Billets, nos droits

Il parait que le divorce c’est simple (enfin parfois)

Le Figaro publie aujourd’hui un article intitulé « Divorce à l’amiable ; une loi adaptée à son époque« .dans sa rubrique « science », ce qui m’honore au plus haut point. (rires)

Ce qui me réjouit moins, c’est que cet article fasse suite à l’étude récemment révélée par la chancellerie et largement relayée dans la presse selon laquelle :

Le divorce par consentement mutuel a le vent en poupe. Plus nombreux, plus rapide, ce type de séparation représente en 2007 plus de la moitié des divorces avec un taux de 55 %, contre 41 % en 1996,

Je n’ai pas à avoir d’avis sur ce fait, ce qui m’inquiète un peu ce sont les conclusions que pense pouvoir en tirer le ministère de la justice :
«Depuis le 1er janvier 2005, date de l’entrée en vigueur de la réforme du divorce du 26 mai 2004, la procédure est plus simple et plus rapide, explique-t-on à la Chancellerie. Le divorce par consentement mutuel est désormais prononcé par un juge aux affaires familiales lors d’une audience unique, contre deux auparavant qui se tenaient dans un délai compris entre trois et neuf mois.»
La nouvelle loi a surtout contribué à augmenter le rythme des procédures. À partir de 2005, le raccourcissement de la procédure de divorce par consentement mutuel permet à 40 % des requêtes en divorce de se terminer dans l’année de la demande, contre 25 % entre 1996 et 2004. [source]
C’est précisément à ce stade que je dis halte !
Il ne s’agit pas d’une opposition idéologique de ma part ,mais d’un cri de rage mêlée d’effroi à l’idée de ces futurs clients qui ne vont pas tarder à se presser dans la salle d’attente du cabinet d’avocats où je travaille et me harceler un peu plus encore de questions au sujet de leur divorce 
« qui est décidément bien long, alors que ca devrait aller vite avec la nouvelle procédure dont on a parlé à la télé »
Non je n’exagère pas…  Pas du tout même.


Le même article ajoute enfin que : 
«L’un des objectifs de la réforme était de pacifier les divorces en privilégiant les séparations consensuelles, afin de préserver l’équilibre familial, notamment à l’égard des enfants, dit-on dans l’entourage de la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie. On peut considérer que l’objectif est atteint.»
Moi je veux bien qu’on m’explique que désormais le divorce est un long fleuve tranquille, une fête même, mais dans la réalité cela ne se passe pas toujours aussi bien, loin s’en faut… 
D’ailleurs, si un mariage devait bien finir… il ne finirait pas.  

Si les chiffres avancés par le ministère donnent à se réjouir que les divorces amiables se développent, il ne faudrait pas oublier que 45 % des gens choisissent les autres types de divorce bien plus longs et conflictuels. 

Pour essayer de comprendre exactement ces chiffres, il me semble que le mieux est de présenter successivement (et aussi succinctement que possible) les quatre types de divorce qui existent actuellement en droit Français.


Le divorce par consentement mutuel
Celui-là même dont la chancellerie se félicite. 
Il s’agit d’un divorce « sur requête conjointe » ce qui signifie que les parties sollicitent le divorce par le même acte d’Avocat déposé au greffe du Juge aux Affaires Familiales. 
A cette requête, doit être jointe une convention signée par les deux époux, « portant règlement des effets du divorce« .
C’est elle qui explique la relative rapidité du divorce par consentement mutuel ; dans ce type de procédure, tous les problèmes potentiels ont été aplanis en amont de sorte que le rôle du juge se confine à contrôler la réalité de l’accord des parties et la légalité de l’accord qui lui est soumis. 
Au contraire des autres cas de divorce, celui-ci permet surtout d’éviter de longs mois d’attente devant le juge de la mise en état
Mais pour choisir un tel fondement, encore faut il être d’accord sur tout… 

Le divorce par acceptation du principe de la rupture du mariage 
Il s’agit d’un divorce « demandé par l’un et accepté par l’autre« , « sans énonciation des griefs »
Ainsi que le précise le dernier alinéa de l’article 233 du code civil « cette acceptation n’est pas susceptible de rétractation« .

