brèves, societé

Intimité et confort dans les prisons

Dans l’actualité aujourd’hui ont trouve au moins deux informations qui concernent les prisons et pourraient bien ne susciter que peu d’émoi.
Et pour cause, ces deux informations ont ceci en commun qu’elles concernent les conditions de vie des détenus dans les prisons françaises.

Le plus « léger » tout d’abord, c’est dans le Monde que ca se passe :
Au centre de détention de Riom (Puy-de-Dôme) en 2002, François Korber a eu la possibilité d’acheter un téléviseur pour 150,92 euros ou d’en louer un pour 33,54 euros par mois. Très logiquement, il a choisi la première solution, bien plus économique pour quelqu’un à qui il reste au moins sept ans de détention. Transféré en 2004 à Châteaudun (Eure-et-Loir), il arrive avec ses cartons et son téléviseur, qu’il est prié de laisser à la « fouille », l’endroit où sont placés les effets personnels que les détenus ne peuvent avoir dans leur cellule. Après moult protestations, il réussit à négocier la restitution de son poste, avant d’être à nouveau transféré à Fresnes (Val-de-Marne), où il restera quatre mois, puis à Melun. Dans les deux prisons, le téléviseur est resté à la fouille et François Korber a dû payer 36 euros par mois pour en louer un. [source]
François korber multiplie actuellement les procédures judiciaires. Il s’estime victime d’une forme de racket puisqu’on le met dans l’obligation de payer pour un bien qu’on l’a pourtant autorisé à emmener en prison avec lui… 

Cette histoire n’est certes pas « dramatique » au regard des évènements qui surviennent trop fréquemment dans nos prisons.
Pourtant elle me semble symptomatique d’une forme de mépris et d’injustice à l’encontre de nos détenus alors même que la prison devrait etre un lieu où justement on apprend la justice.
Il est quelque peu facile, il me semble, de s’émouvoir de nos prisons lorsqu’il y survient un drame tout en ignorant la somme des injustices quotidiennes qui ponctuent leur existence. 

Quelles injustices ? 
C’est encore le Monde qui nous apporte des précisions à ce sujet, alors même que le contrôleur général des prisons vient de rendre un rapport particulièrement critique au sujet du quotidien des détenus. 
Il y détaille des violations quotidiennes de l’intimité des détenus. 
En garde à vue, en prison, dans les centres de rétention et dans les hôpitaux psychiatriques, M. Delarue et la vingtaine de contrôleurs de son équipe ont recensé de nombreuses atteintes à ce droit « qui est une part de la dignité humaine ». Dans tous ces lieux, regrettent-ils, « la recherche de sécurité prévaut sur la préservation de la personnalité ». En outre, « les conditions de vie génèrent en elles-mêmes des atteintes à l’intimité ».
Retenus privés de stylos pour des raisons « de sécurité », femmes privées de soutien gorge pour les même raisons, fouilles intimes répétées et en public, difficulté à accéder à des toilettes fermées… les exemples sont multiples et témoignent d’un véritable mépris pour la dignité des détenus


Bien difficile pourtant de mobiliser sur un tel sujet. 
Le « détenu » souvent assimilé à un coupable dans l’opinion, peine à émouvoir et ses tourments semblent justifiés. 
Dans les faits pourtant les personnes visées par le rapport du contrôleur des prisons correspondent à des réalités bien souvent plus subtiles. 
Car ce rapport couvre l’ensemble de la réalité carcérale et constate des violations de ce type dans des situations très variées. 
  • Les fouilles intimes sont pratiquées en garde à vue, sur des gens qui, présumés innocents, n’ont pas été présentés à un juge et seront peut être relâchés à l’issue de la mesure après avoir été mis hors de cause.
  • La surpopulation et les privations injustifiées concernent les retenus, immigrés qui n’ont d’autre tort que de n’avoir pas de papiers et attendent leur expulsion.
  • Quant aux résidents de nos prisons, près de la moitié d’entre eux s’y trouvent en détention provisoire, eux aussi présumés innocents mais en attente d’un procès. 
Même à admettre l’idée d’une atteinte à la dignité des détenus qui serait justifiée par le fait qu’ils devraient souffrir pour expier actes qu’ils auraient commis, la réalité est tout bonnement injustifiable. 

Le contrôleur général des prisons balaie d’ailleurs d’un revers demain l’idée selon laquelle ces atteintes à la dignité humaine seraient acceptables et je le rejoins : 
Pour M. Delarue, il n’est pas possible de laisser se développer sans limites les mesures de sécurité. « La sécurité, insiste-t-il, passe aussi par le respect de l’intimité nécessaire, puisque la vie dans les lieux de privation de liberté sera d’autant plus pacifiée que les droits de la personne y sont reconnus. » Cela vaut pour les établissements concernés, mais aussi pour le reste de la société : « Il n’y aura de modifications importantes en prison qu’au jour où l’opinion aura compris que sa propre sécurité passe par une amélioration substantielle de la détention. » [source]

Que ce soit à court ou à long terme des conditions de vie difficiles dans les prions sont toujours contre productives.
A court terme elles sont dangereuses car elles sont à l’origine de conflits parfois violents ou de mutineries.

