reverie

Le train fantome

Il y a moi, toujours un peu gêné de m’asseoir dans un  wagon déjà plein.
Mes coudes ramenés contre mon corps heurtent l’un l’accoudoir l’autre le froid de la porte lorsque contraint, je prends place.
Mes pieds trop grands s’empêtrent et effleurent sa bottine.
Elle lève un sourcil distrait, puis son regard retombe les plis de son pull.
Il fait un froid piquant qui traverse le coton de ma chemise, je  réprime un frisson
Les regards fuient à droite comme à gauche, alors je tourne le mien vers cette fenêtre à ma gauche au travers de laquelle la lumière ne passe pas.
Il flotte un brouillard épais au dehors qui n’est déjà plus qu’un souvenir.
Je me risque à lui demander la durée probable du trajet mais elle ne répond pas.
J’esquisse un  geste sur ma gauche mais  personne ne semble s’interresser à ma question.
Puis les vibrations plus intenses du sol et le claquement dur des portes qui se ferment donnent le signal du départ.
Et toujours ce froid qui s’insinue plus vif.
Je passe la main sur ma nuque figée par la fatigue et le stress et puyis j’étends mes jambes pour les délier un instant.
Je la bouscule à nouveau mais elle ne réagit pas cette fois.
J’ouvre la bouche pour m’excuser à nouveau, mais puisque cela ne semble pas lui importer, je préfère en rester là.

 

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Soudain je suis saisi par cette réalité vibrante ; je suis dans un train fantôme où les gens sont comme morts.
Asphyxiés par la fatigue, essorés par le travail. Comme figé dans la pâleur  crasseuse de ce vert qui habille les murs.
Je croise les bras dans un geste un peu vain, comme si cette simple attitude pouvait arrêter se froid qui me gagne un peu plus à chaque tour de roue, à chaque arbre qui s’enfuit au dehors.
Le temps s’étire, puis semble se figer. Mes repères ont disparu et j’attends en silence.

Puis c’est la lumière qui s’estompe, lentement, durement et je suis saisi de l’idée absurde que le train ne va jamais s’arrêter.
Je me lève vivement et fais quelques pas dans le wagon à la recherche du contrôleur, pris du besoin irraisonné de savoir à quelle heure ce fichu train est censé arriver.

Point de contrôleur. Je fais demi-tour. Puis demi-tour encore. Je relève ma manche et constate que ma montre n’est pas à mon poignet. Les mains collées au visage je m’adosse un instant à la vitre qui me renvoie mes seuls reflets.
Alors je retourne m’asseoir, le front plissé.
Des points blancs dansent devant mes yeux, je suis livide, glacé, désorienté et bien trop fatigué pour pouvoir me calmer.

Puis c’est un bruit aigu qui me sort de ma torpeur.
Le train s’arrête enfin et le choc me cloue à mon siège. tandis que la jeune fille aux bottines est projetée contre moi.
J’étouffe un cri lorsque sa tête heurte mes cotes, puis je prends ses épaules pour retenir son corps qui ne résiste pas.
Ses cheveux glissent dans mes mains, son visage est glacé.
Puis je comprends ce froid qui ne m’a pas quitté.
L’étreinte de la mort m’a précédé de peu.
brèves, justice

Jorge Montes retourne en prison (rime avec j’avais raison)

Vous n’avez pas pu passer totalement au travers de l’ouragan médiatique qu’avait déclenché la libération involontaire de Jorge Montès, ce mis en examen dans une affaire de viol. 
Parce qu’un ouragan ce n’est pas très cohérent je m’étais fendu il y a quelques jours d’un long billet d’explication.
Saisie d’une requête en rectification d’erreur matérielle  à la diligence du parquet la chambre de l’instruction de la Cour d’Appel de Paris a rendu son arrêt comme nous l’apprend le nouvel obs.
Elle a ainsi ordonné la rectification de l’erreur matérielle contenue dans sa décision de sorte que Jorge Montès doit retourner en détention.  
Cette solution est cohérente d’un point de vue logique, c’était aussi la plus probable (ce que je vous écrivais à l’époque) mais elle n’étais cependant pas évidente d’un strict point de vue juridique. 
En effet, selon la jurisprudence constante de la cour de cassation la rectification d’une erreur matérielle contenue dans une décision ne peut aboutir à changer le fond du droit, c’est à dire le sens de la décision. 
Devant l’évidence de l’erreur, la Cour d’Appel a choisi de rectifier, mais elle s’expose cependant à ce que la cour de cassation annule éventuellement son arrêt.


