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Pas facile de parler des prisons

Parce que même une pendule cassée donne l’heure exacte au moins deux fois par jour, il faut avouer que la réforme des prisons annoncée par Rachida Dati est aussi souhaitable qu’urgente.
En effet, l’état de nos prisons est déplorable. Ceux qui auraient encore besoin de s’en convaincre peuvent aller faire un tour sur le site de l’observatoire international des prisons ;une ballade qui devrait les calmer…
A cela s’ajoute une surpopulation qui ne cesse de s’accroitre pour atteindre une situation sans précédent :

« 63.838 personnes étaient détenues au 1er juin dans les prisons françaises, pour 50.746 places disponibles ». (source : Nouvel Obs.)

Cette situation est le résultat d’une politique répressive qui depuis quelques années n’a eu de cesse d’assimiler la sanction pénale à la prison alors que la seconde n’est qu’une infime partie de la réalité que peut revêtir la première. Elle doit aussi beaucoup à un usage particulièrement abusif de la détention provisoire.

Photo : Barbed Wire Prison par Ray

Il n’est pas anodin de rappeler quen mai 2008 17.339 des 63.645 détenus étaient en détention provisoire, c’est à dire en attente d’un jugement et à ce titre présumés innocents.

Il reste à espérer que la réforme annoncée sera survie d’une véritable volonté politique lors de son application. Rien n’est moins sûr cependant car, on le sait, les mesures qui visent à améliorer les conditions de vie des détenus sont généralement impopulaires. On doit à l’honnêteté de reconnaître qu’il est compliqué de faire admettre à des français qui vivent de moins en moins bien. (faites un tour sur ce billet de Lousia, c’est édifiant)

Pour sortir de l’impasse, il faudrait enfin dissiper un malentendu : la prison ne sert pas simplement, et certainement pas indemniser les victimes. La rôle de la prison est avant tout de protéger la société de certains individus dont le comportement est dangereux pour les autres ou tout simplement pas acceptable en société. Or on le sait, le meilleur moyen de protéger la société, c’est d’offrir aux délinquants de bonnes conditions d’insertions et d’éviter d’envoyer en prison des gens qui n’ont rien à y faire.
Traitez-moi de laxiste si ça vous chante, mais pour ma part je crois que je ne comprendrais jamais l’intérêt d’infliger une peine de prison en matière de délinquance involontaire.

Pour ceux qui souhaitent aller plus loin les dernières statistiques officielles concernant la population carcérale sont consultables par
ici (pdf)
Quant à la situation dans le monde, pour en avoir un aperçu je vous conseille ce petit chez JulG7.
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Fureur : Le gouvernement projette de supprimer les Avoués.

La nouvelle est tombée aujourd’hui, notamment sur le site d’Europe 1 : la proposition N° 213 du pléthorique rapport Attali est en passe de devenir une réalité puisque conformément à celle-ci le gouvernement projette de supprimer les Avoués à partir de Janvier 2010.
La chose a été officiellement annoncée par Rachida Dati aujourd’hui.
Il s’agit là d’un nouveau coup de canif porté à des professions juridiques déjà durement éprouvées depuis quelques mois. Après la carte judiciaire, c’est la procédure qui est sur le point de subir une cure d’amaigrissement.


Il est à craindre cependant que cette suppression ne se produise dans une quasi indifférence tant le grand public ignore tout de la procédure civile française et du rôle essentiel de l’Avoué au sein de celle-ci.


Le rôle de l’avoué :
L’Avoué est un officier ministériel dont le rôle de postuler – c’est à dire de représenter une partie- devant la cour d’appel. Selon le nouveau code de procédure civile il dispose du monopole de la représentation en matière civile et commerciale devant la cour d’appel. Plus précisément l’article 899 du nouveau code de procédure civile (NCPC) dispose que  » Les parties sont tenues, sauf dispositions contraires, de constituer avoué ».
En pratique cela signifie qu’il appartient à l’avoué de gérer tout l’aspect procédural d’un dossier devant la cour d’appel. Le plus souvent cependant, le « fond » de l’argumentation soutenue devant la cour est directement établie par un avocat. Le rôle de l’avoué ne doit pas être mésestimé, contrairement aux idées reçues, sa présence permet une grande simplification et de véritables économies dans la gestion des affaires.

Un facteur de simplification :
L’avoué est par définition géographiquement plus proche de la Cour d’Appel (près laquelle il postule) qu’un avocat (qui quant à lui postule près un Tribunal de Grande Instance).
Il s’occupe directement de toute la phase de « mise en état d’être jugée » .


Un facteur d’économie :
Certes, on pourrait arguer que l’Avoué fait grimper les frais de procédure puisque il faut le payer en plus de son avocat. Cela n’est psi simple pour au moins deux raisons.
– Tout d’abord, l’avoué est rémunéré aux titre des « dépens » de l’instance. Conformément à l’article 699 du NCPC l’avoué recouvre directement sa rémunération (sous la forme d’un État de frais) auprès de la partie perdante. Contrairement à l’Avocat, il ne coûte donc rien à celui qui, dans son droit, remporte son procès.
– Ensuite, il faut intégrer le fait que la suppression de la fonction de l’avoué ne rendra pas moins nécessaire le travail qu’il effectue. En d’autre termes, les taches qui correspondent à la représentation devant la cour d’appel seront à terme effectuées (et donc facturées) par des avocats. Or un avocat Tarasconnais désormais contraint de se déplacer à Aix en Provence ne pourra que répercuter ce coût sur son client…

Des perspectives plutôt sombres :
Les avoués « sont 440 en France et emploient environ 2.400 personnes », il n’est donc pas anodin de se demander quel sera leur avenir.


