Billets

La nature a horreur du vide politique [meme à gauche]

En politique comme ailleurs la nature a horreur du vide. 
 
C’est cet adage que semblent avoir en tête toutes les factions de gauche
Le parti socialiste tout d’abord a choisi de réinvestir le terrain politique après des mois de conflit dont il n’est pas sorti indemne. 
Aujourd’hui, son image est écornée, il apparait au yeux de beaucoup comme une caricature de parti de gouvernement. Un parti entièrement dévoué à des ambitions personnelles mais bien peu au service de l’ensemble des Français.
Dans la bataille c’est tout une part de sa crédibilité qu’il a perdue, et avec elle un peu de sa capacité à incarner la possibilité d’une alternance.

Le contre plan de relance voté par le bureau national du PS le 21.01 dernier avait précisément pour objectif de rompre avec cette situation. 

En agissant en quelque sorte en cabinet fantôme l’instance dirigeante du PS cherchait à se montrer à nouveau sous le jour d’un parti prêt à gouverner.
Cette stratégie est à mon sens la seule qui vaille si ce parti doit un jour reconquérir le pouvoir, mais elle suppose d’être suivie sur le long terme.
Or le jour même de l’adoption de ce contre-plan, la voix dissonante des « Royalistes » se faisait déjà entendre :
François Rebsamen, sénateur-maire PS de Dijon et partisan de Mme Royal, a estimé que ce document, « condamné malheureusement à rester virtuel », ne présentait « aucune grande idée novatrice », et a proposé un « pacte d’union » Etat-collectivités locales. « Devant l’ampleur de la crise et les difficultés que vivent et que vont vivre les Français, on peut s’interroger sur l’opportunité d’élaborer » un tel « contre-plan » [source]
Indépendamment de toute considération sur le fond du problème, la persistance manifeste des divisions au sein de ce parti ne servent que les  ambitions des éventuels « présidentiables » et rendent pour l’instant inefficace toute action politique même
La tentation est grande dans ces conditions pour de nombreux intervenants de tenter de dépasser le PS par la gauche. 
Et force est de constater qu’ils se mettent tous en ordre de marche, principalement olivier Besancenot dont le nouveau parti prendra officiellement naissance cette semaine :

Sous l’impulsion de son porte-parole, Olivier Besancenot, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) va donner naissance, les 6, 7 et 8 février, au Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA). Un parti que ses dirigeants veulent sortir de la marginalité, hisser à la hauteur de la popularité de leur leader, et dont ils entendent transformer l’image. Les militants sont au rendez-vous du changement : près de 9 000 d’entre eux ont fait savoir qu’ils adhéraient à cette métamorphose en prenant la carte de ce nouveau parti d’extrême gauche. [source]

Si le NPA semble né sous des auspices favorables, fort de militants enthousiastes et d’un à priori favorable chez les sympathisants de gauche il lui appartient de prendre position sur le fond à bref délai, et pas seulement dans la perspective des élections européennes.
Entend-il s’imposer comme une LCR « liftée » et persister en tant que parti d’opposition symbole d’un idéal ? Entend-il devenir un réel parti de gouvernement et prendre en cela la place laissée vacante par un PCF vieillissant ?

D’évidence la question n’est pas totalement réglée.

Il suffit d’ailleurs pour s’en convaincre de regarder le jeu d’alliance qui se dessine sous l’impulsion de jean Luc Mélenchon et son tout aussi jeune Parti de Gauche dont le congrès fondateur s’est déroulé ce week-end.
A peine formé, celui-ci est déjà rallié par le parti communiste et tente de former un « front de gauche » avec le NPA.

Alors que le PG est déjà allié aux communistes, Jean-Luc Mélenchon a lancé un nouvel appel au NPA ce dimanche: «Camarades, nous vous tendons la main sans conditions, sans préalable, ne la rejetez pas!», a-t-il lancé, en clôture du congrès qui a réuni 600 délégués à Limeil-Brévannes (Val-de-Marne). [source]

Favorablement placée dans les sondages une telle union pourrait potentiellement phagocyter les voix du Parti socialiste.