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal
Celui-ci a été crée par la loi de 2004.
Il permet à un époux, lorsque son conjoint refuse le principe de la rupture sur le fondement précédent, de passer outre ce refus dès lors que « le lien conjugual est définitivement altéré »
Selon l’article 238 du code civil :
L’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis deux ans lors de l’assignation en divorce.
Autant dire que cet article se présent comme un vaste fourre-tout…

Le divorce pour faute
C’est lui probablement la grande victime de la loi de 2004. 
Ce cas de divorce, prévu par l’article 242 du code civil ne peut plus utilement être demandé que dans des cas extrêmement graves (violences conjugales, abandon de famille…)
faute de démontrer qu’ils rentrent dans un tel cas les plaideurs seront invités à « mieux se pourvoir », c’est à dire à choisir un divorce plus consensuel. 

En somme se réjouir comme le fait la chancellerie de l’augmentation du nombre de divorces par consentement mutuel c’est un peu s’extasier qu’un nouveau jour se lève. 
En effet la loi de 2004 fonctionne à peu près comme un entonnoir des lors qu’il rend le divorce pour faute exceptionnel. 

Il s’en évince qu’en cas de désaccord grave et persistant les parties choisiront  bon gré mal gré  un divorce « pour altération définitive du lien conjugal » ou un divorce « demandé par l’un et accepté par l’autre ».
Dans cette hypothèse, des divorce théoriquement consensuels virent bien souvent au conflit ouvert sans que cela apparaisse dans la procédure elle-même.
Par contrecoup les avantages du divorce par consentement mutuel n’en apparaissent que plus flagrants, plus rapide, bien moins couteux (un avocat pour deux) ce qui incite d’autant les plaideurs à le choisir.
Pour autant, il est fréquent de voir éclater des conflits (au sujet des droits de visite et d’hébergement souvent) peu de temps après le divorce.
Ce que les statistiques n’indiquent pas c’est combien de frais divorcés reviennent devant le juge après un divorce par consentement mutuel…

Alors oui, lorsque la chancellerie se congratule au sujet des avantages sociétaux d’une situation qui n’est en réalité qu’une pirouette procédurale…
Oui, ca m’agace.
Billets, justice

Le prix de l’erreur judiciaire

A la faveur de l’été le site de la Cour de Cassation vient (enfin) de mettre en ligne le rapport d’activité 2008 de la Commission Nationale de Réparation des Détentions
Il y a fort à parier que ce rapport sera très peu médiatisé, tout d’abord parce qu’il ne contient guère de révélation spectaculaire. 
Et surtout, parce qu’il constitue un véritable baromètre de l’erreur judiciaire avérée, autant dire celle à laquelle on souhaite ne surtout pas penser…
 
Mise en situation ; 
Sortant de chez vous, votre  œil est attiré par un couteau à terre. Curieux vous le prenez en main avant de le découvrir maculé de sang.
Le temps de réaliser ce qui vient de se produire, un gendarme vous saisit et vous menotte.
Au terme d’un longue garde à vue vous êtes présenté à un juge d’instruction.
A raison des indices graves et concordants laissant présumer que vous seriez l’auteur d’un crime (vos empreintes sur l’arme, vos rapports tendus avec  la victime ; votre voisin amateur death metal à deux heures du matin) le juge d’instruction vous notifie votre mise en examen
Il sollicite votre placement en détention provisoire auprès du Juge des Libertés et de la Détention, qui fait droit à cette demande conformément à l’article 144 du code de procédure pénale pour les raisons suivantes : 
  • Conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité
  • vous protéger d’éventuelles représailles de la famille
  • garantir votre maintien à la disposition de la justice ;
  • Mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission et l’importance du préjudice qu’elle a causé.
Sans avoir réellement compris ce qui vous arrive, vous voilà donc placé en détention sans avoir été jugé.  
Votre procès viendra plus tard, à la fin de l’enquête.  
 
