Billets, societé

Aliments Populistes

L’idée de cet article a probablement fait surface au supermarché, celui du coin de la rue, alors que je quittais le rayon « biscuit ».
Il y avait ces muffins au chocolat en tête de gondole, qui m’ont semblé si dodus dans leur emballage trop marron que je m’en suis emparé. 
J’ai retourné la boite une première fois, perplexe, avant de remarquer un logo « Equitable »  qui me faisait pourtant face depuis le tout premier instant. 
C’est probablement lui qui m’a décidé à enfourner ces gâteaux dans mon panier avec la ferme intention de sceller leur sort dès le petit déjeuner du lendemain. 

Non… C’est très probablement quelques heures plus tard ; lors de ce petit déjeuner, à l’exact instant où j’ai distraitement jeté un œil à l’étiquette de mes muffins équitables que la graine de cet article s’est plantée.

Je m’arrête un instant pour vous préciser que je n’ai théoriquement pas grand chose d’un « consommateur militant ». Pas plus écologiste qu’un autre, ni très spécialement revendicatif à l’idée de manger dans un fastfood
 
Cela dit, ils me plaisaient bien mes muffins équitables. L’idée que le producteur  d’un produit mérite d’être rétribué correctement, celle-là même qui s’affiche fièrement derrière les logos des « labels équitables » me paraissait bien plus un principe de « bon sens » qu’un authentique acte militant. 
Gardez-vous cependant de me prendre pour un naïf. 
Si je n’ai qu’une bien vague idée des prix pratiqués à l’autre bout du monde, j’ai appris le « vrai prix » des primeurs lorsque ma profession m’a contraint à connaître de ces trop nombreux dossiers de procédure collective qui concernent des paysans des Bouches du  Rhône
 
Mais revenons à nos muffins. 
Entre deux bouchées, j’ai pris un instant, puis un autre pour jeter un œil à l’étiquette. 
Mais le mieux est encore que je vous laisse en faire autant ;

 

Pas glorieux hein ? 
Si je résume, seuls 47 % du poids total de mes muffins sont issus du commerce équitable. 
Pire, environ 8 ingrédients sur dix sont issus du commerce « non équitable » sans que cela entame le moins du monde leur « certification ».
Parfois, je me dis que si je lisais les étiquettes je mettrais moins de bêtises dans mon chariot. 
 
Depuis, je vois de « l’équitable » partout, du moindre rayon de grande surface à ma télé qui n’a pourtant rien demandé. 




C’est dans cet état d’esprit que je suis tombé sur le dernier hors-série de l’aussi confidentiel qu’intéressant magazine Poliitis  intitulé « les multinationales à l’assaut du bio et du commerce équitable« 


On y apprend avec force détails et analyses ce que je pressentais : l’Equitable a quitté les rayons des magasins spécialisés pour envahir les grandes surfaces.
Et au passage, son ambition s’est diluée.  


Pour vous donner une idée de sa teneur, j’ai retenu une toute petite sélection totalement subjective et désordonnée de citations issues dudit magazine :

Les barres kitkat portent le logo fairtrade sans autre précision alors que seuls le cacao et le sucre sont certifié »

 

L’arrivée des gros acteurs conventionnels sur le marché de l’équitable a réduit à néant la construction de filières véritablement alternatives où le lien direct entre un producteur, un importateur  et ses consommateurs primait sur les logiques de marché. La photo du petit producteur sur les emballages est le dernier souvenir d’un ami disparu dans les brumes du marché. Mais le concept perdure pour des raisons de marketing »

 

« Les chocolats noirs cote d’or affichent 30% Minimum de  cacao certifié, soit 70%  maximum de cacao  non durable  et inéquitable »

Je m’étais rêvé un instant en consommateur citoyen, armé de ma carte bleue comme trop rarement d’un bulletin de vote. 
Avec des logos alléchants qui vont du « Bio » à l' »Equitable » en passant par le « Durable » ce qu’on m’a vendu, c’est un programme politique qui proposait rien de moins que de changer le monde pour le rendre plus beau et plus juste. 

 
J’aurais dû me méfier. 
 
Je connaissais le populisme politique, il me semble bien que l’époque est à présent au populisme alimentaire. 

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