Vous connaissez Saint Jean de Pourcharesse ?
Non, vraisemblablement vous ne connaissez pas. Et c’est précisément là ou je veux en venir.
Ce que vous avez à savoir pour comprendre la suite, c’est que c’est un village d’Ardèche vraiment loin de tout et que pour y accéder, il faut franchir des virages. Beaucoup de virages.
Si j’étais organisateur de rallye, je pense que je refuserais de laisser se dérouler une épreuve sur cette route.
Trop sinueuse.
Seulement voilà, chaque année je dois me rendre quelques fois à Saint Jean de Pourcharesse. Une fois arrivé, c’est du bonheur de retrouver les gens qui s’y trouvent. Mais cette route… Cette horrible route.
Pourtant, je ne suis pas spécialement malade dans les transports. Au contraire. J’ai été ce gamin agaçant qui lisait au fond du bus durant les voyages scolaires tandis que le reste de la classe enfouissait la tête du un sac en papier. Puis je suis devenu cet enfant taiseux qui jouait à Paperboy sur un Game Boy a l’arrière d’une Renault 5 sur les routes de montagne. Oui. A l’époque on disait « un » Game Boy. Sans rougir.
Mais cette route… J’ai bien tenté de garder ma 3DS pour jouer a Fire Emblem durant le trajet. (On dit une 3DS. Avec le sourire). Je ne suis pas malade en voiture je vous dit.
Sauf peut être sur ce trajet à bien y réfléchir.
Et plusieurs fois cela m’a posé un sacré problème ; sans livre ou occupation quelconque je m’ennuie assez vite, et la route de chez moi jusqu’à Saint Jean de Pourcharesse est a la fois sinueuse ET très longue.
Or, j’ai une peur panique de l’ennui.
A ce stade je peux vous le dire, cette histoire est celle ou je vous raconte comment je me suis mis à écouter des livres audio sur mon téléphone.
L’été dernier, il à fallu que je monte seul à Saint Jean, et le jour-même j’ai reçu une publicité pour des livres audio. D’habitude je supprime distraitement ces publicités, mais pas cette fois.
Quelques semaines plus tôt j’avais dû passer deux jours au lit, assommé de fièvre par un mauvais virus. J’étais si malade qu’une matinée n’avait pas suffi pour que je lise 44 planches de Spirou. Et un peu par hasard, je m’étais retrouvé à écouter l’un des « petits polars du Monde » qu’on trouve sur le site de France Culture.
Lors de votre prochain accès de fièvre je vous conseille d’écouter « Hostiles », cette nouvelle de Franck Thilliez qui m’a accompagné le temps d’ une après-midi. J’ai fermé les yeux, laissé le suspense et la fièvre monter, et les hallucinations n’ont pas tardé à venir me chatouiller. Parfois, un livre audio, c’est le son et l’image.
C’est avec ce souvenir à l’esprit que j’ai cliqué sur la publicité. Puis c’est la voix d’Eric-Herson Macarel, le porteur d’histoires lui-même, qui m’a mené jusqu’à Saint-Jean. J’ai profité de la route comme jamais. Elle n’était pas si horrible à bien y regarder. La raison me disait que tel arbre et telle ferme se trouvaient-là à chacune des fois précédentes. Mais, une voix intérieure, qui n’était pas vraiment un reproche, me soufflait que je n’avais pas pu ne pas remarquer ces beautés.
Je n’ai pas été malade sur la route. Et, plus important à mes yeux, je ne me suis pas ennuyé.
Alors je n’ai pas arrêté les livres audio.
Vous me croiserez peut-être un matin, avec deux écouteurs qui dépassent des oreilles et la voix délicieuse de Guy Moign qui leur injecte des images.
J’entame des romans tandis que je marche. J’avance de quelques chapitres durant mes courses. Et parfois, je m’endors comme un enfant avant la fin de l’histoire.
Un jour, je me demanderai pourquoi je préfère écouter des romans dans ces moments où je pourrais être seul avec moi-même.
Mais pour l’heure je n’ai pas le temps : j’ai une histoire à écouter.