Jean Phillippe Toussaint, lui n’était pas vierge en littérature lorsqu’il a publié celui-ci, c’est vous dire que j’avais déjà eu l’occasion de croiser son nom à l’occasion dans ces piles de livres anonymes qui encombrent les grandes surfaces.
Pas vraiment éclairé par un quatrième de couverture dithyrambique mais très superficiel signé Bernard Pivot, (il est ici) c’est donc en feuilletant l’ouvrage que j’ai pu me faire un avis sur l’écriture de Toussaint. Si cette première impression n’avait pas été positive, vous pensez bien que l’ouvrage serait resté sur son rayonnage. Au lieu de quoi, je l’ai adopté.
Je n’ai donc découvert la trame du roman qu’à mesure que les pages quittaient le flanc de ma main droite pour se réfugier dans le gauche , à ce moment, je n’avais pas même l’idée que La Vérité sur Marie put être le troisième né d’une série.
Mais au fond, cela n’a pas grande importance.
La vérité sur marie est une vision sensible d’un couple en crise qui s’est perdu et se retrouve. Voilà l’essentiel et, autant vous le dire tout de suite ;à la lecture ce sera presque tout.
Jean Philippe Toussaint choisit de se concentrer sur quelques évènements chacun très ramassés dans le temps mais relatés avec force détails et toutes la palette des impressions.
Le tout est servi par une écriture habile et extrêmement maitrisée qui parvient à saisir l’émotion de l’instant avec une précision d’orfèvre.
S’il est manifestement Maitre dans la description du sentiment amoureux j’ai toutefois regretté que Jean Philippe Toussaint n’ait ici choisi d’user sa plume qu’au service d’une non-histoire.
Voilà un roman visiblement écrit avec brio et passion mais sans grande imagination au risque de lasser par instants.
Au moment ou j’écris ces lignes, je reste désespérément perplexe.
Suis-je plus abasourdi par la qualité d’écriture et le travail de l’écrivain, ou déçu par le manque de travail du conteur ?
La question en mérite peut être pas de de réponse.
Il vaut bien mieux que je vous laisse avec un extrait du roman :
- Zahir n’avait d’autre état de conscience que la certitude d’être là, il avait cette certitude animale, silencieuse, tacite, infaillible. Ce qu’il y avait au delà de la stalle lui était inconnu, le ciel, la nuit et l’univers. Son pouvoir d’imagination se bornait aux parois qu’il avait devant lui, son esprit butait sur elles et rebondissait pour revenir aux nébulosités de sa propre conscience. C’était comme si des œillères mentales empêchaient Zahir de concevoir le monde au delà de son champ de vision, borné de toutes parts, noir, aveugle, métallique. Il était incapable de sortir des limites matérielles de son box, de se déplacer en esprit dans la nuit où volait le Boeing, il n’éprouvait pas ce désir immémorial de toujours vouloir repousser les limites pour aller voir au delà, et, à supposer même qu’il y fut parvenu, qu’il eut pu traverser en pensée les parois de l’avion – passant à travers sa peau rivetée, franchissant le fuselage- il serait aussitôt parti en vrille dans le ciel, les quatre fers en l’air, Icare se brûlant les ailes en voulant sortir du rêve qu’il était en train d’imaginer.