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De la dangerosité appliquée à l’etre humain

Lu à l’instant chez europe 1 :
Le projet de loi « tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle » (…) a été adopté mercredi par la commission des lois de l’Assemblée nationale. Une version largement amendée par le gouvernement et par des députés.
Demandé par la Garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie, un amendement a été adopté pour développer, après la fin de la peine, la prise de médicaments antihormonaux, un traitement plus communément appelé « castration chimique ». Toute personne refusant de s’y soumettre ou l’interrompant, un fait qui devra être obligatoirement signalé par son médecin traitant, pourra être punie par un retour en prison. [source]
Je crois inutile de me lancer dès à présent dans un commentaire de ce texte sur le mode juridique. 
Il ne sera examiné en séance publique l’assemblée nationale qu’à partir du 17 novembre prochain, avant de passer par la case Sénat.
J’ai donc tout lieu de penser qu’il aura l’occasion de changer dans sa rédaction. 
A défaut de parler de la lettre, j’ai toutefois envie de vous écrire quelques mots sur ce que je pense de l’esprit de ce texte qui, à mon  sens, n’est qu’un nouvelle illustration du glissement dangereux dans lequel s’enferme notre droit pénal depuis quelques années. 
Cela fait bien longtemps que le droit pénal est utilisé en tant qu’instrument de protection de la société.
L’existence de peines privatives de liberté en est bien sùr l’illustration, il s’agit de punir autant que de prévenir la reitération de l’infraction.
Mais avec une mesure telle que la « castration chimique », on franchit incontestablement un pas.
Passons sur la question de l’efficacité de la mesure, elle est incertaine et  clairement mise en cause.
Passons encore sur le caratère juridiquement discutable de la mesure du point de vue du respect des droits fondamentaux, en ce qu’elle peut avoir de barabre.
Ce n’est pas simplement, mon avis ou celui de Monsieur Badinter ; c’est aussi celui du syndicat de la magistrature qui considère clairement que : 
La suggestion de Michèle Alliot-Marie pourrait prêter à la dérision si elle ne traduisait une conception caricaturale et abjecte du traitement de la délinquance sexuelle. La « réflexion » que propose d’engager le garde des Sceaux consiste rien moins qu’à évaluer l’opportunité de recourir à un traitement inhumain et dégradant dans une logique de « précaution ». [source]
Non. Parlons d’homme à homme… enfin ; d’un être humain à un autre. 
Que cherche t’on à faire avec ce genre de mesure ?
On ne nous parle plus de sanctionner, mais de prévenir le risque de reitération en se basant sur le critère d’une dangerosité supposée. 
Puis on  prétend pouvoir eradiquer cette dangerosité en supprimant les pulsions hormonales des criminels. 
[avouez que… sur le principe…]
J’ai envie de vous demander.
Etes vous de simples hormones ? 
Vos désirs qu’ils soient ou non sexuels, sont ils exclusivement chimiques ? 
Je ne crois pas. 
De meme, pensez-vous sérieusement qu’il soit légitime de porter physiquement atteitne  un individu à raison de ce qu’il pourrait faire ?
Sérieusement ?
Et ce n’est pas tout ; le projet de loi contient également :

« la création d’un nouveau fichier « destiné à faciliter et fiabiliser l’évaluation de la dangerosité d’une personne » [q ui] »à disposition des magistrats et des experts une base de données relative au passé et aux antécédents » de la personne concernée. [source]

Une fois encore, je crois fermement que le principe de précaution appliqué à la criminalité est un leurre.  
De même, je pense que la course à l’évaluation de la dangferosité d’un individu est un mirage. 
Car vouloir lister tous les individus qui présentent un risque pour autrui est une course sans fin.

Or, entrer ce jeu là, ce n’est certainement pas protéger la société.

