La cour d’appel de Rennes, dans un arrêt rendu le 30 octobre, a donné à un couple séparé de femmes homosexuelles la délégation d’autorité parentale avec exercice partagé, au profit de celle qui n’avait pas porté leur enfant. Dans son arrêt, la cour d’appel « dit que l’autorité parentale sur l’enfant sera ainsi partagée en Anne R et Emilie B pour tous les besoins de l’éducation de l’enfant ».Selon Anne B, animatrice de l’association de familles et de futur familles homoparentales « les enfants d’arc en ciel – l’asso », « Anne et Emilie sont le 2ème couple séparé en France à obtenir cette délégation, et le 1er à l’obtenir en appel » car le TGI d’Aix-en-Provence avait accordé une délégation d’autorité parentale à un couple de femmes le 10 septembre 2008. [source]
Mais il me semble souvent que les pages de pure information ne se prêtent que très mal à l’analyse et sont plus propices à générer des réactions « à chaud » qui procèdent bien plus souvent de l’opinion que de la raison.
- Qu’est ce que l’autorité parentale ?
L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant.
Elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.
Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité.
Mais à bien y regarder, la question posée au juge ici n’était pas de savoir si celle des deux femmes qui n’a pas porté l’enfant a bien la qualité de parent, :il ne s’agit pas d’un problème de filiation (qui en droit français ne peut être établie qu’à l’égard des pères et mère selon les articles 310 et suivants du code civil)
Non, la question qui était posée au juge c’était de savoir si l’ex compagne de la mère pouvait se voir accorder une délégation d’autorité parentale.
- Délégation de l’autorité parentale ?
Là encore, c’est le code civil, décidément bien utile, qui fournit la réponse en son article 376 issu lui aussi de la loi de 2002 évoquée supra.
C’est lui qui impose le recours au juge en la matière en ce qu’il dispose :
Aucune renonciation, aucune cession portant sur l’autorité parentale, ne peut avoir d’effet, si ce n’est en vertu d’un jugement dans les cas déterminés ci-dessous.
En l’espèce, puisque les deux parties s’entendent c’est nécessairement sur le fondement de l’article 377 du code civil que le juge a été saisi. (oui… pour ceux qui suivent, il s’agit toujours de la loi du 4.03.2002)
Selon le premier alinéa de ce texte :
Les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l’exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l’exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l’aide sociale à l’enfance.
- Une « avancée » ?
Ayant relevé, d’une part, que deux femmes vivaient ensemble et avaient conclu un pacte civil de solidarité et que l’une d’elle était la mère de deux jeunes enfants dont la filiation paternelle n’avait pas été établie, d’autre part, que les enfants étaient décrits comme étant épanouis, équilibrés et heureux, bénéficiant de l’amour, du respect, de l’autorité et de la sérénité nécessaires à leur développement, que la relation unissant les deux femmes était stable depuis de nombreuses années et considérée comme harmonieuse et fondée sur un respect de leur rôle auprès des enfant et que l’absence de filiation paternelle laissait craindre qu’en cas d’événement accidentel plaçant la mère, astreinte professionnellement à de longs trajets quotidiens, dans l’incapacité d’exprimer sa volonté, sa compagne ne se heurtât à une impossibilité juridique de tenir le rôle éducatif qu’elle avait toujours eu aux yeux des enfants, une cour d’appel a pu décider qu’il était de l’intérêt des enfants de déléguer partiellement l’exercice de l’autorité parentale dont la mère est seule titulaire à sa compagne et de le partager entre elles.
Si le droit existe c’est aussi pour mettre de la raison là où les individus agissent sur le fondement de la passion, pour imposer, à la façon de Braque ; « la règle qui corrige l’émotion »