et moi

Get on the bus

Dans les bus ça râle sévère. depuis qu’Avignon s’est récemment dotée d’un réseau de Transport tout neuf
Les petites vieilles ne sont pas ravies de voir mettre aux orties leurs décennies d’habitudes. Chacun y va de son petit mot sur le fait que c’était nettement mieux avant. Les gens semblent presque aussi désorientés que le web un jour de changement d’interface sur Facebook. C’est vous dire.

Et moi qui n’ai jamais décidé de passer mon permis de conduire, j’ai beaucoup de mal à cacher mon sourire. 
Les nouvelles lignes de bus passent plus fréquemment, et semblent avoir été pensées pour mon type de trajet. Pendant que les critiques fusent, je gagne un bon quart d’heure matin et soir. 
 
Sans parler des navettes. 
Afin d’inciter les gens à laisser leur voiture à l’extérieur du centre ville les auteurs des nouvelles ont mis en place des navettes  qui partent du parking des italiens  et filent jusqu’au cœur du centre ville, jusque très tard dans la nuit.
 
Puisque ce parking est à deux pas de chez moi, j’emprunte souvent l’une de ces navettes, ne serait-ce que parce qu’elles sont gratuites.
Je ne dois pas être le seul piéton à profiter de cette facilité mise en place avant tout pour les utilisateurs du parking.
De sorte qu’il a récemment été décidé de facturer la montée en navette quelque cinquante centimes lorsqu’elle s’opère depuis un autre arrêt que le parking des italiens. Un ticket gratuit permettant un aller-retour gratuit était dans le même temps crée, et distribué uniquement depuis le parking.
 
Les chauffeurs disposent donc de deux jeux de tickets, gratuits ou non qu’ils remettent aux voyageurs en fonction de leur point d’entrée sur la ligne.
Soit.
 
C’est l’un de ces tickets payants que j’aurais dû me voir remettre lorsque je suis monté dans la navette depuis la Place Pie tout à l’heure.  Sauf que la conductrice m’a rendu ma pièce dans un sourire. Avant de me glisser un ticket gratuit dans la main  d’un air entendu.
J’ai poinçonné le bout de carton, content, tandis qu’une dame montait à ma suite.
 
Je n’aurais probablement pas prêté attention à elle si la conductrice ne lui avait pas réclamé le prix d’un ticket pour monter. Je me suis adossé à la vitre tandis que la dame sortait une pièce de son porte-monnaie. Elle devait avoir pas loin de cinquante ans et portait un cartable en cuir magnifiquement usé par les années. Sa peau très noire révélait une probable origine africaine. 
 
Fasciné par le cartable, je n’ai pu m’empêcher de me demander pourquoi j’avais payé et pas elle.
Ma première impression était-elle la bonne ? La peau noire de la passagère lui avait-elle valu de payer ce qui m’avait été offert ?
Étaient-ce plutôt mes yeux verts m’avaient-ils valu une faveur de la conductrice ? 
Plus probablement, celle-ci ne pouvait raisonnablement offrir le trajet à tout le monde sans alerter ses supérieurs. 
Je suis resté adossé à la vitre tandis que mon regard est passé du cartable au volant. Bien incapable de sonder les âmes j’espérais, puéril, qu’un regard de celle qui conduisait allait me donner une piste. 
Puéril je vous dis. 
 
Lorsqu’elle a freiné un grand coup, et que chacun autour de moi s’est agrippé à l’objet de le plus proche j’étais à peu de chose de lui poser la question. 
C’était idiot bien sûr. 
Allais-je révéler à tout un bus que j’y étais rentré en fraude ? 
Pire, allais-je annoncer à ce même bus que j’avais à me plaindre que l’on m’ait fait une faveur ? 
Décidément idiot. 
 
Ce qui me tracassait évidemment, c’était ce sentiment qu’on avait eu recours à deux poids, deux mesures. Sans que je sois capable de démêler le véritable instrument de mesure, qui d’ailleurs n’existait peut être pas. La discrimination est par nature fondée sur un critère.
 
Je suis resté très sagement dans mon coin, et descendu à l’arrêt qui précédé de peu le parking des Italiens. 
Puisque le hasard a son humour bien à lui, la dame au beau cartable est descendue à ma suite. 

Alors, je suis rentré, avec mes doutes et mes non-dits.

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