Billets, politique, societé

Ou je fais rimer Couvre-Feu, Hortefeux et contre-feu

Si vous me lisez à l’occasion vous me savez probablement friand des trouvailles législatives de Brice Hortefeux. 
Car il faut lui reconnaitre une imagination incontestable à défaut de précision ou de pertinence à notre Ministre de l’Intérieur. 
Mais, il me semble que je vais trop vite en besogne. 
Car vous n’avez peut être pas encore entendu parler de la proposition de « couvre-feu à destination des mineurs délinquants » qui fait pourtant grand bruit. (et rire aussi)
Son raisonnement cultive l’apparente logique qui distingue les sophismes :
Lisez donc ; (les citations sont indifféremment tirées du Monde et du Figaro )
  • La  Majeure tout d’abord en forme d’incontestable lecture statistique :

  « La part des mineurs (dans la délinquance) a augmenté de près de 5% en un an, pour atteindre 18% », a assuré le ministre, en ajoutant que cette délinquance des mineurs était également  » de plus en plus violente, avec l’apparition d’armes blanches et d’armes létales ». Elle est par ailleurs « de plus en plus jeune et elle se féminise »,

  • La Mineure ensuite sur le ton du raccourci hâtif où la raison et toute notion de causalité se sont déjà perdues en route :

« est-il normal qu’un mineur de 12 ou 13 ans qui a déjà commis des délits puisse se promener tout seul, à la nuit tombée ? Cela alimente les bandes, la violence et les trafics de drogue ».

  • Ne reste plus qu’à Conclure

«Je suis de plus en plus partisan d’une mesure qui aurait le mérite de la simplicité, de la lisibilité et de l’efficacité: qu’un jeune de moins de 13 ans qui aurait déjà commis un acte de délinquance ait une interdiction de sortie nocturne s’il n’est pas accompagné»

L’effet est d’autant plus efficace que la mesure est en apparence frappée au sceau du bon sens populaire.
Car en fin de compte l’idée qu’un enfant de moins de treize ans doive être surveillé par ses parents à une heure tardive n’a -il me semble- rien d’un scandale.
Frédéric Lefevbre, à qui l’on peut toujours faire confiance pour en référer au dit « bon sens populaire » ne s’est d’ailleurs pas privé de déclarer que :

« Décider qu’un mineur de 12 ou 13 ans, déjà mis en cause dans une affaire de délinquance, soit protégé contre la mauvaise influence des voyous et interdit de sortir le soir, ce n’est que l’application de la simple logique » [source]

 Mais à bien y réfléchir, cela suffit-il pour justifier un couvre-feu ? 

Quand bien même ; à qui celui-ci pourrait-il précisément s’appliquer ? 
Et comment ? 
Brice Hortefeux, décidément en forme, a d’ores et déjà fourni des premiers éléments de réponse lorsqu’il a précisé que :

Si ce « couvre-feu » entrait en application, il s’agirait d’une mesure administrative, puisqu’il s’agirait de « permettre au préfet de décider de l’interdiction de sortie [du] mineur une fois la nuit tombée », a envisagé le ministre de l’intérieur. [source]

C’est à ce stade que le terreau fertile qu’est le cerveau bouillonnant de notre dynamique ministre se heurte au sol froid et dur de la réalité. 

Il ne s’agit pas de faire prononcer le couvre-feu par un juge lorsqu’il reconnait un mineur coupable d’une infraction, mais bien de faire décider, puis appliquer la mesure indépendamment de toute décision de justice par le préfet au titre de ses attributions en matière de police administrative, au nom de la prévention d’un trouble à l’ordre public. 

Faut-il entendre par là que l’on risque d’aboutir à des situations où des mineurs seront frappés par le couvre-feu avant toute condamnation, c’est à dire alors qu’ils sont encore présumés innocents ? 
Ce n’est pas impossible.
[Bouh ! Un autre enfant qui fait peur…]
Pour exemple, dans une autre matière qui relève de la police administrative (et puisque j’ai décidé de me mettre au droit des étrangers) je crois utile de vous préciser qu’en France « la plupart des arrêtés d’expulsion sont motivés par l’existence de condamnations pour infractions pénales graves 30 ou, avant toute condamnation, par la commission d’infractions pénales graves« , ce que le Conseil constitutionnel a validé : décis. n° 80-127 DC (cf. Le contrôle de la situation des étrangers sur le sol français par H. Vlamynck)

L’autre grande difficulté réside dans les conditions d’application.
Souhaite t’en vraiment que nos enfants s’habituent à subir dès leur plus jeune age des contrôles d’identité sitôt la nuit tombée ?

Veut-on les « ficher » pour distinguer une fois pour toute ceux d’entre eux que l’on suppose « dangereux » ?

Les obstacles sont tels que nombre de voix s’élèvent pour mettre en doute la possibilité même de faire appliquer pareille mesure.

