Le train fantome
Puis c’est la lumière qui s’estompe, lentement, durement et je suis saisi de l’idée absurde que le train ne va jamais s’arrêter.
Je me lève vivement et fais quelques pas dans le wagon à la recherche du contrôleur, pris du besoin irraisonné de savoir à quelle heure ce fichu train est censé arriver.
Point de contrôleur. Je fais demi-tour. Puis demi-tour encore. Je relève ma manche et constate que ma montre n’est pas à mon poignet. Les mains collées au visage je m’adosse un instant à la vitre qui me renvoie mes seuls reflets.
Alors je retourne m’asseoir, le front plissé.
Des points blancs dansent devant mes yeux, je suis livide, glacé, désorienté et bien trop fatigué pour pouvoir me calmer.
Fanée
Elle a un entretien d’embauche demain, pour un poste de secrétaire. Mais elle m’assure qu’elle refusera, qu’elle vaut mieux que ca.
Je pense un instant à ma secrétaire, vivante, souriante, avant d’esquisser un sourire gêné.
Je me sens désarmé, inutile, étranger. Elle et moi sommes d’une espèce différente et chaque chose que je pourrais lui-dire ne fera que ricocher comme une pierre lancée contre la porte d’un coffre fort.
Mais cela n’a pas d’importance. Déjà je sais les heures et le contenu de ses séances de stretching, l’adresse de son HLM, le vide qui est son quotidien.
Dulcinée fend la foule et arrive à ma hauteur. Elle prend ma main et me fait signe qu’elle est enfin prête à partir
Je tourne la tête pour la saluer mais l’inconnue s’est déjà avancée jusqu’à la file du Barbecue.
Je pense à lui lancer un au revoir à la volée.
Mais non, même cela n’aurait pas grand sens.