Billets, politique

Où l’on parle réfome, vacances et sécurité sociale

C’est peut être simplement parce que j’ai attrapé une angine blanche en plein mois de juillet que je suis de mauvaise humeur. 
Ou alors j’ai bien entendu les informations ce matin et j’ai toutes les raisons d’être en colère.
Résumons ; alors que la France entière pense aux congés (si on compte ceux qui y sont ceux qui se contentent d’en rêver bien sûr) le gouvernement vient d’annoncer un nouveau tripatouillage de la sécurité sociale
La mesure semble presque anodine au premier coup d’œil : au point que même l’Humanité, qui n’est certes pas l’organe de presse le plus proche du gouvernement actuel semblait s’en réjouir ce matin et titrait

« Santé : Bachelot veut faire payer les mutuelles »

A ce stade du récit, le français en vacances se contente de pousser un « ouf » de soulagement. Et pense un instant. « C’est plutôt une bonne idée, j’ai cru qu’ils allaient nous augmenter les franchises, j’en ai marre de payer ».
Le francais qui se contente de rêver des vacances a l’esprit un peu plus alerte en dépit de la fatigue. Il avance donc encore d’un cran dans le raisonnement
. Il pense donc : « ce qu’on ne me prend pas d’une main on va me le prendre de l’autre : les cotisations de ma mutuelle vont bientot augmenter »
Le gouvernement, à qui on ne saurait reprocher de ne pas avoir réfléchi à sa réforme a bien entendu pensé à cette objection. 
Monsieur Woerth, le ministre du budget s’est donc empressé de préciser ce matin sur france 2 : 

« Nous demandons aux organismes complémentaires de ne pas augmenter leurs cotisations », a déclaré le ministre. « Bien évidemment, aujourd’hui, les assureurs comme les mutualités peuvent absorber un milliard d’euros sans augmenter les cotisations »


Une fois cette précision apportée, vous qui êtes ou pas en vacances vous vous demandez : « Mais pourquoi est-il en colère Feufol ? Voila enfin une bonne réforme. Et nécessaire de surcroit ».
Et si vous vous demandez cela, vous qui savez bien que l’on peut critiquer les modalités d’une réforme sans toutefois en discuter la nécessité c’est parce que vous n’avez probablement pas entendu la seconde précision apportée par monsieur Woerth ce matin. Celle là même qui m’a mis en colère.

« Nous leur disons que nous allons les associer à la gestion de l’assurance maladie et nous allons définir les conditions de cette association dans des groupes de travail », a-t-il indiqué.
M. Woerth a précisé que des « groupes de travail » se réuniront « à partir de la rentrée » et feront des propositions dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Voila donc le « deal » passé entre le gouvernement et les complémentaires de santé :
  • une taxation de leurs bénéfices au profit de la sécurité sociale
  • la promesse faite par eux de ne pas augmenter les primes en conséquences
  • en contrepartie ; une participation à la gestion du régime général de sécurité sociale

En d’autre termes, si la loi qui a été annoncée ce matin devait devenir une réalité les complémentaires de santé deviendraient en quelques sorte les « actionnaires » de la sécurité sociale. 

Vous comprenez donc mieux ma colère :
  • D’une part la promesse faite par les complémentaires de santé de ne pas augmenter les primes n’engage que ceux qui l’écoutent.
  • Ensuite cette réforme est une amorce concrète de privatisation du régime général de sécurité sociale qui depuis des décennies est la manifestation la plus importante de la solidarité nationale.
La nécessité d’une réforme structurelle de la sécurité sociale est patente.
Elle n’implique pas pour autant de renoncer à nos valeurs les plus précieuses.

D’autant que les bienfaits de la gestion privée en la matière ne sont pas avérés.
Le 11.06.2008, autant dire hier, un rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales du sénat  (que l’on sait n’être pas composée de gauchistes révolutionnaires) attirait l’attention des sénateurs sur le fait que « les frais de gestion sont en moyenne cinq fois plus importants chez les assureurs complémentaires que pour l’assurance maladie obligatoire. (source)


A la réflexion il vaudrait peut être mieux que je sois en vacances à l’instant. 
Me voila encore en colère.
Billets, nos droits, politique

Vous ne lirez pas aujourd’hui mon billet sur la réforme des institutions

Pour tout vous dire, j’avais prévu de vous faire un long billet sur la réforme des institutions. Tout simplement parce que le sujet me passionne, parce qu’il nous concerne tous, et aussi parce qu’il méritait mieux que quelques brèves un 22 juillet. 
Je ne n’aurais cependant pas le temps de le publier aujourd’hui… demain probablement.

En guise de « Teaser » voici dès à présent trois liens :

– le premier vers les très commentés résultats su scrutins (par ici)
– le second est beaucoup plus interressant, il s’agit du texte de la constitution telle qu’issue de la réforme adoptée hier (par )
– le troisième vers le projet de loi qui a été adopté et qui ne mentionne que les modifications (là-bas)
Comme souvent il y a du bon et du moins bien dans cette réforme. 
Mais puisqu’à l’instant je suis de mauvais poil je vous balance la mesure la plus scandaleuse.
Voici une comparaison entre les deux rédactions de l’article 65 de la constitution (relatif au conseil supérieur de la magistrature (CSM):
                                                                                                            
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Oui vous avez bien lu. 