En ce qui concerne les avoués, la question est simple puisque leur profession est purement et simplement fusionnée avec celle d’avocat. La plupart d’entre eux s’inscrira donc probablement au barreau.
La chose risque cependant de froisser les avocats alors que les réformes successives ont restreint à la fois leur monopole de représentation et le volume des affaires qui passent devant les tribunaux…
Elle risque également d’être ruineuse puisque les avoués sont titulaires de « charges » qu’il appartiendra à l’état de racheter pour les indemniser.

En ce qui concerne les personnels, la chose est encore moins agréable.
Il faut savoir que structurellement l’aspect très administratif de leur fonction faisait que les avoués employaient un personnel bien plus important en nombre que les avocats. Après la réforme, ce personnel leur sera coûteux et inutile de sorte qu’ils seront contraints de licencier en masse. Il risque donc d’y avoir beaucoup de secrétaires et de juristes au chômage dans les deux prochaines années si la réforme aboutit…

Si vous souhaitez aller plus loin, vous pouvez aller faire un tour sur le très visité Journal d’un avocatce billet (plutôt pas mal fichu, il a plus de temps que moi Eolas…) devrait vous donner quelques ultimes précisions.
Billets

Publicité : la théorie des vases communicants (Billet du 5.06.2008)

Il y a d’abord eu cette annonce du président de la république :



A l’époque, ça sonnait presque comme une gaffe. Voire comme un caprice. Certains se demandaient même à l’époque s’il y s’agissait d’un projet véritable ou d’une idée lancée au hasard.

La suppression de la publicité sur les chaînes publique… Avant même que cette annonce ne commence à se transformer en un projet véritable, les investisseurs s’en frottaient les mains.
A l’époque on aurait pu y voir un premier signe.

Seulement voila, depuis les choses se sont corsées. La commission Copé a certes tenté de trouver des solutions pour garantir le financement des chaînes publiques… avant de se faire renvoyer dans les cordes par le président lui-même.
La seule explication possible à cette réaction, si vive et si immédiate c’était bien sûr l’absolue vanité de la commission Copé privée de toute initiative véritable et condamnée à à homologuer et et rendre acceptables des solutions décidées à l’avance. Tirant les seules conséquences possibles de cette situation d’impuissance, les parlementaires de l’opposition qui avaient accepté de participer à la commission viennent de se retirer.

C’est dans ce contexte très particulier qu’intervient l’annonce d’une seconde coupure publicitaire accordée aux chaînes privées.
C’est Jean Francois Copé justement qui a ouvert la charge. Il est cette fois soutenu par le gouvernement puisque selon les Échos ;

« Christine Albanel a déjà prévu d’intégrer la mesure dans son projet de loi sur l’audiovisuel devant être débattu à l’automne à l’Assemblée, à l’occasion de la transposition de la directive européenne sur les services audiovisuels »

Si quelques uns étaient encore convaincus à ce stade que l’annonce présidentielle relevait de la gaffe cette idée doit à présent être dissipés. Peu importe d’ailleurs puisqu’une fois encore les marchés se frottent les mains.
Selon les premières impressions recueillies, l’enthousiasme populaire lui n’est guère au rendez vous…

La réforme de la télévision publique engagée par L’Élysée profite aux patrons des grandes chaînes privées c’est un évidence. Il serait vain cependant de penser que cette affaire se résume à un simple copinage, à un simple cadeau fait par le Prince à ses amis.

Il y a dans cette réforme une idée plus grande, un projet sous-jacent qui anime toutes les réformes conduites par Nicolas Sarkozy depuis son accession à la Présidence.
Ce projet, c’est de réduire peu à peu le rôle de l’Etat en confiant à une gestion privée tout ce qui ne relève pas de ses missions Régaliennes.
Quand on y pense, il n’est pas illégitime en effet de se demander s’il appartient effectivement à l’État de s’occuper de l’achat et de la diffusion de séries telles que « Derrick » ou « FBI Portés disparus » par exemple.
Le même raisonnement peut naturellement être appliqué à la distribution du courrier, ou à l’aide à la recherche d’emploi.
C’est en ce sens qu’il faut comprendre, pour ne citer qu’elle, la récente fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC

Quoi que l’on pense du président de la République ou de sa politique, la question du rôle de l’État et de la nature de son intervention mérite d’être pensée en ce qu’elle est au cœur de la chose politique. De la réponse qu’on y apporte dépend en effet en grande partie le choix du type de société au sein de laquelle on souhaite vivre.
Cette question fondamentale cependant n’a jamais été ouvertement posée au cours de la campagne présidentielle.
Faute de l’avoir fait, Nicolas Sarkozy aurait tord de considérer son élection comme un blanc-seing.