Ciné, coup de gueule

Le droit au navet

S’il est une discipline dans laquelle Luc Besson est passé maitre c’est bien l’humour polémique.
Il nous avait bien fait rire la semaine dernière avec sa sortie sur les ravages de la piraterie. Actualité oblige il donne encore de la voix cette semaine ne serait-ce que pour être bien certain que le nom du dernier film qu’il a imaginé et produit soit bien repris par toute la presse. 
Ça se passait sur Europe 1 et comme à l’accoutumée Besson ne fait pas dans la nuance :
Luc Besson n’est pas content et l’a fait savoir sur Europe 1 : son dernier film « Banlieue 13 ultimatum » est censuré dans les salles UGC de banlieue. « Ce n’est pas un boycott mais un boycott de banlieues, on m’a dit clairement qu’on ne voulait pas de ce public là », a expliqué le réalisateur-producteur. « Je suis atterré et choqué qu’on puisse tenir un tel langage en 2009 » a-t-il insisté au micro de Marc-Olivier Fogiel. (…) « C’est du racisme et de la discrimination », a terminé le réalisateur. [source]
Décidément il me semble que Luc Besson a une image bien curieuse de la société. 
Pour avoir vu le premier Banlieue 13 je pensais pour ma part que la décision d’UGC tenait avant tout à des fins humanitaires. Bien que fervent amateur de navets je crois que les banlieues ont déjà suffisamment de problèmes sans qu’on leur impose un film pareil.
Quant à invoquer le racisme et la discrimination, j’avoue que l’argument me parait pour le moins curieux.
Il ne m’a pas semblé lorsque j’ai été voir les précédents films  d’action qu’il a produit ne voir dans les salles que des gens d’une couleur ou d’une origine donnée. J’y ai vu un public, jeune dans l’ensemble, mais c’est presque toujours le cas s’agissant de films d’action, qu’ils mettent ou non en scène la banlieue. 
D’évidence Luc Besson est tout aussi à l’aise dans la maitrise du cliché qu’avec la caméra…   

A moins qu’il ne tente un revival mal assumé de la Blaxploitation ? 


 
[un revival je vous dit…]



D’ailleurs, le fait  qu’UGC ait choisi de réserver la diffusion de Banlieue 13 Ultimatum à certaines salles est il vraiment un scandale ?

Y aurait-il un droit à accéder au cinéma dont aurait omis de me parler ? 

Si tel étais le cas j’avoue que je serais ravi de l’exercer, en passionné de cinéma frustré de n’avoir parfois pas facilement accès à des films au budget bien moindre  que celui de Besson. 

En réalité la décision d’UGC ne regarde que cette société et les gesticulations de Besson pour faire parler de son film n’y feront rien.
Quant un restaurant trois étoiles affiche des prix élevés il exclut lui aussi une tranche de la population, tout comme le snack d’en face qui fait d’excellents kebabs mais refuse obstinément de me servir un jambon beurre. 

Appelez ça discrimination, liberté du commerce ou positionnement markéting ça n’y changera rien ; les commerçants sont aussi libres de choisir les produits qu’ils souhaitent vendre que les consommateurs de se rendre chez eux.
Plutôt que de lancer des polémiques idiotes, Luc Besson gagnerait à mettre autant de zèle à défendre les grands films qu’il produit que les bêtises dont il commet les scénarii. 

Il parviendrait peut être alors à se détacher de cette réputation de producteur de navets pas toujours méritée et rendrait dans le même temps un authentique service aux spectateurs, quel que soit l’endroit où ils vivent.

Billets, coup de gueule, justice

La chasse est ouverte

Depuis que la chasse au juge d’instruction est ouverte tous les coups sont permis.
Rachida Dati, qui n’a d’ailleurs jamais craint de déplaire au monde judiciaire l’a bien compris de sorte qu’elle n’a pas hésité à faire nouveau coup d’éclat avant que de quitter le gouvernement. 
Par chance, il se trouve justement un juge à portée de carabine. 
Il s’agit du juge Burgaud, dont le nom est devenu les symbole de la débâcle du procès « Outreau ». 
Alors que celui-ci doit prochainement être auditionné par le Conseil Supérieur de la magistrature dans le cadre d’une procédure disciplinaire la chancellerie a pris soin de faire parvenir à ce dernier une « Note » dont le Monde publie aujourd’hui des extraits.

