à vif, reverie

A grands coups de balai dans le mur

La lueur rosée qui recoure l’horizon derrière la voie ferrée face à ma fenêtre n’étaient pas apparues encore lorsque je me suis levée.
Cela doit signifier qu’il était moins de six heures. 
Peu importe, cela fait dix longs mois à présent que je ne dors plus. 
J’ai enfilé mon peignoir, le gris qui m’est un peu ample, sans passer par la salle de bains. 
Le miroir au dessus du lavabo me fait horreur, j’ai tant vieilli depuis deux ans…
Alors je suis allée jusqu’au fauteuil, le doigt fermement posé sur la télécommande de la télévision. 
L’écran a mis du temps à s’éclairer, j’ai bien pur qu’il ne soit près de la fin lui aussi, j’ai profité de ces instants pour chercher du bout des doigts le cas de brioches au sucre, celui que je laisse sous le pied gauche du fauteuil pour ne pas avoir à trop me lever. 
Le temps s’est écoulé, de William Leymergie à Jean-Pierre Pernaud, puis de Juiien Lepers à David Pujadas. 
J’aime bien Davd Pujadas. Cet homme a l’air si sage, si rassurant. Lorsqu’il murmure les nouvelles le monde à l’air un peu moins laid. 
 
J’aimerais bien monter le son pour l’entendre un peu mieux, mais ca aussi m’est interdit. 
Si je me risquais à monter le son de la télévision un peu plus fort ou me risquait à allumer une lampe elle saurait que je suis là.
Cette horrible femme a réussi à me salir la vie jusqu’à me priver de ce petit plaisir. 
Elle n’est pas loin, juste un étage au dessous, une vieille perfide, qui manipule tout le monde et fait du bruit pour le simple plaisir de me faire souffrir.
Jour et nuit ce bruit de perceuse et de marteau dans mon oreille,.
Jour et nuit depuis dix huit mois. 
Si seulement je savais pourquoi elle me déteste, je pourrais probablement résoudre ce problème dont le syndic de l’immeuble refuse de s’occuper.
Eux aussi, ils m’ont abandonnée. 

Quant à la police, elle refuse d’agir, ce n’est pas faute de l’appeler pourtant.
Alors le mois dernier, j’ai été parler à la voisine d’à coté, mais elle m’a répondu ne rien entendre de particulier. Comme par hasard…
Les voisins refusent de me croire, ils sont acquis à la cause de ma tortionnaire.
Elle sait si bien manipuler les gens.
Je me suis longtemps demandé comment elle parvenait à faire du bruit sans discontinuer, même lorsque des voisins prétendaient l’avoir croisée en ville.
Puis j’ai compris quand un jour j’ai croisé son fils dans l’escalier : elle et ses proches se relaient. 
Le stratagème est habile, les autres s’y sont fait prendre mais pas moi.
Je n’en  peux plus de subir, alors aujourd’hui j’ai décidé d’agir. 

Et puisqu’elle veut la guerre j’emploie des armes à sa mesure.

Ce ne sera pas bien difficile, cette simple boule de bois fera l’affaire. 
Cela fait trois heures déjà que je la laisse tomber à mes pieds et rebondir une fois ou deux. 
C’est un travail fatiguant bien sûr, mais dix huit mois de calvaire m’ont donné bien plus de force que je n’en ai besoin.
Soudain, de la lumière filtre sous la porte d’entrée. 
Des voix nombreuses se répondent sur le palier.
Je coupe le son du téléviseur et m’enfonce un peu plus dans le fauteuil. 
Puis un premier coup de sonnette vient confirmer mes craintes.


Sois forte ma fille.

Ils arrivent.

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