reverie

Comment j’ai renoncé à la baguette

Je m’arrête à la hauteur de la vitrine le temps de sortir mon téléphone de ma poche.
Aucune notification n’apparait à l’écran. J’aurais pourtant juré l’avoir senti vibrer.
Puis je jette un regard à ma droite avant de reprendre ma route.
Elle était là bien avant moi cette boulangerie. Je suis passé si souvent devant sa façade que je ne lui prête plus la moindre attention depuis longtemps.
Et pourtant cette fois quelque chose a changé.
Il ne s’agit pas simplement d’un nouveau visage derrière le comptoir.
Il y a aussi des fougasses dodues en vitrine et d’appétissantes boules de pain joliment fendues.

Brioche Sylvain Avignon

Je reste un moment au beau milieu du trottoir à fixer l’écran vide de mon téléphone.
Et si je l’appelais ? C’est quand même trop bête.
Cinq sonneries, voilà ce qu’on nous accorde avant de passer sur répondeur.
En théorie, je pourrais profiter de ces cinq sonneries, qui représentent un délai d’environ vingt secondes pour envisager la tournure d’un message clair et efficace à laisser sur le répondeur.
Mais dans les faits, je passe la totalité de ces vingt secondes à m’agacer de devoir parler à un répondeur, alors que je devrais tenter de condenser ce que j’avais à dire en deux ou trois phrases claires et concises.
De sorte qu’il ne me reste que le temps d’un bip, soit guère plus d’une seconde, pour remâcher ma déception et bredouiller une dizaine de mots confus avant de raccrocher. Continuer la lecture…

reverie

Mes souvenirs ont l’odeur d’une cigarette

Je sais immédiatement que je me trouve chez moi parce que je suis assis par terre en tailleur.

Face à moi, il y a cette vielle télévision 36 cm sur laquelle j’avais branché ma Sega Master System.

Une odeur typique me signale que la cigarette de maman est en train de se consumer sur le bord de son cendrier.

Adossé sur le lit de mes parents je fais rouler entre mes doigts cette balle de golf que j’ai trouvée, enfant, sur un parking et dont je ne me suis plus séparé.

Il faut croire que ma sillogomanie n’a pas été totalement érodée par les ans.
Un chat miaule à ma gauche mais je choisis de ne pas y prêter attention.
Il y a un bruit d’assiettes dans la cuisine.

Ce doit être papa qui fait la vaisselle.

C’est étrange. Son alliance ne devrait déjà pas se trouver à ma main droite.
Le mur à ma droite a été partiellement gribouillé au stylo bille.
Dans ma chambre voisine un dessin au rouge à lèvres est caché derrière le bureau ou s’empilent devoirs, feutres et bandes-dessinées.

Le miaulement se répète et devient plaintif.
Cet animal n’a rien à faire là ; maman a toujours eu peur des chats.

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Avignon 11 Janvier 2015
à vif, Billets

Jour d’espoir

Durant cinq jours, le massacre des gens de Charlie Hebdo et ses suites m’ont fait l’effet d’une balle tirée dans un bidon de Kérosène.
Une fusillade monstrueuse, deux prises d’otages et tant de morts.

Les oiseaux de mauvaise augure se frottaient les mains.
Dans ce pays où l’on prend encore plus de plaisir à s’engueuler qu’à manger du fromage, on se laisse souvent aller à écouter ceux qui nous prédisent la guerre civile depuis bientôt cinquante ans.
On se lamente tandis qu’on donne invariablement la parole à ceux qui prophétisent le déclin de la France, voire même sa « soumission ».
On se délecte de la voix de ceux qui font commerce des faits divers les plus atroces et l’on assène que « ce pays est foutu ».

Mais aujourd’hui, les marchands de haine n’ont réuni qu’un millier de personnes à Beaucaire alors que des millions de Français manifestaient pour dire leur attachement à l’idéal de notre pays.

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