Billets, societé

Un Malaise Politique

IL est sorti du Val de Grace. 

Pas besoin de vous préciser de qui il s’agit, depuis un peu plus de vingt quatre heures blogueurs et médias ne cessent de marteler la moindre non information qui filtre au sujet du récent malaise de Nicolas Sarkozy. 
L’espace de quelques heures on pourrait presque en oublier la disparition de Michael Jackson, si les radios et télés musicales et les marchands du temple ne bruissaient de sa voix libérée, comme si la mort avait soudain levé cette hypothèque que les moeurs de la star avaient fait peser sur sa gloire 
C’est dire si l’évènement est d’importance…

On le dit même dans le Monde par la bouche d’un chercheur du CNRS, rien que ça…

Le banal malaise du président a déclenché une véritable épidémie de commentaires. Comme si la France entière se retrouvait au chevet du président… 

L’intérêt que suscite cette nouvelle n’a d’ailleurs rien pour surprendre. 

Depuis l’aube de la cinquième République les Français ont accordé à leur Président une stature de Monarque.
Et cela Nicolas Sarkozy l’a bien compris lui qui ne cesse de mettre en scène son quinquennat.    
Depuis son Coucher avec Carla jusqu’à son lever du  lit d’hôpital les Français suivent leur Président qu’ils le soutiennent ou non. 

Sans plus de surprise on constate donc que l’habituel phénomène de « cristallisation » qui frappe tout ce qu’approche Nicolas Sarkozy se faiour une fois de plus ; les uns se répandant en de sirupeux voeux de rétablissement tandis que d’autres sourient, rêveurs, à la pensée que  « c’est peut être plus grave q’on ne nous le dit »…
Accordons toutefois à ces derniers que les « précédents » n’étaient pas de francs exemples de transparence…
D’autant que déjà l’évènement tend à devenir une ostensible manoeuvre de communication, elle même teintée de quelques couacs, pour sûr. 
Je pense à ce propos que cette sublime phrase de Patrick Balkany me fera rire pendant des jours encore : 

«Ces derniers temps, […] il était particulièrement affûté et il ressemblait plus à un coureur du Tour de France qu’à un président »

Il faut croire qu’on a les amis qu’on mérite…


Rien de neuf donc ? Ne s’est-il vraiment rien passé ? 
Moi, au delà de cette médiatisation j’ai envie de me demander s’il ne s’est pas produit quelque évènement qui dépasse les simples volontés médiatiques et politiques.

Car au delà de l’interprétation que l’on peut lui donner il y a l’évènement lui-même, aussi vif et brutal que peut l’être un malaise. 
Somme toute, s’agissant d’un homme qui a bâti son image politique sur une énergie volontariste qui transpire une relative violence il y a de quoi s’interroger au sujet de l’avenir. 

Quel impact ce rappel à l’ordre aura t’il sur l’image de Nicolas Sarkozy, celle qu’il s’est construite, celle qu’il veut laisser paraitre. 

Puis-je affirmer que ce sera le cas ? 
Il me semble que oui. 
L’intention affichée de Nicolas Sarkozy de prendre quelques jours repos au lieu de se répandre en cette démonstration de « pleine possession de ses moyens » à laquelle on pouvait s’attendre est déjà un indice en ce sens. 

Le Président compte t’il faire évoluer son image ? Doit il le faire ? 
Probablement… 
Après le fantasme du dynamisme dans un corps d’airain, ciselé aussi bien à la course à pied  qu’au cyclisme il est peut être temps de laisser la place à un quiquagénaire plus humain. 

Voilà qui serait un angle intéressant afin d’apparaitre comme un homme nouveau lors de cette présidentielle qui n’aura lieu que dans un peu plus de deux ans. 

C’était mon quart d’heure politique fiction à tendance divinatoire.
Laissons reposer tout cela pour aujourd’hui, quoi qu’il en soit les semaines à venir risquent d’être interessantes à observer. 
Car, que l’on apprécie où pas Nicolas Sarkozy, il faut bien reconnaitre qu’en cette période estivale il est bien le seul à se dévouer pour faire l’actualité. 
brèves, societé

Toi aussi travaille gratuitement

Lu à l’instant dans le Monde :
British Airways, qui a fait état le mois dernier d’une perte annuelle record, a annoncé mardi avoir demandé à ses salariés de travailler gratuitement. La compagnie aérienne bataille pour sa « survie » dans des conditions de marché difficiles. Cet appel aux employés de la compagnie en Grande-Bretagne leur demande de se porter volontaires pour une période allant d’une semaine à un mois de congé sans solde ou de travail non payé. [source]
Cette brève, qui est aussi un signe des temps m’inspire tout à la fois une observation et une réflexion. 

Tout d’abord j’observe qu’il ne s’agit pas d’une première.
D’autres sociétés déjà avaient proposé, voire même imposé à leurs salariés de renoncer à des droits acquis au nom de l’intérêt supérieur de l’entreprise. 