Dans la « nouvelle version » du CSM, celui-ci n’est plus composé que d’une minorité de magistrats. 
Alors qu’il semblerait plutôt incongru de demander à un notaire de juger un médecin, le fait qu’un magistrat puisse être jugé par une personne « digne de confiance » ne semble pas choquer le constituant… 
Et le fait que ces personnes soient nommés par les présidents de la république / de l’assemblée nationale/du sénat ne lui semble pas contraire à la séparation des pouvoirs. 
Ce que ça peut être étourdi parfois un constituant !
Billets, politique

La droite a remporté la bataille de « l’opinion »

J’ai failli m’étrangler lorsque j’ai vu la une du Monde daté d’hier :

Ce titre, qui paraphrase la déclaration de Francois Fillon en date du 26.06 dernier ne m’a pas dérangé dans sa formulation. Pas plus que l’article d’ailleurs plutôt synthétique et lisible à l’identique par ici.
Non, ce qui m’a interpellé, c’est le fait de retrouver cette phrase près de trois semaines après qu’elle ait été prononcée, à la une du quotidien national de référence. Certes Le Monde n’a jamais été connu pour annoncer les nouvelles en avance mais son sérieux et sa pertinence sont généralement reconnus.

Il y a à mon sens dans l’affirmation d’une prétendue victoire idéologique de la droite une clé d’explication à la situation en apparence paradoxale qui est celle de la politique française depuis maintenant de nombreux mois.

Il est en effet assez stupéfiant de constater à qu’au moment même où la France connaît selon des sondages unanimes le président de la République le plus impopulaire de son histoire les mouvement sociaux n’ont jamais mobilisé si peu au point que ledit président s’est lui-même permit de jaser sur le sujet il y a encore quelques jours. Nous avons d’ailleurs encore tous à l’oreille sa petite phrase qui a fait beaucoup parler :

« désormais, quand il y a une grève, personne ne s’en aperçoit. »

Et si l’explication de la relative inertie des Français alors même qu’ils désapprouvent majoritairement la politique qui était menée était bien celle avancée par le premier ministre.
Et si cette apparente résignation trouvait son explication dans le fait que la droite a effectivement convaincu une majorité de français du bien fondé de son idéologie ?

A vrai dire je ne suis pas loin de le penser.
Pas loin… c’est à dire à une nuance près.

Pour affirmer que la droite ait pu convaincre les français du bien fondé de son idéologie, encore faudrait il que celle-ci ait réellement su imposer des Idées.
Or les grands « proclamateurs » de la victoire idéologique s’appuient notamment sur les arguments suivants :

« Nos idées et nos principes sont acceptés par les Français », clame aussi Patrick Devedjian, le secrétaire général de l’UMP. Et les deux hommes d’opposer les marqueurs de la droite à ce qu’ils considèrent être les valeurs de la gauche : « Les heures supplémentaires » plutôt que « le partage du travail », « le revenu de solidarité active » plutôt que « l’assistanat », les « devoirs » face aux « droits », le « sens de la responsabilité » plutôt que « l’impunité », l' »immigration choisie » plutôt que « la fausse générosité », le « service minimum » plutôt que « les grèves ».(source ; même article du monde)

Sans la moindre perfidie, on ne peut que reconnaître que ces pseudo arguments ne résistent pas à l’analyse.

  • Comment en effet peut on prétendre préférer en démocratie « les devoirs » aux « droits » alors que la vie républicaine est depuis l’origine la résultante d’une confrontation -c’est à dire d’une synthèse- entre ces deux notions nécessaires ?
  • Comment peut-on au lendemain de la grève des sans papiers qui a démontré qu’elle richesse les immigrés pouvaient représenter pour notre pays parler avec tant de mépris de « fausse générosité » à leur égard ?

Il semble bien en fait que la bataille qui a été remportée n’est pas celle des idées mais celle de l’opinion ; celle d’une position généralement admise mais pas pour autant démontrée. Or il n’y a rien de plus dangereux que l’opinion en politique, ce lieu où seules la Raison et les Idées devraient avoir leur place.

Ne vous méprenez pas, je ne méprise pas les opinions. mais j’affirme que leur nature les rend impropre à l’utilisation politique. et ce pour une raison simple ; les opinions généralement admises sont souvent erronées.
Un exemple tout simple pour vous en convaincre : « le gruyère. » Alors que l’opinion générale veut que le gruyère soit un fromage à trous… je peux vous assurer qu’il n’en est rien.

Si la droite a remporté la bataille de l’opinion, c’est que la gauche l’a évidemment perdue. Pire elle s’abstient presque de la jouer.
Quand à la bataille des idées, aucun des deux camps n’est prêt à la livrer.
Pour la droite, il s’agit d’une démarche désormais inutile.

Pour la gauche « de gouvernement » la situation est plus complexe. A la veille du congrès qui se prépare aucun des prétendants à la domination du parti socialiste ne se risquera à prendre une quelconque position tant que des alliances claires ne se seront pas dégagées de peur de froisser une faction quelconque dont il pourrait avoir besoin.
C’est ainsi que le récentes déclarations de Ségolène Royal se limitent à des attaques ‘Ad Hominem‘ (qui plus est non étayées) là où il y aurait tant à dire sur le fond…

Il faudra donc se résoudre à une opposition molle du coté socialiste et à un désarroi contenu et résigné de la majorité des Français.

A défaut d’idées neuves je file relire le « Criton » de Platon (par là-bas) les siennes ont de la barbe mais elles me semblent toujours aussi salutaires.