Ce scénario est souhaité par de nombreux sympathisants de droite, puisqu’il signifierait un émiettement durable des voix de gauche entre le « front de gauche », le parti socialiste et le Modem, dont les valeurs humaniste ont déjà prouvé qu’elles pouvaient séduire au centre gauche.

En d’autres termes, ce qu’ils espèrent c’est que l’extrême gauche dont la vocation première est de contester mais pas de gouverner joue le rôle qui était celui à droite celui du front national il y a encore moins de dix ans.

Pour tout vous dire, cette solution n’est pas à exclure, pourtant je ne crois pas qu’elle soit la plus probable pour la simple et bonne raison que les électeurs d’extrême gauche n’ont que bien peu à voir avec ceux d’extrême droite. 

Le premier est bien plus enclin à descendre dans la rue, et dans un contexte de morosité généralisée il est bien plus enclin à faire des émules.
Quant à son vote contestataire, il peut également se changer en vote  revendication ».

Les élections européennes seront sur ce point notamment un véritable test de la capacité de chacun à se positionner, un bon moyen d’évaluer les forces politiques en présence. 


A ce titre, elles promettent d’être particulièrement intéressantes. 

Pourtant le plus difficile reste à venir. 
Car à l’instant la vieille doctrine Keynesienne semble totalement dépassée par le contexte nouveau de l’économie globalisée alors même que le bien fondé des dogmes néolibéraux semble remis en cause par l’état de surchauffe  déraisonné qui a conduit à la crise économique actuelle.
 
Il est donc plus que jamais nécessaire  de penser un nouveau modèle de société, non pas une utopie, mais une issue sous la forme d’un ensemble de règles utilisables à court terme.

Or sur ce terrain là, force est de constater qu’on se bouscule beaucoup moins à gauche.

Billets

Manifestation irrationnelles

Les mouvements sociaux sont par nature protéiformes. Celui qui occupe les esprits, les rues, les quais de gare et les colonnes de la presse aujourd’hui ne fait pas exception à la règle. 
Pourtant, à bien regarder cet évènement est d’une nature assez singulière.
La « une » qu’affiche aujourd’hui le site de la CGT est d’ailleurs une illustration vibrante de ce phénomène : 

 
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Les déclarations de son leader, Bernard Thibaut, ce matin sont plus ou moins dans le même ton : 
Les grèves et manifestations de jeudi visent notamment à amener le gouvernement et les entreprises à « réévaluer » la part consacrée aux revenus du travail par rapport à ceux du capital, a affirmé jeudi sur RTL le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault. 
« Si l’on veut « refonder le capitalisme » -ce n’est pas une formule de la CGT, c’est une formule du chef de l’Etat- il faut aussi accepter progressivement de ne plus raisonner avec les mêmes paramètres », a-t-il déclaré. [source]
Il ne s’agit pas à proprement parler de revendications au sens classique du terme. Les manifestants ne réclament pas de nouveaux droits, ou un mesure précise comme par exemple une hausse de deux points du SMIC. 
Il ne s’agit pas non plus vraiment d’une opposition politique à une mesure comme pouvait l’être le mouvement d’opposition au CPE. 


Non, il me semble cette fois que le mouvement social est d ‘une nature bien plus symbolique et irrationnelle. 
je ne suis pas le seul à le penser d’ailleurs, Dans un entretien accordé au journal le Monde le sociologue Denis Muzet analyse le phénomène d’une manière qui me semble pertinente et affirme que :
Les syndicats remplissent bien leur fonction de catharsis, d’exaltation du sentiment de révolte. [source]
J’avais déjà parlé de Catharsis au sujet d’un précédent mouvement social, je crois cette fois qu’il s’agit du cœur de celui-ci.
Les grévistes demandent confusément à vivre mieux, à refonder le capitalisme, à bénéficier d’un meilleur pouvoir d’achat, des revendications quelque peu irrationnelles auquel l’État pourra difficilement répondre faute de baguette magique. 
 