Après le fameux débat sur l’identité nationale qui ne trompe personne, en france comme à l’étranger en ce qu’il relève uniquement de la posture destinée à recentrer l’électorat de droite après des semaines de scandales, la proposition de Brice Hortefeux nous offre une fois encore un contre-feu efficace, rien de plus. 

Une fois encore, il s’agit avant tout de polariser l’opinion avec  une mesure incantatoire pour en « serrer les rangs ».

Je ne vais pas m’en plaindre ; une droite qui s’assume c’est bon pour le débat démocratique. 

C’est toujours ca de pris.
Billets, politique, societé

Dictature de l’émotion

[remarque liminaire ; ce qui va suivre est un billet à troll]

Ce matin je ne pensais pas à devenir président de la République en me rasant.
Non, mais par un bizarre enchainement d’idée la voix d’un certain Procureur de la République m’est revenue en mémoire, avec le même force que lorsqu’il a prononcé cette phrase qui m’a mis hors de moi il y a déjà un an : 

« Une femme est morte, cela veut forcément dire qu’une faute a été commise, que quelqu’un est responsable » 

Je n’ai pas eu à attendre la relaxe des prévenus intervenue quelques jours plus tard pour saisir le non-sens que représente pareille affirmation. 
On ne peut pas se contenter de partir d’un résultat pour prétendre en expliquer la cause. 

C’est un non-sens logique ou pire ; une malhonnêteté intellectuelle.
Pourtant, c’est aussi une erreur humaine, presque instinctive que de céder à l’émotion qu’inspire la victime pour réclamer un « juste châtiment ». 
Prenez mon ami pinkbOnO ce matin, 
il était indigné d’apprendre, par la Plume de France Info  que, des trois policiers renvoyés devant le Tribunal Correctionnel à la suite du tabassage en règle à coups de poing et de pied  du jeune Fouad au sortir de sa garde à vue  : 
  • Deux ont été reconnus coupables de « violence aggravée » et le dernier pour « faux en écriture ».
  • Tous ont été condamnés à de la simple prison avec sursis. Et dans le cas des deux premiers, d’une interdiction d’exercer leur fonction pendant un an. 
Notez que sur le fond je suis d’accord avec sa position pleine de bon sens ; 
Mais je crois toutefois nécessaire de nuancer, ne serait-ce que parce que ca me dérange que la justice soit sans cesse taxée de laxisme ; 
Puis, il enchaine avec ca  
Et là, sans que cela entache le moins du monde le plaisir que j’ai à débattre avec lui, je ne suis plus d’accord.

S’agissant des violences, bien sùr,  le droit pénal distingue la faute en fonction du résultat obtenu.
Dans le cas qui nous occupe, si les violences avaient entrainé « une mutilation ou une infirmité permanente » le chef de prévention (i. e. le délit) aurait été différent, de même que la peine encourue.
La loi prévoit également, une circonstance aggravante dans le cas ou la violence a été commise par une personne dépositaire de l’autorité, comme en l’espèce. 
Pour autant, on ne doit jamais oublier cette notion fondamentale qu’est l‘indiividualisation de la peine : on ne juge pas des « faits bruts » mais un individu, qui n’est pas réductible à quelques instants de sa vie.
Dans l’affaire des policiers, seule cette notion, peut expliquer l’apparente « clémence » dont à fait preuve le tribunal.



Vous me direz peut etre que ce joli principe est bien difficile à accepter pour les victimes.

Je vous répondrai alors que ce n’est pas si important. (oui, je vais me faire des amis)

La sanction pénale a vocation à punir l’auteur d’une faute, pas à servir d’exutoire à la victime dont le préjudice.

On ne le rappellera jamais assez, les dommages et interets, condamnations civiles ont seules vocation à réparer le dommage, là où la sanction pénale vise à sanctionner la faute tout en protegeant la société.

C’est précisément la raison pour laquelle, partir de la victime pour évaluer la sanction est une erreur. 
Car bien souvent, s’il fallait satisfaire la victime, et rendre coup pour coup l’auteur n’en finirait plus de payer. 


De meme qu’un individu n’est pas réductible à un seul de ses actes la justice ne peut pas être une dictature de l’émotion. 


A ce sujet… filez voir ce qu’on nous prépare pour nous « protéger »

On en reparle très vite.