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La scientologie peut dormir tranquille

Depuis hier sur Le Monde ont peut lire une information aussi surprenante qu’inquiétante : 
La Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a affirmé, lundi 14 septembre, qu’une modification de la loi, intervenue le 12 mai, ne permet plus à un magistrat de dissoudre une secte pour escroquerie, ce qui lèverait le risque de dissolution de la Scientologie, poursuivie pour de tels faits à Paris.
Dans un communiqué diffusé par l’AFP, la Miviludes écrit avoir « découvert avec consternation la suppression de la peine de dissolution d’une personne morale en matière d’escroquerie, votée le 12 mai 2009 », et promulguée le 13 mai, « dans le cadre d’une loi de simplification du droit ». Elle dit en avoir « informé les pouvoirs publics compétents ». [source]
Le texte pointé du doigt par la MIVILUDES est la LOI n° 2009-526 du 12 mai 2009 « de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures ». 
Il s’agit d’un texte fourre-tout qui comporte des dispositions dans un grand nombre de matières.
Comme son nom l’indique, cette loi affiche l’ambition de simplifier le droit français pour le rendre plus accessible au citoyen.  

A première vue il s’agit donc d’un texte sans véritable fonction technique qui se contente de remplacer des termes très juridiques par une paraphrase plus accessible. 
Cette loi comporte ainsi un article 9 qui modifie le code civil de la manière suivante :

9° Au premier alinéa de l’article 1919, les mots : « tradition réelle ou feinte » sont remplacés par les mots : « remise réelle ou fictive » et, au dernier alinéa du même article, les mots : « tradition feinte » sont remplacés par les mots : « remise fictive » ;

Rien à signaler de ce coté là ; le changement de vocabulaire n’a strictement aucun effet sur l’état du droit.


Si ce texte ne comportait que des dispositions de ce type il n’y aurait pas de problème…

 Vous me voyez venir de très loin ; je vais vous  parler de ce qu’on sait tous déjà : Il n’y a rien de mieux qu’une de ces lois fourre-tout apparemment sans conséquence pour glisser des dispositions potentiellement gênantes politiquement. 


Vous avez raison, c’est bien de cela que je veux parler Mais pas seulement.

Car à mon sens, la vraie difficulté avec ces lois fourre-tout, c’est  avant tout le fait qu’elles posent un réel problème de démocratie en ce qu’elles sont très difficiles à comprendre, y compris pour ceux qui les votent. 


C’est d’ailleurs l’avis du député PCF Jean Pierre Brard selon qui :

« C’était un texte confus et touffu. Un de ces textes fourre-tout comme il en existe beaucoup et qui est passé à l’esbroufe » [source]

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Confus ? C’est un euphémisme…
Lisez par exemple l’article Article 52 de la loi du 12 mai 2009 :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 4111-6 est abrogé ;
2° Aux 1° et 2° de l’article L. 4161-1, au dernier alinéa du 1° de l’article L. 4161-2 et au 1° de l’article L. 4161-3, la référence : « L. 4111-6, » est supprimée

Avouons qu’en matière de « simplification et de clarification du droit » on a fait mieux… 


Il n’est donc pas étonnant que l’article 57-4° de la loi du 12 mai 2009 soit passé  inaperçu, bien qu’il s’agisse d’un texte qui allège considérablement les peines encourues par les personnes morales en cas d’escroquerie puisque ce texte est proprement illisible:

« le code pénal est ainsi modifié (…) Le premier alinéa de l’article 313-9 est complété par les mots : « et à l’article 313-6-1 ».

Pour pouvoir comprendre la modification il est donc nécessaire de comparer la rédaction de l’article 313-9 du code pénal avant et après l’entrée en vigueur de cette loi :
  • l’article 313-9 tel que rédigé avant la loi du 12 mai 2009 :
Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2, des infractions définies aux articles 313-1 à 313-3 et à l’article 313-6-1.
Les peines encourues par les personnes morales sont :
1° L’amende, suivant les modalités prévues par l’article 131-38 ;
2° Les peines mentionnées à l’article 131-39.
L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.
  • l’article 313-9 du code pénal en vigueur
Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2, des infractions définies aux articles 313-1 à 313-3 et à l‘article 313-6-1 encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38, les peines prévues par les 2° à 9° de l’article 131-39.
L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.
Là d’un coup, c’est un peu plus clair, à l’oeil nu on comprend bien que la quasi totalité des peines prévues par l’article 131-39 ont été supprimées bien qu’il faille -miracle de « simplification »- aller vérifier « à la main » lesquelles sont concernées. 
En dépit d’une concordance de dates troublante, je  n’ose imaginer que puisse exister  un complot visant à modifier le résultat du procès pénal lourdement médiatisé à l’occasion duquel la dissolution de l’église de scientologie a été requise par le ministère public.

Il me semble plutôt discerner là un dommage collatéral de la dépénalisation de la vie des affaires voulue et revendiquée par le chef de l’état depuis bien avant son élection. 

Quoi qu’il en soit la loi du 12 mai 2009 a bel et bien vocation à s’appliquer dans le cadre de ce procès puisque selon l’article 112-1 in fine du code pénal :
 les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes.
Ne criez pas au scandale, il n’y a rien de plus juste que ce principe, qu’on appelle en droit pénal la « rétroactivité in mitius » : pourquoi appliquerait-on une peine que le législateur n’estime plus nécessaire ? 

Et les gesticulations de la chancellerie qui a fait déclarer lundi par son porte parole que  « Le gouvernement va déposer un projet de loi afin de réintroduire la disposition de dissolution » n’y changeront rien conformément… au même article 112-1 du code pénal
Sont seuls punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis.
Peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date.
Il est donc acquis que le Tribunal  Correctionnel ne pourra pas valablement prononcer la dissolution de l’Église de Scientologie dans son jugement à intervenir. 
Il dispose toutefois d’une arme de poids puisque l’article 131-39-2°du code pénal lui permet de prononcer une peine capable d’obérer gravement les possibilités pour celle-ci de se financer, il s’agit de :
L’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales. 
Moi qui en ait vu d’autres en la matière je vous avoue que je bien plus amusé qu’agacé par la situation.  

Voir la majorité présidentielle, celle-là même qui nous rabâche depuis des mois qu’elle va moraliser la vie des affaires, se faire prendre la main dans le pot de miel alors qu’elle prend des mesures qui, au contraire allègent la responsabilité des personnes morales je trouve ca assez truculent. 
« Poetic Justice » en somme…

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