Billets, grève

Grévistes et preneurs d’otages

Vous vous souvenez du monde d’avant la crise ?
Il y avait déjà des grèves et gens inquiets pour leur avenir.
Et des usagers mécontents qui s’estimaient « pris en otage » aussi.
Durant des mois on n’a cessé d’entendre ce refrain entêtant  et un peu absurde selon lequel les grévistes seraient des « preneurs d’otages ». 
 
Grève des transports ? La France est prise en otage !
Grève des professeurs ? Les étudiants sont pris en otage !
Grève en Guadeloupe ? Le rhum est pris en otage ! (hum…)
A force de répéter qu’une grève c’est forcément une prise d’otage des gens désespérés face à l’annonce d’un plan social se sont décidés à organiser des prises d’otages.
Je n’exagère pas. Séquestrer un chef d’entreprise pour le contraindre à modifier sa gestion du personnel ce n’est ni plus ni moins qu’une prise d’otages.

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D’ailleurs ca marche, même le Figaro l’a reconnu au terme de la séquestration du PDG de Sony France.
Lisez l’accroche de cet article si vous ne me croyez pas :

Des salariés du site de Pontonx-sur-l’Adour ont séquestré leur patron et obtenu de meilleures conditions de départ. [source]

Puisque ca marche et que les plans sociaux se multiplient la méthode fait des émules. Ces derniers jours on a donc vu le patron d’une usine 3M, puis des dirigeants de Caterpillar littéralement pris en otages par des salariés qui voulaient les contraindre à négocier. 
Là encore, l’opération est un succès puisque la direction consent aux salariés jusqu’au paiement des jours de grève.

Le phénomène prend une ampleur qu’on aurait tord de sous estimer. La méthode qui n’est pas neuve pourrait être de plus en plus employée…
Déjà à l’étranger de la Suisse au Canada on commence à regarder d’un regard perplexe ce climat Français qui se radicalise à grande vitesse.

Si ma sensibilité politique me rend naturellement bienveillant à l’égard des mouvements sociaux je me sens particulièrement malaise à les regarder se radicaliser jusqu’à admettre la violence comme légitime.
Le terme ne me parait pas exagéré, comment qualifier autrement un acte qui consiste à enfermer un individu contre sa volonté ?
De ce point de vue c’est un peu le film Louise Michel qui se matérialise à grande échelle dans l’actualité. 

Là encore, il ne s’agit pas de voir les choses en noir et blanc, la violence exercée par les salariés mécontents c’est derniers jours trouve elle-même son origine dans la violence économique à laquelle ils sont confrontés. 
Une violence économique suffisamment forte je crois pour que les auteurs puissent ressentir leurs actions comme des actes de légitime défense. [dans une acception du terme certes assez peu conforme à l’orthodoxie du droit pénal… ]

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Cette violence s’exerce confusément, et pas toujours à l’encontre des mêmes.
Prenez ce salarié de l’usine de porcelaine Deshoulières qui a mis fin à ses jours récemment :
Une pression professionnelle trop importante. C’est le motif évoqué par un délégué syndical pour expliquer son suicide, dans un courrier laissé dans le bureau de son local à Chauvigny (Vienne). Dans sa lettre, l’homme, marié et père d’une fille, demande pardon à sa famille et souhaite que son suicide soit considéré comme un accident du travail.  [source]
Ce suicide à la portée symbolique, assez proche dans ce qu’il évoque  du David Gale d’Alan Parker, c’est une autre forme de violence, et à la fois une réponse à la même violence économique.

 

L’exécutif est visiblement conscient du caractère potentiellement explosif de la situation, au point semble-t’il de vouloir calmer les choses

Comment faire autrement d’ailleurs alors que les manifestations ne suffisent plus dans leur fonction cathartique

 
Il me semble à l’instant que les réactions violentes qui se multiplient signent l’échec de notre système de représentation syndicale. 
La fonction première du syndicat est de représenter les salariés et donc de leur servir de médiateur.
Dès lors que la confrontation entre salariés et patrons devient directement violente cette représentation est vidée de son sens.  

Il n’est pas encore temps. 
Mais lorsque les braises auront commencé à refroidir, il faudra songer à redonner un vrai souffle à cette représentation syndicale à la Française qui en pratique ne représente plus grand monde.
Négliger ce chantier ce serait laisser le rapport de force et la confrontation directe se substituer durablement à tout dialogue social. 

Et pour le coup, la prise d’otage pourrait bien devenir véritablement un équivalent de la grève.
Billets

Gréviste et preneur d’otage

Vous vous rappelez du monde d’avant la crise ? 
Il y avait déjà des grèves et gens inquiets pour leur avenir.
Et des usagers mécontents qui s’estimaient « pris en otage » aussi. 
Durant des mois on n’a cessé d’entendre ce refrain entêtant  et un peu absurde selon lequel les grévistes seraient des « preneurs d’otages ».
Grève des transports ? La France est pris en otage !