Quelque six mois plus tard votre voisin du dessus, qui déteste le death metal expédie ad patres un autre résident, se fait arrêter et finit par avouer le premier crime. 
Vous êtes libéré.  
Certes, mais l’ensemble de vos proches a appris que vous étiez en prison et martèle à l’envi qu’il n’y  a pas de fumée sans feu. 
Quant à votre employeur, il n’a bien sûr pas attendu pour pourvoir votre poste. 
Vous êtes libéré… et très en colère contre la justice.  

 

 [photo]
C’est précisément pour tenter d’apaiser ce genre de situation qu’à été crée l‘article 149 du code de procédure pénale qui dispose que : 
la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. 
Il s’agit donc de permettre et d’encadrer l’indemnisation du préjudice causé aux mis en examen à l’occasion de leur placement en détention provisoire lorsque par la suite ils ont été reconnus innocents
 
Le texte est d’ailleurs très précis sur ce point, il ne suffit pas que la procédure n’ait pas débouché sur une condamnation
« aucune réparation n’est due lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l’article 122-1 du code pénal, une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou la prescription de l’action publique intervenue après la libération de la personne, lorsque la personne était dans le même temps détenue pour une autre cause, ou lorsque la personne a fait l’objet d’une détention provisoire pour s’être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l’auteur des faits aux poursuites. »
Le recours fondé sur l’article 149 du code de procédure pénale relève de la compétence du Premier Président  de la Cour d’Appel du ressort dans lequel a été prononcée la décision de non lieu, de relaxe ou d’acquittement. (art. 149-1 du code de procédure pénale)
La décision du Premier Président peut elle même être contestée devant la commission nationale de réparation des détentions, placée auprès de la Cour de Cassation. (art. 149-3 du CPP)

S’il s’agit par définition de recours exceptionnels le rapport d’activité pour 2008 de cette commission rappelle qu’il ne s’agit absolument pas d’hypothèses d’école. 
On y apprend notamment que pour cette seule année, le nombre de décisions rendues en la matière par les Premiers Présidents de Cour d’Appel culmine à 665 (644 en 2007)
Quant à la Commission elle même, elle a eu à statuer sur 82 cas en 2008, (contre 91 en 2007)

Toujours sur le plan statistique, on apprend que :
La durée moyenne des détentions indemnisées a été de 343 jours (324 jours en 2007).
 et que : 
La moyenne des indemnités allouées a été, pour le préjudice matériel, de 7 309 euros (8 177 euros en 2007), soit un total de 402 029 euros (contre 637 810 euros en 2007), tandis que la moyenne de celles octroyées au titre du préjudice moral a été de 24 588 euros (22 700 euros en 2007) soit un total de 1 352 364 euros (1 770 600 euros en 2007).
La somme globale s’est donc élevée à 1 754 393 euros (2 408 410 euros en 2007)
Voilà qui est édifiant en soi ;
En moyenne, une année de votre vie passée en prison à la suite d’une erreur judiciaire vaut donc  environ : 
  • 7.600 euros au titre du préjudice matériel 
  • 25.000 euros au titre de votre préjudice moral
Terrifiant non ? 
Par exemple, la commission de réparation des détentions a été amenée à accorder à un homme de 57 ans, enfermé à tord du 6 mai au 22 septembre 2004 les sommes « royales » de : 
  • 10.000 euros au titre de son préjudice moral
  • 2.300 euros au titre de son préjudice matériel

Par bonheur le rapport d’activité de la commission est mis en ligne alors que nous songeons tous aux vacances passées, présentes ou futures et n’avons aucune envie de penser à des choses aussi agaçantes. 
Par bonheur, oui.
Imaginez un peu la panique si ca se savait ?
Billets, societé

Un Malaise Politique

IL est sorti du Val de Grace. 