L’avocat de Jorge Montès a d’ailleurs d’ores et déjà saisie la cour de cassation d’un pourvoi. 
L’arrêt que ne manquera pas de rendre cette juridiction dans cet affaire risque d’ailleurs d’être intéressant… mais ce n’est pas pour tout de suite…


Dans l’attente, Jorge Montès va certes retourner en prison, mais cette décision, il est important de le rappeler n’emporte pas déclaration de culpabilité. Au moment où j’écris ces lignes celui-ci est encore présumé innocent. 
Billets, et hop

Parfois une grève ca me fait plaisir

J’ai depuis longtemps l’intime conviction que le conflit social est une discipline relativement sclérosée en France.
Peu importe le bien fondé des prétentions des parties ce qui m’interresse c’est la manière dont ce déroule le conflit. Je l’ai déja écrit ici il me semble que dans une stricte recherche d’efficacité les protestaires de tous autres doivent trouver des manières d’agir innovantes s’ils souhaitent que leur mouvement ne soit pas inutile.

D’autant que dans le camp opposé les choses bougent à grande vitesse.
Il y a d’abord les très médiatisées création de services minimum par l’Etat dont l’effet reste toutefois contrasté selon les secteurs.
Il y a aussi la réactivité des chefs d’entreprise qu’il ne faut pas négliger.

Prenons le mouvement de grève des NMPP qui agite en ce moment la presse Francaise…

Si vous n’avez pas suivi l’affaire, en voici un bref résumé trouvé sur Le Monde
Le mouvement de grève avait été lancé mercredi matin par le Syndicat général du livre et de la communication écrite (SGLCE-CGT) des NMPP pour protester contre un plan de restructuration de la direction, baptisé « Défi 2010 » et qui prévoit notamment la fermeture ou la relocalisation de centres de traitement de la presse, ainsi qu’un plan de départ de 350 personnes sur les 3 000 salariés que compte le groupe. Le syndicat demande l’ouverture de « vraies négociations ». Au cours des derniers mois, les ouvriers du Livre des NMPP ont multiplié les mouvements pour réclamer des solutions alternatives et notamment le maintien d’un grand centre de traitement des magazines.
Face à ce mouvement, dont la pertinence n’est pas le sujet de ce billet, les patrons de presse qui s’estiment « pris en otage » par les grévistes s’organisent. 
C’est ainsi que depuis deux jours les principaux journaux sont disponibles gratuitement sur le net.


La pratique est intéressante à plusieurs titre pour les journaux. 
Elle leur permet tout d’abord, par le biais de la gratuité de toucher un public qui ne les lit pas d’habitude. 
(Pour ma part c’est dans ces conditions que j’ai lu aujourd’hui « les Echos », un journal qui ne figure pas dans mes lectures habituelles…)
Elle leur permet aussi de livrer certains de leurs abonnés  par voie électronique
Elle leur permet surtout de limiter les pertes financières puisque les publicités insérées dans ces journaux sont payées « à la page vue » (elles aussi). 


Voila donc une belle stratégie de contournement qui aboutit pour les groupes de presse à limiter l’impact de la grève sur leurs finances et qui (disons-le) pour le coup me fait assez plaisir.

Ce n’est pas tous les jours en effet que j’ai la possibilité de lire gratuitement et sans bouger de mon siège : 
La Croix (PDF) Le Figaro (PDF) Libération (PDF) Les Echos (PDF) La Tribune (Html) L’Equipe (PDF)
Vous savez quoi ? A l’instant j’ai une furieuse envie d’embrasser l’un des grévistes du syndicat général du livre et de la communication écrite (SGLCE-CGT) des NMPP. 
Merci.