histoire complète, histoires courtes

Le syndrome de lazare [Inspiration Part II]

[Cette histoire a été écrite et livrée avec un peu de retard pour l’Inspiration Part II  ; une initiative de MisteraiR basée sur une idée originale de Gëist]

Dans les ténèbres, la voix douce et calme de l’homme sonne comme celle d’un chirurgien.
Sylvain sent sa nuque endolorie se contracter instinctivement entre les épaules.
Puis vient cette sensation neutre d’une main gantée qui relève sa manche, lentement, par des gestes maîtrisés où suinte l’habitude.
« Détendez-vous » lui précise l’homme, « ça passera plus vite si vous vous détendez ».
La sensation froide est si brève et localisée que le jeune homme pense un instant l’avoir rêvée.

 Déjà la toxine se répand à toute vitesse dans son système nerveux.

En quelques instants, son corps n’est plus qu’un tremblement qui annihile toute pensée.
Bientôt c’est une nuée d’abeille bourdonne et fait vibrer la moindre chair.
Aveuglé par un bandeau, Sylvain ressent plus intensément chaque sensation tactile.
Quant aux sons, il paraissent déjà bien loin.
Les sangles trop serrées tracent des entailles arrondies le long de ses poignets.

Puis sa tête est projetée en arrière dans un bruit de phalanges qui craquent.
Un goût de sang s’insinue dans le moindre recoin de sa bouche.
Quant à cet éclat de dent qui roule entre sa langue et son palais ; il pourrait passer pour un fragment de cacahuète s’il n’était pas aussi tranchant.

La voix de l’inconnu n’a plus rien de calme à présent.
C’est dans l’explosion d’un cri qu’elle lui intime de révéler le code d’activation du Ghost.
L’espace d’un instant, il ne semble plus rien rester au monde que cette voix et cet ordre.
Pour toute réponse, le jeune homme ouvre la bouche et commence à annoner ses nom et grade
Sylvain Claus, Capitaine ; ils ne sauront rien d’autre ; il n’y a rien d’autre à savoir.

Nouveau bruit de phalange, cette fois, c’est une de ses côtes qui vient de céder.
Des lumières rouges dansent dans le noir de son imagination.
Le temps est aboli. 
Plus rien ne semble exister que la lumière et la voix.

Les codes d’activation du Ghost… 
Les codes d’activation…
Quelle ironie.
Sylvain est désormais convaincu qu’il va mourir.
La voix de chirurgien ignore tout du Ghost et de son fonctionnement. 
Comment Sylvain pourrait il lui donner des codes d’activation qui n’existent pas ?
Le prototype Ghost est protégé par une double sécurité, il ne démarre que sur ordre de l’ordinateur central, mais seulement après avoir authentifié l’ADN de son pilote.
Or cet ordre, l’ordinateur central ne l’enverra jamais à un prototype qui doit déjà avoir été répertorié comme disparu ou volé.

Lorsqu’une autre de ses côtes vole en éclat Sylvain a déjà perdu tout espoir.
Il n’y a plus rien d’autre a faire que d’accepter la mort et l’attendre.

Relâchement soudain de l’âme ; comme soulagée par la pensée de la mort. 
Les coups semblent s’éloigner.
Ses os se brisent, sa chair est déchirée et pourtant la douleur s’estompe.
La voix de l’inconnu n’a bientôt plus d’importance, elle n’est plus que l’écho sourd d’une autre réalité.
Sylvain Claus n’est déjà plus dans la pièce.
Il est un pilote en plein vol.

Les commandes crépitent autour de lui, dans ce cockpit familier qui est son vrai foyer.
Les mains fermentent serrées sur les commandes il entame un léger virage à gauche.
Quelque chose manque cependant.
Pas question de naviguer aux instruments. Pas pour un dernier vol.

Sylvain effleure une commande et le cockpit semble s’effacer.
La voilà la magie du Ghost ; une multitude de projecteurs holographiques capables de générer dans le même temps l’illusion d’une cabine translucide à l’intérieur et de dissimuler parfaitement l’appareil des regards au dehors. 