Grève des professeurs ? Les étudiants sont pris en otage !
Grève en Guadeloupe ? Le rhum est pris en otage ! (hum…)

Role cathartiqye des manifestations

des syndicats incapble de jouer leur rôle de médiateur

Banalisation du rapport de force

violence ordinaire

http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2009/03/31/des-salaries-de-caterpillar-retiennent-4-cadres-de-la-direction_1174653_1101386.html

Louise Michel

http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRPAE53001X20090401

http://actu.orange.fr/articles/a-la-une/Caterpillar-liberation-des-cadres-le-directeur-paye-les-jours-de-greve.html
http://www.20minutes.fr/article/314513/France-Un-syndicaliste-demande-que-son-suicide-soit-considere-comme-accident-de-travail.php

VIENNE – Il travaillait dans une usine de porcelaine, et a laissé un courrier pour expliquer son geste…
Une pression professionnelle trop importante. C’est le motif évoqué par un délégué syndical pour expliquer son suicide, dans un courrier laissé dans le bureau de son local à Chauvigny (Vienne). Dans sa lettre, l’homme, marié et père d’une fille, demande pardon à sa famille et souhaite que son suicide soit considéré comme un accident du travail.

Le corps de Philippe Widdershoven, 56 ans, employé de l’usine de porcelaine Deshoulières SA, a été retrouvé mardi dans l’étang de la commune de Morthemer par trois pêcheurs. «Nous sommes consternés. (…) Toutes nos pensées vont vers sa famille, ses proches»», a indiqué la direction qui a rencontré dans l’après-midi les représentants du personnel. L’usine, qui emploie 130 salariés, avait licencié 84 personnes en décembre dans le cadre d’une restructuration.

Billets, politique

Mayotte ou le mur invisible

Vu de la métropole le référendum qui s’est tenu hier à Mayotte ressemble à un non-évènement. 
Pourtant, la création d’un nouveau département est une chose suffisamment rare pour que l’on s’y intéresse un instant. 
Vous me direz peut être qu’il ne s’agit pas là d’une révolution, un territoire d’outre mer qui change de statut pour devenir un département d’Outre mer ce n’est pas non plus un changement de régime. 
D’autant que vu de métropole la différence entre les DOM et les TOM parait  parfois bien moins que ténue. 
D’ailleurs à quoi bon débattre sur un consensus ?  Le résultat était sans surprise, on ne va pas gloser sur un référendum auquel 92.5 des suffrages ont acquiescé.

Pourtant et puisqu’il est à peu près certain que ce référendum sera condamné par L’union Africaine et par l’ONU (qui a déjà condamné la France 21 fois à ce sujet…) on aurait tord de sous-estimer ce qui vient de se passer. 
Même après ce référendum, il y a fort à parier que la position de la France à l’égard de Mayotte restera un problème.

En effet,
« aux yeux des Nations unies et de l’Union africaine, Mayotte appartient clairement aux Comores. Pour la France au contraire, le référendum de décembre 1974 justifie le maintien de l’île dans le giron de la République. » [source]
Plus de trente ans après la situation est tout sauf clarifiée. 
Tout d’abord parce qu’il semble bien qu’en 1974, les militaires Français ont aidé les habitaient de Mayotte à « bien voter » pour maintenir leur emprise sur ce lieu stratégique.
Mais surtout parce qu’à l’époque du référendum sur l’indépendance la France a clairement triché en interprétant le résultat après coup pour refuser l’indépendance à Mayotte tout en l’accordant aux autres Iles. 

A l’égard des instances internationales Mayotte appartient aux Comores et non à la France et le vote de dimanche a peu de chances d’y changer quoi que ce soit. 


Certes on aurait tort de strictement voir les choses en noir.
On se trompe souvent en politique à vouloir distinguer le bon du méchant. 

La départementalisation profitera à tous les habitants de l’ile en ce qu’elle amènera de subventions nouvelles et de prestations sociales supplémentaires. 
Mais même ces qualités portent en elles les germes de difficultés futures.
Dès lors que les infrastructures s’améliorent, dès lors que le revenu par habitant s’accroit ce sont aussi les inégalités entre Mayotte et les autres iles des Comores qui s’accroissent. 

De quoi faire monter en flèche l’immigration clandestine galopante, qui fait des morts chaque année mais reste bien difficile à endiguer alors que les clandestins sont les frères, les cousins ou les grands parents des citoyens français de Mayotte… 

Lorsqu’enfant je regardais des images du mur de Berlin je trouvais stupéfiant que l’on ait pu avoir l’idée atroce d’ériger une barrière entre des gens qui forment un seul peuple. 
Les comoriens n’ont ni mur ni mirador;  juste la mer et des gardes cotes. 
Mais à l’instant je peine à voir la différence.