Billets, justice

Toute une histoire pour deux petites lettres…

C’est vrai qu’elle a de quoi émouvoir cette coquille qui s’est glissée dans l’arret rendu par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris et qui a amené par erreur à la libération de Jorge Mentès qui est soupçonné d’avoir commis des faits extrêmement graves. 
Ainsi que j’ai pu m’en rendre compte au vu des réactions de mon entourage (blogueurs compris) elle est en outre difficilement compréhensible compte tenu de la manière désordonnée dont elle a souvent été relatée par certains médias.




Rappel des faits
 Jorge Montès est un Francais d’origine Uruguayenne qui a déjà été condamné en 2007 pour des violences et agressions sexuelles commises en 2006. 
Il est actuellement soupçonné « d’avoir séquestré pendant deux semaines et violé une jeune femme au printemps 2006, puis d’en avoir violé une autre quelques jours plus tard sous la menace d’un couteau »
Il a ainsi été mis en examen par le juge d’instruction qui enquète actuellement sur ces faits. 
A ce stade, il tombe sous le coup de l’article 137 du code de procédure pénale qui dispose :

La personne mise en examen, présumée innocente, reste libre. Toutefois, en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté, elle peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire. Lorsque celles-ci se révèlent insuffisantes au regard de ces objectifs, elle peut, à titre exceptionnel, être placée en détention provisoire.

Le juge des libertés et de la détention ordonne sur le fondement de ce texte le placement sous contrôle judiciaire de Jorge Montès qui est (précision importante) présumé innocent.
Seulement voila, celui-ci viole les obligations de son contrôle judiciaire de sorte qu’il est placé en détention provisoire
Mécontent de cette décision, il en relève appel de sorte que  son cas est examinée par la chambre de l’instruction près la cour d’Appel de Paris.
Cette  dernière motive abondamment son arrêt au regard du texte applicable ; l’article 114 du code de procédure pénale.
Elle considère ainsi (reprenant les termes memes dudit article) que le « maintien en détention provisoire est nécessaire pour prévenir tout risque de pression sur les témoins ou les victimes » et que « la détention est l’unique moyen d’éviter tout renouvellement des infractions, dont le risque apparaît majeur au regard de la multiplicité des faits reprochés à l’intéressé ». [source]
La suite vous la connaissez, une coquille se glisse dans le dispositif de la décision de sorte que l’arrêt « infirme » la décision alors que la volonté de la cour était de la confirmer. 
En effet, seul le dispositif d’une décision de justice (la partie située après les termes par ces motifs)  est exécutoire. 
Conséquence inévitable : Jorge Montès est libéré. 
Il est cependant à nouveau placé sous un contrôle judiciaire strict qui lui impose notamment de se rendre chaque jour au commissariat et de ne pas entrer en contact avec les parties civiles. 
A défaut de respecter ces obligations il s’expose a être immédiatement replacé en détention provisoire.


Passablement échauffée par la journée de mobilisation organisée par les magistrats  la machine politique s’emballe.
La machine médiatique lui emboîte le pas aussitôt. 
On glose sur la dangerosité de l’individu remis en liberté, alors même qu’il est encore aujourd’hui présumé innocent. 
Le parquet général se fend d’un communiqué Byzantin et invoque la jurisprudence de la cour de cassation pour annoncer qu’aucun recours contre la défision n’est possible. 
Le bruit est tel qu’il parvient jusqu’à la chine où se trouve Nicolas Sarkozy qui annonce qu’un recours va -bien sûr- être introduit.
Miracle, certains médias semble découvrir que « la loi a prévu de telles situations » 




Un recours est il possible ?
En réalité plusieurs recours sont possibles. 
Je ne m’avancerais pas en revanche à préjuger de leurs chances de succès
  • Le recours le plus courant qui puisse être exercé  à l’encontre d’un arrêt de cour d’Appel, c’est le pourvoi en cassation. En termes simples,  ne s’agit pas vraiment de re-juger l’affaire mais de demander à la cour de cassation de d’annuler une décision qui aurait fait une mauvaise application d’une règle de droit. La difficulté en l’espèce, c’est qu’un pourvoi serait susceptible d’être évoqué avant plusieurs mois, or à cette date la question de la culpabilité de Jorge Mentès aura probablement été tranchée… Ce recours, trop lent est donc sans interet dans le cas qui nous occupe.
Tous incidents contentieux relatifs à l’exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence ; cette juridiction peut également procéder à la rectification des erreurs purement matérielles contenues dans ses décisions.
C »est ce dernier recours qui a d’ores et déjà été exercé et sur lequel la chambre de l’instruction statuera de nouveau avant la fin du mois. 
La,question subsidiaire, c’est bien entendu celle des chances de succès de la requête en qui a été déposée. Car la cour de cassation considère pour l’instant qu’une cour d’appel ne peut modifier « le fond du droit » lorsqu’elle est saisie d’une requête  en rectification d’erreur matérielle une erreur matérielle »
Dans ces conditions : 
  • soit la cour d’appel s’en tient à la position stricte de la cour de cassation et décide  qu’elle est incompétente pour modifier le fond du droit
  • soit elle décide de rectifier l’erreur (c’est le plus probable) et Jorge Mentès pourra s’il le souhaite former un pourvoi en cassation dont le succès n’est d’ailleurs pas garanti puisque cette dernière peut à tout moment modifier sa jurisprudence.  
Il est assez scandaleux dans cette affaire que l’on ait laissé croire qu’aucun recours n’était possible.
Il est d’autant plus agaçant que certains se soient abrités derrière la jurisprudence actuelle de la cour de cassation pour faire « enfler » l’affaire alors qu’elle est tout sauf intangible. 
L’erreur fait malheureusement partie de toutes les sphères professionnelles, magistrats compris.
C’est pour cette raison que des gardes-fou existent, c’est pour cette raison également que la question de leur amélioration est si essentielle.

MAJ le 29.10 : 
Jorge Mentès a été placé  aujourd’hui en garde à vue dans une autre affaire…vous noterez au passage l’utilisation récurrente du terme « violeur présumé » alors qu’à l’inverse il est encore… présumé innocent ! [source]

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