En décembre 2007 par exemple, Continental avait fait voter, puis adopter une motion par ses salariés afin d’augmenter la productivité des ses usines :
Oui au passage aux 40 heures. Les trois quarts des 1 300 salariés de l’usine de pneumatiques Continental à Sarreguemines (Moselle) se sont prononcés en faveur d’une augmentation du temps de travail, accompagnée d’une revalorisation de leur rémunération. Un plébiscite que François Gérard, le directeur de l’usine, explique par la volonté des salariés « de préserver un bon emploi et un salaire attractif » (en moyenne 30 000 euros bruts par an pour un ouvrier, avec un intéressement équivalent à 0,6 à 0,8 mois de salaire). [source]
Continental.
Oui cette même société qui, après avoir fait repasser son usine de Clairoix aux 39 heures, projette à présent de la fermer dans la cacophonie que l’on sait…


Ce qui choque bien sûr c’est le sacrifice demandé au salarié sans qu’aucune contrepartie ne lui soit offerte. 

Le marché qui lui est proposé par l’entreprise en échange d’une renonciation à ses droits est nécessairement aléatoire puisque l’entreprise ne peut par hypothèse l’assurer de sa situation financière future.

Qu’il s’agisse demander au salarié d’augmenter sa charge de travail ou de renoncer à tout ou partie de sa rémunération il s’agit toujours d’un pari sur le futur de la société. 
En d’autres terme, s’il accepte le salarié investit dans sa propre société, dans l’espoir d’un retour sur investissement qui est la sauvegarde de son emploi. 

La voilà ma réflexion.
Il me semble, humblement, discerner dans ce phénomène un mélange des genres malsain à l’occasion duquel un salarié se voit proposer d’assumer le rôle qui est par nature celui de l’associé (qu’il soit ou non un actionnaire).

La différence entre eux n’est pas mince pourtant ;
  • puisque le premier,  outre sa situation de dépendance économique par rapport à son employeur, est avant tout  lié à celui-ci par un lien de subordination  (c’est la définition même du contrat de travail).
  • là où l’associé dispose d’un pouvoir de contrôle sur la société à hauteur du nombre de ses parts
Si l’on considère légitime qu’un chef d’entreprise aussi bien que les associés d’une société bénéficient de rémunérations importantes pour la simple raison qu’ils prennent le risque  d’investir dans celle-ci, il me parait tout aussi légitime de récompenser les salariés qui choisissent d’assumer leur part dans cette prise de risque, et -pourquoi pas- de les associer à la prise de décisions.

Voilà qui permettrait de sortir de cette impression vivace et pas forcément fausse que dans certaines entreprises les salariés servent de simple variable d’ajustement à des fins comptables. 

Vous me trouvez utopiste ? 
Peut être… 
Pas encore totalement cynique en tous cas.
justice, societé

La télé réalité est un emploi qui a de l’avenir

Jusqu’à hier les parents dont la fille scandait :
« Papa quand ch’rais grande j’veux faire de la  télé-réalité »
avaient encore le loisir de répondre
« Mais enfin ma chérie la Télé-réalité ce n’est pas un métier ».

Seulement, la chambre sociale de la cour de cassation, soit la plus haute autorité judiciaire française en matière de droit du travail, n’est pas du tout de cet avis. 


En décembre dernier je vous parlais chez l’ami PinkbOnO de cette bataille judiciaire qui oppose depuis quelques mois d’anciens candidats de télé-réalité aux producteurs de ces programmes. 

Le débat est à la fois simple et passionnant. 
Il s’agit de déterminer si le contrat qui lie les participants aux émissions de télé-réalité est ou non un contrat de travail. 
Les Conseils de Prud’Hommes et les Cours d’Appel avaient jusqu’à présent systématiquement donné raison au candidats.

Manquait cependant un arrêt de la Cour de Cassation, cette juridiction dont le rôle est précisément de trancher des questions de pur droit. 

C’est chose faite avec l’Arrêt n° 1159 du 3 juin 2009 rendu par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation qui statuait sur des pourvois exercé à l’encontre de l’arrêt précédemment rendu le 12.02.2008 par la Cour d’Appel de Paris. (sur lequel je fondais mon précédent article
 
Des pourvois ? 
Oui. Car chacune des parties avait décidé d’attaquer la décision de la Cour d’Appel. 
La société Glem la contestait en ce qu’elle avait requalifié le « règlements de participants » conclu entre cette société et les candidats en contrat de travail. 
Ces derniers demandaient quant à eux à l’appui d’un « pourvoi incident » une « cassation partielle » de l’arrêt au motif que celui-ci les avait déboutés de leur demande d’indemnité de préavis.
S’ensuit donc une décision complexe qui mérite quelques commentaires.  