Pas besoin de vous préciser de qui il s’agit, depuis un peu plus de vingt quatre heures blogueurs et médias ne cessent de marteler la moindre non information qui filtre au sujet du récent malaise de Nicolas Sarkozy. 
L’espace de quelques heures on pourrait presque en oublier la disparition de Michael Jackson, si les radios et télés musicales et les marchands du temple ne bruissaient de sa voix libérée, comme si la mort avait soudain levé cette hypothèque que les moeurs de la star avaient fait peser sur sa gloire 
C’est dire si l’évènement est d’importance…

On le dit même dans le Monde par la bouche d’un chercheur du CNRS, rien que ça…

Le banal malaise du président a déclenché une véritable épidémie de commentaires. Comme si la France entière se retrouvait au chevet du président… 

L’intérêt que suscite cette nouvelle n’a d’ailleurs rien pour surprendre. 

Depuis l’aube de la cinquième République les Français ont accordé à leur Président une stature de Monarque.
Et cela Nicolas Sarkozy l’a bien compris lui qui ne cesse de mettre en scène son quinquennat.    
Depuis son Coucher avec Carla jusqu’à son lever du  lit d’hôpital les Français suivent leur Président qu’ils le soutiennent ou non. 

Sans plus de surprise on constate donc que l’habituel phénomène de « cristallisation » qui frappe tout ce qu’approche Nicolas Sarkozy se faiour une fois de plus ; les uns se répandant en de sirupeux voeux de rétablissement tandis que d’autres sourient, rêveurs, à la pensée que  « c’est peut être plus grave q’on ne nous le dit »…
Accordons toutefois à ces derniers que les « précédents » n’étaient pas de francs exemples de transparence…
D’autant que déjà l’évènement tend à devenir une ostensible manoeuvre de communication, elle même teintée de quelques couacs, pour sûr. 
Je pense à ce propos que cette sublime phrase de Patrick Balkany me fera rire pendant des jours encore : 

«Ces derniers temps, […] il était particulièrement affûté et il ressemblait plus à un coureur du Tour de France qu’à un président »

Il faut croire qu’on a les amis qu’on mérite…


Rien de neuf donc ? Ne s’est-il vraiment rien passé ? 
Moi, au delà de cette médiatisation j’ai envie de me demander s’il ne s’est pas produit quelque évènement qui dépasse les simples volontés médiatiques et politiques.

Car au delà de l’interprétation que l’on peut lui donner il y a l’évènement lui-même, aussi vif et brutal que peut l’être un malaise. 
Somme toute, s’agissant d’un homme qui a bâti son image politique sur une énergie volontariste qui transpire une relative violence il y a de quoi s’interroger au sujet de l’avenir. 

Quel impact ce rappel à l’ordre aura t’il sur l’image de Nicolas Sarkozy, celle qu’il s’est construite, celle qu’il veut laisser paraitre. 

Puis-je affirmer que ce sera le cas ? 
Il me semble que oui. 
L’intention affichée de Nicolas Sarkozy de prendre quelques jours repos au lieu de se répandre en cette démonstration de « pleine possession de ses moyens » à laquelle on pouvait s’attendre est déjà un indice en ce sens. 

Le Président compte t’il faire évoluer son image ? Doit il le faire ? 
Probablement… 
Après le fantasme du dynamisme dans un corps d’airain, ciselé aussi bien à la course à pied  qu’au cyclisme il est peut être temps de laisser la place à un quiquagénaire plus humain. 

Voilà qui serait un angle intéressant afin d’apparaitre comme un homme nouveau lors de cette présidentielle qui n’aura lieu que dans un peu plus de deux ans. 

C’était mon quart d’heure politique fiction à tendance divinatoire.
Laissons reposer tout cela pour aujourd’hui, quoi qu’il en soit les semaines à venir risquent d’être interessantes à observer. 
Car, que l’on apprécie où pas Nicolas Sarkozy, il faut bien reconnaitre qu’en cette période estivale il est bien le seul à se dévouer pour faire l’actualité.