reverie

La meilleure façon de choisir les melons

choisir les melons

Imaginez-moi devant un étal de melons.

Je commence par les regarder, puis j’en attrape un qui a une bonne bouille avant de le porter jusqu’à mon nez.

Jusqu’à récemment, c’était ma méthode à moi pour choisir les melons ; je choisissais celui qui a la meilleure odeur.

Seulement, cette façon de procéder à un défaut bien connu ; il suffit d’un melon très odorant pour parfumer tous ses voisins.

Autant dire que sentir un melon avant de le choisir tient plus du rituel que d’une méthode vraiment efficace.

Plus qu’un rituel, le choix des melons est en fait une sorte de religion.

Il y a ceux qui comme moi croient à l’odeur, ceux qui n’ont foi qu’en le poids du melon, et ceux qui comme Saint Thomas ont besoin d’y enfoncer le doigt pour en faire craquer la queue.

Mais ce ne sont là que les croyances les plus connues. Certains se fient à la texture craquelée, et d’autres au nombre de stries, d’autres encore ont recours à un instinct auquel je ne comprends rien

Imaginez-moi donc devant un étal de melons.

Le nez collé à l’un d’eux, pas forcément certain d’avoir trouvé le bon, mais pourtant parti pour lui laisser sa chance.

Imaginez vite parce que l’instant ne durera pas.

Déjà un homme a surgi dans mon dos, s’est arrêté à ma hauteur et s’est emparé du melon que j’ai choisi.
Le temps que je tourne la tête vers la gauche pour m’étonner de son geste, il a déjà reposé mon melon parmi ses semblables.

L’homme porte l’un de ces bérets que l’on ne croise habituellement que dans ces caricatures que les américains font parfois des français. Il lève là tête d’un air catégorique dans ma direction et je réalise qu’il m’arrive à peine plus haut que le nombril.

Il est bien plus vieux que tous les vieux que avez croisé.  Mais il y a dans son regard une autorité malicieuse qui me défend de contester lorsqu’il me tend un melon nonchalamment choisi.

Du pouce, il laisse tomber la queue déjà craquée du fruit et le dépose dans ma main avec un hochement de tête convaincu.

Je reste un instant dans la pose chère à Hamlet, le regard perdu dans mon melon avant de me tourner de nouveau en direction du vieux petit.

Mais l’angle du rayon voisin l’a déjà entraîné au loin.

Je ne le reverrai pas.

Si je vous rapportais les compliments que ce melon m’a valu de la part de mes hôtes, je ne suis pas certain que vous me croiriez.

Mais vous devinez que je suis retourné le lendemain devant le même étal de melons. Cette fois, j’ai pris le temps de les regarder avant d’en empoigner un. Je devais avoir l’ai bête, penché sur ces melons à inspecter leur queue.

Mon choix arrêté, j’ai tourné la tète vers la gauche et baissé les yeux avec le secret espoir d’obtenir l’assentiment de l’homme de la veille.

Mais je ne trouvai rien d’autre que le blanc du carrelage encore humide du magasin.

Par bonheur, j’ai mangé seul ce soir là. Et il s’en est fallu de peu pour que la moitié du melon finisse à la poubelle. La méthode qui avait réussi la veille ne m’avait cette fois valu qu’un melon farineux, aigre et peu sucré.

Je n’aime pas les envies inassouvies.
Alors le lendemain, je suis passé chez le vendeur de fruits qui est près de chez moi et lui ai demandé de me choisir un melon.

Il m’a tendu l’un des fruits et proposé de me montrer comment les choisir.
J’ai pincé le nez et décliné. Si j’avais osé, j’aurais voulu ajouter « Ce sont vos convictions religieuses, je n’ai pas à m’en mêler ».

Je suis revenu la semaine suivante, puis celle d’après et j’ai appris à connaître un peu celui que j’appelle désormais Léon et qui me tutoie tandis qu’il  choisit mes melons.

Je sais qu’il aime le Blues et qu’il fournit la plupart des meilleurs restaurants de la ville.
Souvent, il me dit qu’il souhaite prendre sa retraite et je fais semblant de le croire.

A présent, je me tourne toujours vers un inconnu lorsque j’envisage d’acheter un melon. C’est ainsi que j’ai rencontré Rémi, qui n’a pas de religion en matière de melons, mais qui m’a affirmé le plus sérieusement du monde connaître le Roi de la carotte.

Ses choix en matière de melon sont au mieux contestables, mais il s’y connaît en vin rosé comme personne.

Bientôt, je crois que crois que j’aurais plein d’histoires à raconter qui chacune auront pour point de départ le choix soigneux d’un melon.

Vous l’avez compris, je n’ai pas trouvé la méthode infaillible pour choisir les melons.
Mais je suis déjà impatient de connaître la votre.

Un commentaire

  1. Horreurs Musicales

    07.08.2014 at 17:00

    il y en a des bons des melons

    http://peoplez.over-blog.com/

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