Billets, justice

Bienfaiteur du juge et partie

Il est en colère Villepin. Et cette fois il a raison.

Car les circonstances dans lesquelles a été rendue l’ordonnance qui l’a renvoyé devant le tribunal correctionnel pour « complicité de dénonciation calomnieuse, complicité d’usage de faux, recel de vol et recel d’abus de confiance’, sont suffisamment scandaleuses pour susciter un émoi légitime.

C’est par la voix de son conseil Maitre Yves Richard dont les propos sont rapportés par le Point que l’ancien Premier Ministre a fait connaitre son sentiment.

Nommé à Montpellier, le juge Pons devait prendre ses fonctions le 3 novembre, ce qui lui aurait interdit de signer l’ordonnance Clearstream. Il a bénéficié d’une rallonge dans ses fonctions stipulée par un décret présidentiel jusqu’au 20 novembre. « Ce détournement de pouvoir a influé sur le déroulement de la procédure et sur le règlement de l’instruction. Il apparaît d’autant plus éclatant lorsque l’on observe le comportement du président de la République dans l’affaire en cause. M. Sarkozy, s’estimant visé par la dénonciation calomnieuse (…), a clairement laissé apparaître qu’il utiliserait tous les moyens mis à disposition pour obtenir satisfaction », écrit Me Richard en citant certaines interventions du chef de l’État rapportées par la presse.

Les affirmations de Maitre Richard sont aisément vérifiables puisque les décrets de nomination des magistrats sont publiés au journal officiel et à ce titre consultable par tout intéressé sur le site officiel légifrance.

Vérification faite, il apparait effectivement que le juge Henri Pons, le vice-président chargé de l’instruction au tribunal de grande instance de Paris, avait été nommé compter du 3 novembre 2008, président de chambre à la Cour d’Appel de Paris. suivant décret du président de la République en date du 27.08.2008.

Or ce décret a été modifié suivant décret du président de la République en date du 31.10.2008 libellé ainsi qu’il suit :

« Par décret du Président de la République en date du 31 octobre 2008, vu l’avis du Conseil supérieur de la magistrature du 16 juillet 2008, les dispositions du décret du 27 août 2008 portant nomination de magistrats sont modifiées ainsi qu’il suit :
En ce qui concerne la cour d’appel de Montpellier, les mots : « A compter du 3 novembre 2008, M. Henri Pons, vice-président chargé de l’instruction au tribunal de grande instance de Paris. » sont remplacés par les mots : « A compter du 20 novembre 2008, M. Henri Pons, vice-président chargé de l’instruction au tribunal de grande instance de Paris. » ».

Il ne m’appartient pas de remettre en question l’impartialité et la probité du juge Henri Pons.
Je ne vois pas plus de raison de remettre en question les raisons pour lesquelles ce magistrat s’est vu gratifier d’un avancement.

Pourtant il émane de cette affaire un climat détestable dont le chef de l’Etat est la seule est unique cause. 
Car dans l’affaire « Clearstream » Nicolas Sarkozy qui est aussi partie civile cumule deux casquettes pourtant difficilement conciliables.

Certes les magistrats qui sont jaloux de leur indépendance ont récemment prouvé qu’ils n’hésiteraient pas à dire le droit qu’il soit où non conforme à l’opinion du chef de l’Etat.

Mais il est  évident que la présence de Nicolas Sarkozy dans le cadre d’une instance, qu’elle soit civile ou pénale, a quelque chose de dérangeant en l’etat de l’immunité dont il bénéficie en tant que président de la République.

Comment d’ailleurs écarter des soupçons de pression de l’Élysée sur les juges d’instruction alors qu’ils ont, à la surprise générale choisi dans l’ordonnance de renvoi d’aller au delà des réquisitions du procureur de la République ? 

