Ciné, coup de gueule

Le droit au navet

S’il est une discipline dans laquelle Luc Besson est passé maitre c’est bien l’humour polémique.
Il nous avait bien fait rire la semaine dernière avec sa sortie sur les ravages de la piraterie. Actualité oblige il donne encore de la voix cette semaine ne serait-ce que pour être bien certain que le nom du dernier film qu’il a imaginé et produit soit bien repris par toute la presse. 
Ça se passait sur Europe 1 et comme à l’accoutumée Besson ne fait pas dans la nuance :
Luc Besson n’est pas content et l’a fait savoir sur Europe 1 : son dernier film « Banlieue 13 ultimatum » est censuré dans les salles UGC de banlieue. « Ce n’est pas un boycott mais un boycott de banlieues, on m’a dit clairement qu’on ne voulait pas de ce public là », a expliqué le réalisateur-producteur. « Je suis atterré et choqué qu’on puisse tenir un tel langage en 2009 » a-t-il insisté au micro de Marc-Olivier Fogiel. (…) « C’est du racisme et de la discrimination », a terminé le réalisateur. [source]
Décidément il me semble que Luc Besson a une image bien curieuse de la société. 
Pour avoir vu le premier Banlieue 13 je pensais pour ma part que la décision d’UGC tenait avant tout à des fins humanitaires. Bien que fervent amateur de navets je crois que les banlieues ont déjà suffisamment de problèmes sans qu’on leur impose un film pareil.
Quant à invoquer le racisme et la discrimination, j’avoue que l’argument me parait pour le moins curieux.
Il ne m’a pas semblé lorsque j’ai été voir les précédents films  d’action qu’il a produit ne voir dans les salles que des gens d’une couleur ou d’une origine donnée. J’y ai vu un public, jeune dans l’ensemble, mais c’est presque toujours le cas s’agissant de films d’action, qu’ils mettent ou non en scène la banlieue. 
D’évidence Luc Besson est tout aussi à l’aise dans la maitrise du cliché qu’avec la caméra…   

A moins qu’il ne tente un revival mal assumé de la Blaxploitation ? 


 
[un revival je vous dit…]



D’ailleurs, le fait  qu’UGC ait choisi de réserver la diffusion de Banlieue 13 Ultimatum à certaines salles est il vraiment un scandale ?

Y aurait-il un droit à accéder au cinéma dont aurait omis de me parler ? 

Si tel étais le cas j’avoue que je serais ravi de l’exercer, en passionné de cinéma frustré de n’avoir parfois pas facilement accès à des films au budget bien moindre  que celui de Besson. 

En réalité la décision d’UGC ne regarde que cette société et les gesticulations de Besson pour faire parler de son film n’y feront rien.
Quant un restaurant trois étoiles affiche des prix élevés il exclut lui aussi une tranche de la population, tout comme le snack d’en face qui fait d’excellents kebabs mais refuse obstinément de me servir un jambon beurre. 

Appelez ça discrimination, liberté du commerce ou positionnement markéting ça n’y changera rien ; les commerçants sont aussi libres de choisir les produits qu’ils souhaitent vendre que les consommateurs de se rendre chez eux.
Plutôt que de lancer des polémiques idiotes, Luc Besson gagnerait à mettre autant de zèle à défendre les grands films qu’il produit que les bêtises dont il commet les scénarii. 

Il parviendrait peut être alors à se détacher de cette réputation de producteur de navets pas toujours méritée et rendrait dans le même temps un authentique service aux spectateurs, quel que soit l’endroit où ils vivent.

Billets, Ciné

Le navet du prophète



La semaine dernière M6 repassait « Couvre Feu » un film d’Edward Zwick avec Bruce Willis et Denzel Washington passé plus ou moins inaperçu lors de sa sortie en France. 

Entendons nous bien. Le fil fourmille de défauts.

Le temps n’a d’ailleurs rien arrangé, un film raté se bonifie rarement avec les années.  Le jeu atone de Bruce, Willis, les tirades d’un Denzel Washington visiblement peu convaincu par son texte, la réalisation d’un Edward Zwick scolaire qui livre manifestement un travail de « commande » sont autant d’éléments irrattrapables.

Le film avait d’ailleurs été sérieusement épinglé en son temps par la critique principalement en raison de son scénario : 

Première
Dès que l’armée débarque avec ses gros sabots, l’intensité baisse d’un ton et le scénario se laisse gagner par l’hystérie.