Le pilote ramène les commandes vers lui et la bulle du champ deflectique se forme autour de l’appareil qui se fige en plein vol. 
Les nuages tout autour sont pareils à une épaisse brume matinale. Au loin se découpent les crêtes de la montagne Tengor.
D’un mouvement des deux poignets Sylvain fait pivoter la bulle autour de l’appareil qui est soudainement saisi d’une violente poussée.

Atteindre le monastère d’Arkol qui domine les montagnes prend bien moins qu’un instant.
Sylvain esquisse un sourire alors qu’il le dépasse et s’enfonce dans les gorges du Soupir.
Gauche, droite, et puis droite encore, Sylvain enchaîne les virages  avec une douceur et une aisance que seuls peuvent expliquer les vapeurs cotonneuses qui se sont emparées de son esprit.

De nouveau le temps s’étire.
Bientôt il n’y a plus de Sylvain que le plaisir infini de l’homme qui navigue en plein ciel.

Puis c’est le jour, soudain et inattendu.
Sylvain perçoit des murs blancs immaculés par delà l’éblouissement. 
Puis la vue de ses poignets lui rappelle l’horreur de la situation.
Le pilote est saisi d’un frisson, presqu’aussitôt chassé par le visage ami du Général Craw.
Deux corps inanimés reposent à terre comme réduits à néant, l’un porte porte une blouse de chirurgien. 
Sylvain les regarde, docile, mais semble ne pas les voir. Sauvé mais déjà un peu mort.

Deux soldats revêtus d’un uniforme identique à celui de Sylvain l’aident à se relever, mais il chancelle aussitôt.
Alors que Craw ses hommes marchent et s’avancent vers la sortie Sylvain plane en silence au dessus de la brume et des montagnes Tengor.
Il vole.
 
Billets, brèves

Bagram la prison du pragmatisme

Cest un vieille règle en politique ; la ferveur et l’état de grâce qui suivent une élection doivent tôt ou tard laisser place aux réalités de la politique la plus pragmatique. 
Même un président à la popularité en apparence inoxydable tel que Barack Obama pourrait très bientôt en faire les frais. 
Si l’on avait pu se réjouir de la fermeture camp de Guantanamo de triste réputation, il convient à présent d’accueillir cette information avec plus de nuance alors qu’une seconde vient lui donner un nouvel éclairage.

Vendredi 20 février, dans un communiqué lapidaire, [le département américain de la justice] affirmait en substance que les détenus de la prison afghane de Bagram, à la différence de ceux de Guantanamo, ne pourront pas contester leur détention devant une juridiction civile, pas plus qu’ils ne pourront être épaulés par un avocat.  [source]

La prison de Bagram est une base américaine relativement ancienne, elle était déjà utilisée par les américains lors de l’occupation soviétique de l’Afghanistan

Les autorités américaines justifient actuellement son maintien par le fait que l’Afghanistan est une zone de guerre ce qui justifierait l’application de la loi martiale. 

Beaucoup moins médiatisée que la base Cubaine de Guantanamo elle n’abrite pourtant pas une réalité plus agréable , bien au contraire.  

D’ailleurs,

En mai 2006, le New York Times avait publié une enquête révélant comment deux détenus – identifiés comme Dilawar et Habibullah – étaient décédés, fin 2002, des suites de mauvais traitements. [source]
 

Voila qui risque de tomber comme une douche froide chez ceux qui supposaient que la simple arrivée de Barack Obama à la maison blanche suffirait à changer l’attitude des États-unis à l’égard des droits de l’homme. 

La divulgation de l’existence de prisons sécrètes destinées à mener des interrogatoires extrêmes est un paradoxe qui ne s’explique que par l’idée  encore très largement partagée dans la population américaine, que leur existence est nécessaire et de l’intérêt du plus grand nombre. 

Or aussi longtemps que cette idée sera aussi prégnante dans les mentalités, il est en réalité bien vain d’espérer voir fermer ces prisons en marge de toute légalité.  