Pourtant, c’est probablement cette nature irrationnelle qui explique le succès du mouvement d’aujourd’hui.
Les 69% de francais qui se déclaraient hier favorables à la grève sont l’illustration de cette spécificité de même que le million de manifestants qui se trouverait dans la rue alors que j’écris ces lignes.

Ce mouvement n’a rien d’une revendication corporatiste, il dépasse le clivage entre public et privé, il fédère sur le sentiment du « mal-vivre » très largement partagé. 

Or ce sentiment sera bien difficile de le calmer. 
Le chef de l’État et le gouvernement l’ont d’ailleurs bien compris comme en témoigne leur attitude des derniers jours ;
ll faut s’arrêter quelques instants sur les confidences distillées par Nicolas Sarkozy depuis que la crise s’est abattue sur le pays. Le président de la République affirme qu’il veut poursuivre les réformes, mais il confesse aussi que « la France n’est pas le pays le plus simple à gouverner du monde ». Il rappelle que « les Français ont guillotiné le roi », qu’« au nom d’une mesure symbolique, ils peuvent renverser le pays ». Il parle de la France comme d’un « pays régicide ». [source]
Il est décidément déjà loin, ce jour de juillet 2008 où Niciolas Sarkozy déclarait « quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit » et  quelque six mois plus tard, c’est l’attitude inverse qui prévaut.
Prudent, le gouvernement a choisi de calmer le jeu. La grève et le principe de la manifestation ne sont plus mis en cause. « On n’insulte pas le crocodile avant de traverser la rivière », explique Brice Hortefeux. [source]
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Je crois que ce type d’attitude est de loin le plus sage. 
Car, n’en déplaise à Jacques Marseille qui appelait dans le Point il y a quelques jours à cesser de comparer la crise actuelle à celle de 1929 il n’est pas à exclure qu’un phénomène analogue à celui qui l’a suivie se fasse jour dans les mois à venir. 

Le schéma d’alors était celui d’une crise financière, à l’origine d’une crise économique, débouchant sur une crise sociale, elle même suivie de crises politiques de triste mémoire.

Or force est de constater que la crise politique est à ce jour la seule de la liste à n’avoir pas encore tout à fait éclaté.
Alors que partout en Europe, de la Lettonie à la Grèce des manifestations de grande ampleur se font jour, il serait quelque peu léger de sous estimer cette hypothèse catastrophe : 

 L’exemple de l’Islande est révélateur des tensions en Europe à la suite de la crise économique. Le premier ministre islandais Geir Haarde a été obligé de démissionner, lundi 26 janvier. La chute de son gouvernement a en effet été précipitée par des semaines de manifestations à Reykjavík et des portraits à l’effigie du Premier ministre ont même été brulés devant le Parlement.[source]

Le comportement de notre exécutif dans les tous prochains jours risque  donc d’être  déterminant. 
De son choix de jouer l’apaisement ou de continuer les réformes selon la méthode brutale qui a été la sienne jusqu’à présent peut dépendre le sort des prochaines années. 
 

Et pourtant, dans ce contexte de crise globalisée la situation lui échappe déjà quelque peu.

Billets, coup de gueule, justice

La chasse est ouverte

Depuis que la chasse au juge d’instruction est ouverte tous les coups sont permis.
Rachida Dati, qui n’a d’ailleurs jamais craint de déplaire au monde judiciaire l’a bien compris de sorte qu’elle n’a pas hésité à faire nouveau coup d’éclat avant que de quitter le gouvernement. 
Par chance, il se trouve justement un juge à portée de carabine. 
Il s’agit du juge Burgaud, dont le nom est devenu les symbole de la débâcle du procès « Outreau ». 
Alors que celui-ci doit prochainement être auditionné par le Conseil Supérieur de la magistrature dans le cadre d’une procédure disciplinaire la chancellerie a pris soin de faire parvenir à ce dernier une « Note » dont le Monde publie aujourd’hui des extraits.