Le monde
Le réalisateur Edward Zwick a essayé de tirer parti d’un scénario imbécile pour livrer une parabole sur les limites de la démocratie américaine et les dérapages de la CIA. [via allociné]

Pourtant, il s’est passé une chose que les critiques n’avaient pas prévu.
Entre 1998, date de sortie du film et aujourd’hui ce scénario est devenu réalité.

Couvre feu c’est l’histoire d’un groupe terroriste islamiste qui décide de prendre New York pour cible à l’occasion d’une série d’attentats.
Dans ce contexte le gouvernement Etasunien décide d’employer les grands moyens et décrète la loi martiale dans New-York.
des législations d’exceptions sont mises en oeuvre et des citoyens arrétés, mis au secret et torturés dans le cadre de la recherche des terroristes. 

Bien sùr Denzel sauve tout le monde à la fin et renvoie l’armée dans ses pénates ce qui est en effet assez capillotracté. 

Pour le reste, on a plus ou moins l’impression d’assister à une vision prophétique annonciatrice des mesures attentatoires aux libertés qui ont vu le jour aux Etats-Unis et en Grande Bretagne à la suite du 11.09.2001 et qui sont à présent si décriés dans ces pays.

  


Seulement, je ne crois pas à la voyance. 
Alors je suis contraint de supposer que si des scénaristes ont pu prévoir ce qui est arrivé, c’est que c’était bêtement prévisible. 
Après tout, les républicains qui ont porté G. W. Bush au pouvoir ne sont pas tombés du ciel…
Pour n’avoir pas grand intérêt aux yeux des cinéphiles, Couvre-Feu pourrait cependant un jour rencontrer un certain succès auprès des historiens, voire des sociologues.
Car ce qu’il illustre en somme c’est le caractère mouvant des repères démocratiques.
Le niveau de contrainte « acceptable » que l’État peut exercer sur les citoyens n’est pas une chose figée et ce qui paraissait hier l’apanage des régimes totalitaires peut sembler légitime aujourd’hui.
Réfléchissez un instant, si l’on vous avait dit il y seulement dix ans que l’Etat souhaitait vous filmer dans tous les lieux publics afin de vous protéger vous ne l’auriez probablement pas cru.
Pourtant, cela ne semble pas socialement inacceptable lorsque aujourd’hui :
La ministre de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie, prévoit le triplement des caméras sur la voie publique d’ici à fin 2009 et le rédeploiement de 4 000 policiers dans les quartiers sensibles, [source]
Les temps changent…
Mais pourquoi s’y opposer ? Vous n’avez rien à vous reprocher non ?
Ciné

L’étrange histoire de Benjamin Button [critique]


Il y a quelques jours l’express écrivait :
S’il gagne son pari, le réalisateur David Fincher sera le roi du monde avec L’Etrange Histoire de Benjamin Button, celle d’un homme qui rajeunit. S’il échoue, ce film à très gros budget et aux incroyables effets spéciaux pourrait prendre des airs de naufrage pour Hollywood. [source]
Je soupçonne les journalistes de s’être laissés un peu emporter au moment d’écrire ces lignes, alors même qu’ils n’avaient pas encore vu le film.
Pourtant, depuis la sortie de celui-ci les critiques dithyrambiques pleuvent et pour tout dire c’est justifié.

David Fincher sait faire des films exceptionnels, de ceux qui vous collent à la tête et vous accompagnent au point de devenir une petite partie de vous.
Il l’a déjà prouvé a plusieurs reprises.
Qui pourrait prétendre avoir oublié Fight Club, Seven ou plus récemment Zodiac ?

 Cette fois-ci, il prend les commandes d’une histoire singulière. 
Celle de Benjamin Button, gamin de la Nouvelle Orléans  abandonnée à la naissance par un père fou de douleur après la mort en couche de son épouse. Un enfant singulier né vieux et qui en cesse de rajeunir et dont le film se propose de raconter la vie de bout en Bout.


L’histoire était assez « casse gueule » ce n’est rien de le dire. Mais la finesse de Fincher suffit à transformer l’improbable en bijou.
En tête d’affiche, un Brad Pitt aussi époustouflant que méconnaissable,  qui révèle une fois encore des talents que Fincher semble seul à voir en lui. 
Face à lui, une Cate Blanchett magistrale et hypnotique. 



Benjamin Button fait partie de ces films rares qui tiennent à la fois de la prouesse technique et du grand cinéma.
Grâce à un scénario qui se renouvèle sans cesse le film parvient à émouvoir et emporter.


Aucun doute… c’est la saison des oscars.