Avignon 11 Janvier 2015
à vif, Billets

Jour d’espoir

Durant cinq jours, le massacre des gens de Charlie Hebdo et ses suites m’ont fait l’effet d’une balle tirée dans un bidon de Kérosène.
Une fusillade monstrueuse, deux prises d’otages et tant de morts.

Les oiseaux de mauvaise augure se frottaient les mains.
Dans ce pays où l’on prend encore plus de plaisir à s’engueuler qu’à manger du fromage, on se laisse souvent aller à écouter ceux qui nous prédisent la guerre civile depuis bientôt cinquante ans.
On se lamente tandis qu’on donne invariablement la parole à ceux qui prophétisent le déclin de la France, voire même sa « soumission ».
On se délecte de la voix de ceux qui font commerce des faits divers les plus atroces et l’on assène que « ce pays est foutu ».

Mais aujourd’hui, les marchands de haine n’ont réuni qu’un millier de personnes à Beaucaire alors que des millions de Français manifestaient pour dire leur attachement à l’idéal de notre pays.

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J’étais de la manifestation d’Avignon.
Et ceux de ma génération ne se souviennent pas qu’un événement qui ne soit pas un match de Football ait réuni tant de monde dans la rue.
Des heures durant ils ont continué d’affluer.
Il y avait plus de Charlie que ce journal n’a compté de lecteurs.
Lorsque devant moi dans la foule une femme a crié « Arrête Charlie ! » je n’ai pas compris tout de suite qu’elle engueulait son fils.

Alors que je fermais la porte de chez moi et partais me joindre au rassemblement, j’avais encore en tête les mots de Willem qui affirmait « vomir sur ceux qui, subitement, disent être nos amis » .
Je me disais qu’il avait bien raison.
Moi-même j’ai eu parfois mes colères contre Charlie-Hebdo, et je ne me reconnais pas à priori le droit d’afficher « je suis Charlie » en parlant d’un journal que je n’ai pas acheté bien souvent.
Un peu plus tôt dans la journée j’ai appris que les représentants de tant de régimes que je vomis venaient se joindre à la manifestation Parisienne, et l’espace d’un instant, je me suis demandé si ceux qui appelaient à « refuser cette manifestation hypocrite » n’avaient pas un peu raison.

Ceux de Charlie Hebdo sont morts au nom du droit de faire rire, au nom du droit de désobéir, au nom du droit de parler librement, y compris pour dire des conneries parfois.
Était-ce vraiment leur rendre hommage que de se joindre à l’unanimisme de façade ?

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Et puis j’ai vu la foule.
Une foule nombreuse, diverse et enthousiaste.
Une foule au sein de laquelle l’opinion politique, l’origine sociale, la couleur de peau ou la croyance comptait moins que le désir de se dire Français et debout.
On s’est tenu la main.
On à pris des inconnus dans nos bras et chanté la Marseillaise.

Je pensais à la France une et indivisible alors que l’on scandait « Liberté égalité Fraternité ».
Je pensais à la France qui a aboli la peine de mort tandis qu’on rappelait les noms des victimes.
Je pensais à la France laïque, celle qui garantit à la fois la neutralité de l’état à l’égard des cultes et le libre exercice des croyances tandis que se succédaient les discours de représentants d’associations citoyennes et des représentants des musulmans et des juifs.
Je pensais à la France qui garantit la liberté d’expression tandis que se déroulait une banderole « Je suis Charlie ».

Après un jour comme aujourd’hui, je me dis que ceux qui parmi les idéologues islamistes ou d’extrême-droite qui souhaitent s’attaquer à ces valeurs sont encore loin du compte s’ils espèrent l’emporter.

Nous ne tomberons pas si facilement dans le piège qu’ils nous tendent.

Aujourd’hui j’ai de l’espoir.

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Dès demain, il faudra être vigilant.
Il faudra continuer à serrer les rangs face aux attaques contre la démocratie qui ne manqueront pas d’advenir.
Il faudra lutter contre ceux qui désigneront systématiquement des boucs-émissaires comme principe d’explication au moindre fait-divers.
Il faudra aussi s’interroger sur les raisons qui peuvent pousser des jeunes qui ont grandi en France -des jeunes qui devraient comme chacun à leur age rêver à leur avenir ou à changer le monde pour le rendre meilleur- à se lever un matin et souhaiter la mort d’un de leurs semblables, quand bien même a-t-il commis le crime de faire rire.
Il faudra encore se demander ce que nous pouvons faire, chacun pour vivre un peu plus harmonieusement les uns avec les autres.

Mais aujourd’hui, je vais simplement savourer le bonheur d’être Français.

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