Pour la directrice des services judiciaires, Dominique Lottin, qui a rédigé la note, il ne faut pas parler d’« insuffisances professionnelles », mais d’« une accumulation de manquements dont la répétition tout au long de la procédure démontre le caractère systématique voire volontaire ». Le comportement de Fabrice Burgaud a été « délibéré » et ne peut « être attribué à l’inexpérience d’un jeune magistrat ». Pis : « Ces pratiques ont compromis, pour les autres magistrats qui sont intervenus dans la procédure judiciaire, à la fois le contrôle d’un dossier rendu confus par manque de rigueur et la remise en question d’éléments présentés de façon péremptoire, par manque d’impartialité. » 

Toujours selon cette note,
La chancellerie estime que le juge Burgaud ne peut être amnistié car son comportement a donné de  son comportement a donné de « l’institution judiciaire une image dégradée qui ne pouvait qu’affaiblir la confiance des justiciables dans l’impartialité qu’ils sont en droit d’exiger de leur juge. » [source]
J’occulte d’emblée toute critique du procédé qui consiste pour un membre du gouvernement à envoyer une note à un juge afin de lui expliquer comment il doit trancher. 
Depuis la réforme du CSM, on sait que la séparation des pouvoirs a pris un peu plus de plomb dans l’aile dès lors que cette institution sert aussi désormais à « placer » des amis.


Non. Ce que je trouve stupéfiant dans cette note c’est cette phrase qui sonne comme une exécution.
« Ces pratiques ont compromis, pour les autres magistrats qui sont intervenus dans la procédure judiciaire, à la fois le contrôle d’un dossier rendu confus par manque de rigueur et la remise en question d’éléments présentés de façon péremptoire, par manque d’impartialité »
C’est dit, tout est de sa faute.
Peu importe que d’autres magistrats aient fait des erreurs dans ce dossier, il n’avait qu’à mieux le monter.
Au diable le Procureur de la République qui a saisi le juge Burgaud de cette affaire (un juge ne saisit jamais lui-même) quand bien même ses erreurs seraient antérieures à celles du juge Burgaud.
Ne tenons pas compte non plus des réquisitions du même Procureur de la République qui ont été rendues avant que le juge Burgaud ne rende son ordonnance de Réglement, si le dossier avait été mieux préparé il ne se serait pas trompé.
Et ne parlons pas, surtout, des décisions rendues par la chambre de l’instruction dans cette affaire, elle ne pouvait que se tromper puisque le dossier était « confus ».
Quant à la cour d’assises de Saint Omer peut importe qu’elle ait condamné des innocents, elle ne saurait non plus avoir la moindre part de responsabilité puisque le juge Burgaud était passé avant elle… 
 
Ça me rassure un peu.
Parce qu’au moment où l’on annonce la fin du juge d’instruction, c’est à dire une rupture historique avec la tradition judiciaire Française, j’ai cru qu’il allait falloir se poser des questions importantes. 
J’ai cru qu’il allait falloir se demander comment rendre réellement efficace le contrôle  des actes de l’instruction alors que les chambres de l’instruction (qui connaissent en appel des décisions rendues par le juge d’instruction et sont habituellement surnommées les « chambres de l’homologation » par les pénalistes avertis…) vont voir leurs attributions transférées à un nouveau « juge de l’instruction ».
J’ai cru qu’on devrait aussi se poser une fois pour toutes la question de la pertinence du recours à un jury populaire en Cour d’Assises.
Pensez donc, nos affaires les plus simples sont jugées par des professionnels alors que les plus complexes sont tranchées par des profanes…
J’ai enfin pensé qu’il allait enfin être nécessaire de s’interroger au sujet de la pertinence du recours si fréquent à la détention provisoire  (c’est à dire avant que la personne  ait été jugée) alors qu’elle n’est pas toujours absolument indispensable.
 
Mais heureusement ce ne sera pas nécessaire puisque tout est de la faute du juge Burgaud. 
D’un coup, je suis soulagé.