D’ailleurs quand bien même cela se réaliserait, l’administration Obama, pas encore sortie d’Irak et sur le point de s‘enfoncer un peu plus encore en Afghanistan semble difficilement en mesure de se permettre le luxe de renoncer à ces prisons.
La chose semble d’ailleurs devenue si nécessaire que la France serait elle aussi en train de créer ses prisons secrètes.
Je ne sais pas vous, mais à l’instant, j’ai une furieuse envie de prendre l’air… 
Ciné, coup de gueule

Le droit au navet

S’il est une discipline dans laquelle Luc Besson est passé maitre c’est bien l’humour polémique.
Il nous avait bien fait rire la semaine dernière avec sa sortie sur les ravages de la piraterie. Actualité oblige il donne encore de la voix cette semaine ne serait-ce que pour être bien certain que le nom du dernier film qu’il a imaginé et produit soit bien repris par toute la presse. 
Ça se passait sur Europe 1 et comme à l’accoutumée Besson ne fait pas dans la nuance :
Luc Besson n’est pas content et l’a fait savoir sur Europe 1 : son dernier film « Banlieue 13 ultimatum » est censuré dans les salles UGC de banlieue. « Ce n’est pas un boycott mais un boycott de banlieues, on m’a dit clairement qu’on ne voulait pas de ce public là », a expliqué le réalisateur-producteur. « Je suis atterré et choqué qu’on puisse tenir un tel langage en 2009 » a-t-il insisté au micro de Marc-Olivier Fogiel. (…) « C’est du racisme et de la discrimination », a terminé le réalisateur. [source]
Décidément il me semble que Luc Besson a une image bien curieuse de la société. 
Pour avoir vu le premier Banlieue 13 je pensais pour ma part que la décision d’UGC tenait avant tout à des fins humanitaires. Bien que fervent amateur de navets je crois que les banlieues ont déjà suffisamment de problèmes sans qu’on leur impose un film pareil.
Quant à invoquer le racisme et la discrimination, j’avoue que l’argument me parait pour le moins curieux.
Il ne m’a pas semblé lorsque j’ai été voir les précédents films  d’action qu’il a produit ne voir dans les salles que des gens d’une couleur ou d’une origine donnée. J’y ai vu un public, jeune dans l’ensemble, mais c’est presque toujours le cas s’agissant de films d’action, qu’ils mettent ou non en scène la banlieue. 
D’évidence Luc Besson est tout aussi à l’aise dans la maitrise du cliché qu’avec la caméra…   

A moins qu’il ne tente un revival mal assumé de la Blaxploitation ? 


 
[un revival je vous dit…]



D’ailleurs, le fait  qu’UGC ait choisi de réserver la diffusion de Banlieue 13 Ultimatum à certaines salles est il vraiment un scandale ?

Y aurait-il un droit à accéder au cinéma dont aurait omis de me parler ? 

Si tel étais le cas j’avoue que je serais ravi de l’exercer, en passionné de cinéma frustré de n’avoir parfois pas facilement accès à des films au budget bien moindre  que celui de Besson. 

En réalité la décision d’UGC ne regarde que cette société et les gesticulations de Besson pour faire parler de son film n’y feront rien.
Quant un restaurant trois étoiles affiche des prix élevés il exclut lui aussi une tranche de la population, tout comme le snack d’en face qui fait d’excellents kebabs mais refuse obstinément de me servir un jambon beurre. 

Appelez ça discrimination, liberté du commerce ou positionnement markéting ça n’y changera rien ; les commerçants sont aussi libres de choisir les produits qu’ils souhaitent vendre que les consommateurs de se rendre chez eux.
Plutôt que de lancer des polémiques idiotes, Luc Besson gagnerait à mettre autant de zèle à défendre les grands films qu’il produit que les bêtises dont il commet les scénarii. 

Il parviendrait peut être alors à se détacher de cette réputation de producteur de navets pas toujours méritée et rendrait dans le même temps un authentique service aux spectateurs, quel que soit l’endroit où ils vivent.