Pour la directrice des services judiciaires, Dominique Lottin, qui a rédigé la note, il ne faut pas parler d’« insuffisances professionnelles », mais d’« une accumulation de manquements dont la répétition tout au long de la procédure démontre le caractère systématique voire volontaire ». Le comportement de Fabrice Burgaud a été « délibéré » et ne peut « être attribué à l’inexpérience d’un jeune magistrat ». Pis : « Ces pratiques ont compromis, pour les autres magistrats qui sont intervenus dans la procédure judiciaire, à la fois le contrôle d’un dossier rendu confus par manque de rigueur et la remise en question d’éléments présentés de façon péremptoire, par manque d’impartialité. » 

Toujours selon cette note,
La chancellerie estime que le juge Burgaud ne peut être amnistié car son comportement a donné de  son comportement a donné de « l’institution judiciaire une image dégradée qui ne pouvait qu’affaiblir la confiance des justiciables dans l’impartialité qu’ils sont en droit d’exiger de leur juge. » [source]
J’occulte d’emblée toute critique du procédé qui consiste pour un membre du gouvernement à envoyer une note à un juge afin de lui expliquer comment il doit trancher. 
Depuis la réforme du CSM, on sait que la séparation des pouvoirs a pris un peu plus de plomb dans l’aile dès lors que cette institution sert aussi désormais à « placer » des amis.


Non. Ce que je trouve stupéfiant dans cette note c’est cette phrase qui sonne comme une exécution.
« Ces pratiques ont compromis, pour les autres magistrats qui sont intervenus dans la procédure judiciaire, à la fois le contrôle d’un dossier rendu confus par manque de rigueur et la remise en question d’éléments présentés de façon péremptoire, par manque d’impartialité »
C’est dit, tout est de sa faute.
Peu importe que d’autres magistrats aient fait des erreurs dans ce dossier, il n’avait qu’à mieux le monter.
Au diable le Procureur de la République qui a saisi le juge Burgaud de cette affaire (un juge ne saisit jamais lui-même) quand bien même ses erreurs seraient antérieures à celles du juge Burgaud.
Ne tenons pas compte non plus des réquisitions du même Procureur de la République qui ont été rendues avant que le juge Burgaud ne rende son ordonnance de Réglement, si le dossier avait été mieux préparé il ne se serait pas trompé.
Et ne parlons pas, surtout, des décisions rendues par la chambre de l’instruction dans cette affaire, elle ne pouvait que se tromper puisque le dossier était « confus ».
Quant à la cour d’assises de Saint Omer peut importe qu’elle ait condamné des innocents, elle ne saurait non plus avoir la moindre part de responsabilité puisque le juge Burgaud était passé avant elle… 
 
Ça me rassure un peu.
Parce qu’au moment où l’on annonce la fin du juge d’instruction, c’est à dire une rupture historique avec la tradition judiciaire Française, j’ai cru qu’il allait falloir se poser des questions importantes. 
J’ai cru qu’il allait falloir se demander comment rendre réellement efficace le contrôle  des actes de l’instruction alors que les chambres de l’instruction (qui connaissent en appel des décisions rendues par le juge d’instruction et sont habituellement surnommées les « chambres de l’homologation » par les pénalistes avertis…) vont voir leurs attributions transférées à un nouveau « juge de l’instruction ».
J’ai cru qu’on devrait aussi se poser une fois pour toutes la question de la pertinence du recours à un jury populaire en Cour d’Assises.
Pensez donc, nos affaires les plus simples sont jugées par des professionnels alors que les plus complexes sont tranchées par des profanes…
J’ai enfin pensé qu’il allait enfin être nécessaire de s’interroger au sujet de la pertinence du recours si fréquent à la détention provisoire  (c’est à dire avant que la personne  ait été jugée) alors qu’elle n’est pas toujours absolument indispensable.
 
Mais heureusement ce ne sera pas nécessaire puisque tout est de la faute du juge Burgaud. 
D’un coup, je suis soulagé.