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Où l’on parle comptables et jurés motivés

Dire que le monde judiciaire a acceuilli la « commission Leger » avec frilosité tient juste de l’euphémisme.
Comment d’ailleurs aurait-il pu acceuillir autrement cette formalité concue sur mesure pour légitimer le voeur présidentiel de supprimer le juge d’intrcution ?
La récente « fuite » au sujet de ses probables conclusions en a donc surpris plus d’un. 

Il y a tout d’abord cette probable introduction d’une possibilité de « plaider coupable » devant la Cour d’assise afin d’obtenir l’assurance d’une peine plus basse va en effet à contre-courant des principes de la procédure pénale Francaise.

L’idée de condamner plus légèrement un individu parce qu’on est certain de sa culpabilité semble un peu absurde au premier abord. 
Mais en réalité ce n’est pas de la justice qu’il s’agit de rechercher l’interet de cette proposition de réforme mais bien d’un point de vue comptable. 

Ce n’est pas (seulement) moi qui le dit : 
L’objectif clairement affiché par les membres du comité est de « désengorger » la justice, en accélérant la phase d’instruction et le déroulement des audiences. Dominique Coujard, président de la cour d’assises de Paris et membre du Syndicat de la magistrature, y voit les signes d’une « réforme au rabais », dans laquelle « une logique gestionnaire l’emporte sur une logique de qualité ». [source]
Voilà donc la proposition qui est faite à l’accusé : « laisser nous faire des économies sur votre procès, vous aussi vous prendrez moins cher ». 

C’est étrange tout de meme comme à chaque fois qu’il s’agit de faire des économies c’est du coté des droits de la défense que l’on cherche à les trouver… 

Toutefois, il serait trop sévère de condamner en bloc les probables conclusions de la commission Leger.
A en croire l’auteur de la fuite, le rapport à venir contiendrait au moins une authentique avancée pour la justice Francaise : 
Le comité Léger recommande que les décisions des cours d’assises soient motivées. Ses membres ont beaucoup débattu sur ce point central de la procédure française. Les partisans du oui s’appuient notamment sur le fait qu’une motivation serait utile en cas d’appel – afin que le deuxième juge sache pourquoi le premier a ou n’a pas condamné. En début d’année, la Cour européenne des droits de l’homme a par ailleurs condamné la Belgique «pour défaut de motivation de l’arrêt de la cour d’assises». Certains, comme l’avocat Gilles-Jean Portejoie, souhaitent également battre en brèche, par le biais de la motivation, le principe même de l’«intime conviction».  [source]
Des arguments pratiques sérieux s’opposent à la motivation des arrets d’assises. 
A ce sujet je vous renvoie à « la motivation des décisions de la Cour d’Assises« , l’excellent article de Monsieur Huyette, magistrat de profession qui explicite parfaitement la difficulté.

Mais en dépit de ces arguments la motivation des décisions de Cour d’Assises me semble nécéssaire. 
Du procès « Outreau » au procès « Colonna » on a pu récemment constater à quel point l’intime conviction sur le fondement de laquelle sont rendues les décisions en matière pénale va de paire avec le doute qui est un toujours un poison en la matière. 

En dépit des contraintes techniques qui teinnent à la présence d’un jury en matière criminelle il parait d’autant plus intenable de refuser que les arrets de Cour d’Assises soient motivés alors que la loi l’impose lorsqu’il s'(agit des décisions du Tribunal Correctionne. 
En effet : l’article 485 du code de Procédure Pénale dispose  :
« Tout jugement doit contenir des motifs et un dispositif.
Les motifs constituent la base de la décision.
Le dispositif énonce les infractions dont les personnes citées sont déclarées coupables ou responsables ainsi que la peine, les textes de loi appliqués, et les condamnations civiles. (…) » 
Juger les infractions les plus graves avec autant de rigueur et de transparence qu’on le fait pour les délits voilà ce que propose la commission Leger. 
Sur ce point, j’espère vraiment que ce rapport ne partira pas aux oubliettes.

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