à vif, festivalsons, reverie

Mes pas dans ceux de la foule…

Il y a cette odeur mêlée de crasse de nourriture et de sueur qui semble vouloir s’infiltrer dans tout mon être. Et cette foule qui a envahi les rues et ne cesse depuis de ralentir mon pas. Ces tracts déchirés aussi qui jonchent le bitume et se collent à mes semelles.

Il est dix neuf heures trente à l’horloge de la gare d’Avignon, je viens de descendre de mon train. Je passe lentement ma main légèrement moite sur ma nuque endolorie par une journée de stress et de sollicitations incessantes. Et je les regarde ; ils portent tous des costumes. Oui tous, qu’ils soient acteur acteur sous une cape et un chapeau à plume ou festivalier en sandale et bermuda ils portent tous sur eux le signe distinctif de celui qui participe à cet événement d’ampleur qu’est le festival d’Avignon. Et puisqu’ils portent tous un costume sauf moi, forcément, j’ai l’impression que c’est moi en fait qui porte le déguisement. Car je porte un costume en effet, celui trop classique qui caractérise l’homme qui sort du bureau et qui ce soir, au contraire des autres jours, m’isole de cette foule qui ne pense qu’au théâtre.

Des yeux verts engloutissent mon regard un instant trop infime, déjà par un travelling arrière brutal la foule réapparaît autour de moi. La propriétaire des yeux me tend un tract que je mets machinalement dans ma sacoche. Il ira bientôt rejoindre ceux que j’ai laissé sur le guéridon dans l’entrée et que je ne lirai probablement pas.

J’arrête ma marche un instant.
Il y a de la musique tout près.
Et des gens qui dansent aussi.
C’est beau une ville qui ne pense qu’au théâtre.
J’aurais vraiment dû poser mes congés cette semaine…

 
 

(quelques tracts -divers-collectés ça et là)

Le programme du « off » c’est par . Ça se lit avec gourmandise souvent. Avec étonnement aussi.
Et un peu de frustration parfois.
à vif, reverie

La stupeur et le doute

D’autres l’ont dit avant moi pour s’en être rendus compte encore plus tôt ; la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Certes elle donne souvent l’impression de voguer au long cours mais c’est pour mieux surprendre au détour d’un virage par un remous violent.
Ce sursaut inattendu prend des formes chaque fois nouvelles, s’il en était autrement bien sûr il n’aurait plus rien d’inattendu. Ses magnitudes quant à elles peuvent aller de l’intime le plus profond jusqu’au douleurs les plus expressives.
Le remous dont j’ai fait la connaissance ce matin fait pour l’instant partie de la première des deux catégories, mais sa nature complexe pourrait bien le faire évoluer jusque dans les sphères les plus apparentes de la colère sourde : c’est un sentiment de déception aux contours encore indistincts et fluctuants.

River Llugwy par Stu Worrall

Imperceptiblement le cours de choses se fait bien plus rapide. Déjà quelques rocs grisâtres aux arêtes acérés affleurent ça et là. L’eau à son tour devient trouble et se change en écume. La raison devrait me pousser à pagayer de plus fort, à guider de mon mieux mon embarcation au cœur de la tourmente, mais je ne suis plus certain que mes bras me soutiendront bien loin.
Alors j’attends. J’attends un nouveau choc, un nouveau sursaut. A ce stade il peut surgir de n’importe où : de l’impact violent de mon canoë contre l’un des rochers qui m’entourent, du contact froid et violent de l’eau gelée sur ma peau, de cette douce sensation qui précède la noyade.

Il vaudrait mieux peut être qu’il vienne de l’intérieur, de cette brusque bouffée de vie qui se fait jour lorsque lorsque le sentiment d’étouffer devient beaucoup trop fort.

Il est bien trop tôt cependant pour le dire à ce stade.

The Silent Fog par aud...

Alors j’attends et je verrai… Et si l’air d’ici là ne s’est pas trop raréfié, je sortirai peut être marcher quelques instants là-bas, hors de la brume.

et hop, reverie

I Have a nice day

Lentement, je me suis réveillé. Quelque part, étouffé sous une pile de coussins le son du réveil. Au loin, le craquement des croquettes écrasées sous le croc de mon chat. Il fait beau, c’est un évènement si l’on considère les jours derniers ; un mieux qui déjà produit ses effets et modifie peu à peu cette humeur maussade qui ne m’a guère quitté.

La SNCF est un grève mais je m’en fous. Pas de train ce matin c’est presque la routine. Je pose un pied à terre, puis le second. Je reste assis là un instant à regarder le bleu du ciel qui se détache derrière le lent balancement du pin face à ma fenêtre.

J’ai faim. Je m’arrête un bref moment pour y penser, à cette heure c’est assez rare pour moi qui suis habituellement nauséeux au réveil. D’un geste j’allume la machine à café et sans m’arrêter je me dirige vers le frigo. C’est cela, j’étais certain d’y avoir laissé des fraises.

Changement de rythme, peu à peu mes sens sortent de leur torpeur. Le son de la télévision, le goût des fraises, la chaleur de l’eau sur ma nuque, chaque sensation me procure un nouveau plaisir.

(Tarascon sur Rhône– vue sur le château)

Puis c’est l’arrivée devant la gare, la prévisible absence de train, la montée dans l’autocar qui le remplace. La chaleur à nouveau sur ma nuque, celle du soleil, à la fois franche et agréable, ses reflets pris dans les reflets du Rhône à travers la vitre.

Je suis arrivé à neuf heures trente au bureau ce matin. Et pour une raison que j’ignore rien n’a pu jusqu’à présent entamer le moindre fragment de mon humeur.