D’un point de vue plus juridique, cette situation la situation est d’autant plus insupportable qu’elle bafoue les principes directeurs du procès et plus particulièrement à l’article 6-1 de la convention Européenne de sauvegarde des droits de l’homme  qui fonde le principe de « l’Egalité des armes ». 
Dans ces conditions, on comprend aisément que Dominique de Villepin ait cru devoir déposer hier devant le conseil d’Etat un recours contre le décret du 30.10.2008
 
La manœuvre est audacieuse puisque si la haute juridiction administrative lui donnait raison, tous les actes d’instruction effectués par le juge Pons entre le 3 et le 20.11.2008 dont l’ordonnance de renvoi seraient de facto frappés de nullité. 

Au delà de ces considérations cette affaire met en lumière la nécessite d’une clarification du statut du chef de l’Etat que l’opiniâtreté de Nicolas Sarkozy à saisir la justice à tout bout de champ rend chaque jour plus urgente. 
 
Ne serait-il pas plus raisonnable dans le simple but de garantir le droit au procès équitable d’assortir l’immunité de juridiction dont bénéficie le président de la République d’une interdiction pour lui de saisir la justice ? 

A défaut de ce faire ou d’une attitude plus raisonnée de Nicolas Sarkozy et ses successeurs le risque est grand que la France finisse par ressembler (à tord ou à raison) à une république bananière.

brèves, justice

Jorge Montes retourne en prison (rime avec j’avais raison)

Vous n’avez pas pu passer totalement au travers de l’ouragan médiatique qu’avait déclenché la libération involontaire de Jorge Montès, ce mis en examen dans une affaire de viol. 
Parce qu’un ouragan ce n’est pas très cohérent je m’étais fendu il y a quelques jours d’un long billet d’explication.
Saisie d’une requête en rectification d’erreur matérielle  à la diligence du parquet la chambre de l’instruction de la Cour d’Appel de Paris a rendu son arrêt comme nous l’apprend le nouvel obs.
Elle a ainsi ordonné la rectification de l’erreur matérielle contenue dans sa décision de sorte que Jorge Montès doit retourner en détention.  
Cette solution est cohérente d’un point de vue logique, c’était aussi la plus probable (ce que je vous écrivais à l’époque) mais elle n’étais cependant pas évidente d’un strict point de vue juridique. 
En effet, selon la jurisprudence constante de la cour de cassation la rectification d’une erreur matérielle contenue dans une décision ne peut aboutir à changer le fond du droit, c’est à dire le sens de la décision. 
Devant l’évidence de l’erreur, la Cour d’Appel a choisi de rectifier, mais elle s’expose cependant à ce que la cour de cassation annule éventuellement son arrêt.


L’avocat de Jorge Montès a d’ailleurs d’ores et déjà saisie la cour de cassation d’un pourvoi. 
L’arrêt que ne manquera pas de rendre cette juridiction dans cet affaire risque d’ailleurs d’être intéressant… mais ce n’est pas pour tout de suite…


Dans l’attente, Jorge Montès va certes retourner en prison, mais cette décision, il est important de le rappeler n’emporte pas déclaration de culpabilité. Au moment où j’écris ces lignes celui-ci est encore présumé innocent. 
brèves, grumph, justice

Lus dans le Monde : quelques mots de Jean Michel Darrois

Si vous me lisez à l’occasion vous avez peut etre déja eu l’occasion d’entendre parler de la commission Darrois qui planche actuellement sur un projet de réforme de la profession d’avocat.
Dans le monde daté du  30.10.2008 figure en page 17 (si loin) ce bref article que je vous livre tel quel.

 

« Nous sommes face à des gens qui sont divisés entre professions, mais aussi à l’intérieur des professions  Il s’agit de supprimer les rentes de situation qui ne se justifient plus sans mettre le bazar ! »

Des rentes de situation… 
Il y a une violence dans ces popos qui explique à elle seule l’inquiètude qui est celle de l’immense majorité des avocats depuis maintenant plusierus mois. 
Une vilence déja exercé à l’encontre des avoués, profession bientot défunte, liquidée dans une quasi indifférence. Une violence qui caractèrise d’ailleurs bien la manière de gouverner de notre executif…