Billets, coup de gueule, justice

La chasse est ouverte

Depuis que la chasse au juge d’instruction est ouverte tous les coups sont permis.
Rachida Dati, qui n’a d’ailleurs jamais craint de déplaire au monde judiciaire l’a bien compris de sorte qu’elle n’a pas hésité à faire nouveau coup d’éclat avant que de quitter le gouvernement. 
Par chance, il se trouve justement un juge à portée de carabine. 
Il s’agit du juge Burgaud, dont le nom est devenu les symbole de la débâcle du procès « Outreau ». 
Alors que celui-ci doit prochainement être auditionné par le Conseil Supérieur de la magistrature dans le cadre d’une procédure disciplinaire la chancellerie a pris soin de faire parvenir à ce dernier une « Note » dont le Monde publie aujourd’hui des extraits.

Pour la directrice des services judiciaires, Dominique Lottin, qui a rédigé la note, il ne faut pas parler d’« insuffisances professionnelles », mais d’« une accumulation de manquements dont la répétition tout au long de la procédure démontre le caractère systématique voire volontaire ». Le comportement de Fabrice Burgaud a été « délibéré » et ne peut « être attribué à l’inexpérience d’un jeune magistrat ». Pis : « Ces pratiques ont compromis, pour les autres magistrats qui sont intervenus dans la procédure judiciaire, à la fois le contrôle d’un dossier rendu confus par manque de rigueur et la remise en question d’éléments présentés de façon péremptoire, par manque d’impartialité. » 

Toujours selon cette note,
La chancellerie estime que le juge Burgaud ne peut être amnistié car son comportement a donné de  son comportement a donné de « l’institution judiciaire une image dégradée qui ne pouvait qu’affaiblir la confiance des justiciables dans l’impartialité qu’ils sont en droit d’exiger de leur juge. » [source]
J’occulte d’emblée toute critique du procédé qui consiste pour un membre du gouvernement à envoyer une note à un juge afin de lui expliquer comment il doit trancher. 
Depuis la réforme du CSM, on sait que la séparation des pouvoirs a pris un peu plus de plomb dans l’aile dès lors que cette institution sert aussi désormais à « placer » des amis.


Non. Ce que je trouve stupéfiant dans cette note c’est cette phrase qui sonne comme une exécution.
« Ces pratiques ont compromis, pour les autres magistrats qui sont intervenus dans la procédure judiciaire, à la fois le contrôle d’un dossier rendu confus par manque de rigueur et la remise en question d’éléments présentés de façon péremptoire, par manque d’impartialité »
C’est dit, tout est de sa faute.
Peu importe que d’autres magistrats aient fait des erreurs dans ce dossier, il n’avait qu’à mieux le monter.
Au diable le Procureur de la République qui a saisi le juge Burgaud de cette affaire (un juge ne saisit jamais lui-même) quand bien même ses erreurs seraient antérieures à celles du juge Burgaud.
Ne tenons pas compte non plus des réquisitions du même Procureur de la République qui ont été rendues avant que le juge Burgaud ne rende son ordonnance de Réglement, si le dossier avait été mieux préparé il ne se serait pas trompé.
Et ne parlons pas, surtout, des décisions rendues par la chambre de l’instruction dans cette affaire, elle ne pouvait que se tromper puisque le dossier était « confus ».
Quant à la cour d’assises de Saint Omer peut importe qu’elle ait condamné des innocents, elle ne saurait non plus avoir la moindre part de responsabilité puisque le juge Burgaud était passé avant elle… 
 
Ça me rassure un peu.
Parce qu’au moment où l’on annonce la fin du juge d’instruction, c’est à dire une rupture historique avec la tradition judiciaire Française, j’ai cru qu’il allait falloir se poser des questions importantes. 
J’ai cru qu’il allait falloir se demander comment rendre réellement efficace le contrôle  des actes de l’instruction alors que les chambres de l’instruction (qui connaissent en appel des décisions rendues par le juge d’instruction et sont habituellement surnommées les « chambres de l’homologation » par les pénalistes avertis…) vont voir leurs attributions transférées à un nouveau « juge de l’instruction ».
J’ai cru qu’on devrait aussi se poser une fois pour toutes la question de la pertinence du recours à un jury populaire en Cour d’Assises.
Pensez donc, nos affaires les plus simples sont jugées par des professionnels alors que les plus complexes sont tranchées par des profanes…
J’ai enfin pensé qu’il allait enfin être nécessaire de s’interroger au sujet de la pertinence du recours si fréquent à la détention provisoire  (c’est à dire avant que la personne  ait été jugée) alors qu’elle n’est pas toujours absolument indispensable.
 
Mais heureusement ce ne sera pas nécessaire puisque tout est de la faute du juge Burgaud. 
D’un coup, je suis soulagé.

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