Lorsqu’il l’avait vue passer sur la Piazza, Giovanbattista Penzo avait senti tout son être se contracter dans un frisson.
Il n’y avait pas que le désir dans cette impression étrange mais aussi l’ivresse d’une sensation absolue. Un sentiment bien plus fort en vérité que le jeune homme n’en avait jamais connu.
Non sans avoir précipitamment lancé à la volée deux pièces à l’adresse d’un serviteur, Giovanbattista avait quitté la terrasse pour se lancer à la poursuite de l’inconnue sans autre formalité.
Le serviteur surpris, avait tenté de héler ce jeune homme si pressé qu’il s’en allait en oubliant son chapeau autant que sa monnaie, en vain.
Le serviteur surpris, avait tenté de héler ce jeune homme si pressé qu’il s’en allait en oubliant son chapeau autant que sa monnaie, en vain.
La signorina marchait du pas assuré de celle qui connait sa route et se faufilait dans les ruelles si vite que Giovanbattista dut bousculer quelques passants pour ne pas la perdre de vue.
Les plis de sa jupe dansaient de droite et de gauche tel un métronome et imposaient leur rythme aux pas et aux pensées du jeune homme, envouté.
Bientôt Giovanbattista arriva à sa hauteur.
Aussitôt il se saisit du bras de la signorina dans un geste à la fois ferme et familier.
Aussitôt il se saisit du bras de la signorina dans un geste à la fois ferme et familier.
Lorsqu’elle se retourna, ses yeux noirs brillaient d’un éclat vif qui n’avait rien de l’expression de la surprise.
Avant même qu’il ne lui pose la question elle murmura : « Je suis Catarina. Catarina Filosi ».
Avant même qu’il ne lui pose la question elle murmura : « Je suis Catarina. Catarina Filosi ».
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Venise était d’ordinaire une ville animée dont les rues bruissaient des conversations d’une foule pressée. Mais depuis quelques jours ce climat s’était changé en une inquiétude latente et oppressante.
La rumeur véhiculait des images affreuses, celles de cadavres décomposés en quelques jours, celles de morts rapides et douloureuses.
La rumeur véhiculait des images affreuses, celles de cadavres décomposés en quelques jours, celles de morts rapides et douloureuses.
Mais pour Antonella Penzo ces maux n’avaient rien d’une rumeur.
Depuis quatre jours déjà la fièvre ne laissait aucun répit à son fils Giovanbattista dont le corps n’était plus à présent que convulsion et vomissement.
Tout ces symptômes et ces douleurs, selon la conviction de la signora, ne pouvaient être que le fait de cette Catarina.
Ce démon dont son fils avait eu la folie de s’enticher. Cette catin aux seins lourds dont les yeux trop insolents surmontaient des joues anormalement pâle n’avait apporté que le malheur sur sa maison.
Antonella Penzo se figea à ce stade de ses pensées ; un silence inquiétant venait de l’alerter ; un silence qui succédait aux bruits de toux et de crachats qui ne cessait depuis des jours de rythmer son quotidien de mère.
Affolée elle courut jusqu’à la chambre de Giovanbattista.
Les mains du jeune homme tenaient encore un drap maculé de bile. Son visage, figé dans cette grimace atroce qui suit de peu l’agonie arborait la teinte violacée qui distingue par delà la mort les victimes de la peste.
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Giuseppe Lorenzetti tenait à la main un flambeau. Dans les ténèbres, son courroux implacable toisait la face du vampire.
Il avait fallu deux gardes pour maitriser ce démon que l’on appelait Catarina. Elle s’était débattue, avait crié et tenté de mordre ses assaillants.
Mais l’exorciste, habitué de longue date à combattre le mal sous toutes ses formes, ne lui avait pas laissé la moindre chance.
Derrière lui, Antonnella Penza assistait à la scène dans un mélange de crainte et de fureur vengeresse ; incapable de détacher son regard de celui de Catarina ; ce démon qui par delà les tourments conservait cette froide insolence qui avait perdu son enfant.
Enfin, le prêtre s’approcha une brique à la main.
D’un geste il intima à ses hommes l’ordre d’ouvrir la gueule du vampire, puis murmura une prière avant de lui sceller la gueule.
D’un geste il intima à ses hommes l’ordre d’ouvrir la gueule du vampire, puis murmura une prière avant de lui sceller la gueule.
Bientôt, et pour la plus grande gloire de Dieu, tout serait fini. A jamais.
– ROME (Reuters) le 14.03.2009 –
Des chercheurs italiens pensent avoir découvert sur une île du lagon de Venise, dans une fosse commune remontant au XVIe siècle, les restes d’une femme « vampire » – tout au moins considérée comme telle par ses contemporains.Le corps retrouvé sur l’île de Lazzaretto Nuovo avait été enterré avec une brique coincée entre les mâchoires, probablement pour l’empêcher, selon les croyances de l’époque, de venir sucer le sang des victimes de la peste qui ravageait alors la Sérénissime. [source]
[référence : la peste et ses conséquences]