1- Les candidats de télé-réalité sont des salariés
Pas de faux suspense, la Cour de Cassation a confirmé ce sur quoi la plupart des juristes s’accordaient : le candidat de télé-réalité est un salarié

La motivation est d’ailleurs difficilement contestable. 
Tout d’abord la Cour rappelle que 
 l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs »

A ce stade, la messe est déjà presque dite, il ne lui reste plus qu’à constater que la Cour d’Appel a vérifié que les faits de l’espèce correspondent à cette définition, ce qui est indiscutable :  

ayant constaté que les participants avaient l’obligation de prendre part aux différentes activités et réunions, qu’ils devaient suivre les règles du programme définies unilatéralement par le producteur, qu’ils étaient orientés dans l’analyse de leur conduite, que certaines scènes étaient répétées pour valoriser des moments essentiels, que les heures de réveil et de sommeil étaient fixées par la production, que le règlement leur imposait une disponibilité permanente, avec interdiction de sortir du site et de communiquer avec l’extérieur, et stipulait que toute infraction aux obligations contractuelles pourrait être sanctionnée par le renvoi, la cour d’appel, (…) a caractérisé l’existence d’une prestation de travail exécutée sous la subordination de la société Glem, et ayant pour objet la production d’une « série télévisée », prestation consistant pour les participants, pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement habituel de leur vie personnelle, à prendre part à des activités imposées et à exprimer des réactions attendues, ce qui la distingue du seul enregistrement de leur vie quotidienne, et qui a souverainement retenu que le versement de la somme de 1 525 euros avait pour cause le travail exécuté, a pu en déduire, (…) que les participants étaient liés par un contrat de travail à la société de production.
Cette décision risque fort d’avoir un lourd impact sur le processus de fabrication des futurs programmes. 
[Selon le président de Tf1 production] « Il faudra, à l’avenir, appliquer les seuils d’horaire maximum par semaine, le repos hebdomadaire, les heures supplémentaires, etc., reconnaît Édouard Boccon-Gibod. À nous de faire preuve d’imagination. » De fait, la télé-réalité d’enfermement, qui exige une disponibilité permanente des candidats, devient impossible à réaliser… Loft Story , Pékin Express ou La ferme célébrités (qui devrait faire son retour sur TF1) deviennent des programmes nettement plus compliqués à produire. [Le point]
Chers parents, je suis donc infiniment désolé, « participant de télé-réalité » c’est bien un métier
Mais ne désespérez pas. 
La Cour de Cassation ne vous laisse pas sans arguments. 


2- La télé-réalité n’est pas morte  
Peu importe en réalité que les candidats de télé-réalité soient des salariés.
Parce que selon la Cour de cassation ledit travail ne rapporte pas grand chose.
Tout d’abord parce que la haute juridiction a confirmé l’arrêt de la Cour d’Appel en ce qu’elle avait débouté les candidats de leur demande d’indemnité de préavis :
« qu’ayant constaté que les participants ne démontraient pas l’existence d’un délai-congé d’usage dans le secteur de la production audiovisuelle après exécution d’un contrat de travail pendant quatorze jours, la cour d’appel a justifié sa décision rejetant la demande d’indemnité de préavis ; que le moyen n’est pas fondé »
Mais surtout parce que la Cour de Cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’Appel en ce qu’il a appliqué aux contrats litigieux le régime du « travail dissimulé »
Elle a ainsi considéré :
« Qu’en statuant ainsi, alors que le caractère intentionnel ne peut se déduire du seul recours à un contrat inapproprié, la cour d’appel a statué par un motif inopérant équivalent à un défaut de motif »
Ces trois lignes sibyllines ne sont pas sans conséquence puisqu’elles vont contraindre les candidats à rembourser la majeure partie des indemnités dont le versement avait été ordonné par la Cour d’Appel.
[Oui, ca risque de faire mal…]
 


3- Une ultime incertitude
En somme, la bataille se termine sur un match nul. 
Mais la guerre pourrait bien se poursuivre. 
En effet, selon le journal le Point le CSA avait prévenu les chaines de télévision de la probable requalification en contrat de travail des « règlements de participants »
Dès 2005, les sages disposaient, en effet, d’une étude du professeur de droit Philippe Stoffel-Munck, spécialiste du droit des contrats. Cet éminent juriste indiquait au CSA que le droit du travail devait s’appliquer à la télé-réalité. Les sages du CSA se sont contentés de transmettre cette consultation aux chaînes de télévision. [source]
Si l’information est exacte voila qui pourrait motiver les juridictions à considérer que les chaines de télévision ont intentionnellement eu recours au travail dissimulé.
C’est probablement sur ce mode que seront formulées les demandes des ex-candidats à l’occasion des 4 procédures qui, selon le même article, seraient  pendantes devant le Conseil des Prud’hommes de Boulogne.
Voila qui promet d’être saignant…