A plus long termes elles sont néfastes socialement.  Il ne faut jamais oublier que le détenu d’aujourd’hui est l’homme libre de demain et que le briser en prison c’est prendre le risque de relâcher un fauve. 
  
Mais je ne suis pas sûr que cela fasse un slogan politiquement très efficace… 

MAJ le 9.04.2009 : 
Un surveillant s’est suicidé dans la nuit de mercredi à jeudi à la maison d’arrêt de Luynes près d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), a-t-on appris auprès de l’administration pénitentiaire. […] Le Syndicat national pénitentiaire Force ouvrière et la CGT Pénitentiaire soulignent qu’il s’agit du neuvième suicide d’un membre du personnel de l’administration pénitentiaire depuis le début de l’année.
Quand j’ai écrit que de bonnes conditions de vie dans les prisons ca peut profiter à tous, je ne pensais pas à un seul coté des barreaux…
Billets, et moi, societé

Ces expulsions qui cristallisent la crise

J’aime répéter à mes proches que j’ai la chance d’être –à l’instant- relativement protégé des effets de la crise. 
26 ans, un emploi stable, des revenus certes moyens, mais des charges raisonnables et pas le moindre crédit en cours.
Pas eu le temps et les moyens d’investir que ce soit dans l’immobilier où en bourse.
Voilà autant de raisons pour lesquelles je n’ai pas directement perdu un centime depuis l’aube de la crise. 

Pourtant, je ressens quotidiennement les effets de la crise dans ma vie professionnelle. 
Ne vous affolez pas. La réputation du cabinet d’avocats au sein duquel je travaille comme son profil de clientèle l’ont à ce jour tenu à l’écart des ennuis. 
En réalité face à la crise le volume de mon travail n’a pas réduit : il a muté. 
Alors que les clients « particuliers » se font plus rares, plus pressés, plus exigeants aussi les dossiers de saisie immobilière nous arrivent dans des proportions inédites.
Il y a de tout dans ces dossiers complexes, chrono-phages et jamais neutres d’un point de vue humain.

J’y découvre des escrocs démasqués, des spéculateurs malheureux, des gens de bonne foi pris à la gorge aussi.  
Mais le trait commun à la plupart d’entre-eux est qu’ils n’arrivent plus à régler le crédit de l’immeuble qu’ils ont acquis.

A présent que la trêve hivernale vient de s’achever, je ne peux m’empêcher de penser que la situation va encore monter d’un cran. 
Je ne suis pas le seul d’ailleurs à en juger par les réactions contradictoires que suscite la récente annonce de la ministre du logement Christine Boutin. 
La mesure semblait pourtant consensuelle et légitime :

«Un préfet ne mettra plus à exécution un jugement d’expulsion sans proposer un relogement ou un hébergement pour les locataires dans l’impossibilité de payer leur loyer», précise la ministre. Elle s’apprête à le clamer haut et fort aux préfets ce jeudi, lors d’un déplacement à Châlons-en-Champagne. Selon le ministère, la mesure vaut aussi bien pour les locataires dits de «bonne foi» que de «mauvaise foi», ceux qui ont les moyens de payer leur logement mais ne le font pas. [source]

Libérer les locaux pas le biais d’une expulsion lorsque les loyers ne sont pas réglés : bien sûr. Mais rien ne peut justifier de mettre en connaissance de cause un individu à la rue. C’est tout simplement inacceptable humainement. A l’heure du droit au logement opposable (et bien que cette mesure soit très insatisfaisante) il n’est pas illégitime d’en tirer les conséquences et de prévenir les contentieux en amont en imposant une obligation de reloger le locataire. 



Mais s’il est un domaine au sein duquel se cristallisent les effets de la crise c’est bien le logement. De sorte que déjà les critiques fusent.
D’un coté ceux qu’on attendait ; ces associations à qui on ne la fait plus, qui rencontrent chaque jour des locataires dont la situation était déjà précaire avant la crise et qui n’arrivent plus à garder la tête hors de l’eau.
Ceux-là sont résolument convaincus que les moyens n’y seront pas, et particulièrement agacés par ce nouvel effet d’annonce.
De l’autre des propriétaires qui ont acheté au plus haut, emprunté  en conséquence et peinent à recouvrer les loyers qui leurs sont nécessaires pour ne pas sombrer eux-même sous le poids de leur dette. 
C’est avec une véritable fureur qu’ils accueillent cette mesure qui leur apparait  à la fois comme un déni de leurs problèmes et une prime aux tricheurs.

Ils sont nombreux, si l’on se fie aux commentaires suscités par l’annonce de Christine Boutin dans l’article du Figaro qui y fait référence. 

Morceaux choisis et non « retouchés » : 

  • Bravo, plus d’expulsion pour ceux qui ne payent pas les loyers et ensuite plus de propriétaires qui mettent leur bien en location, s’ils n’ont pas de quoi reloger. Vous aurez bonne mine Mme. De plus vous encourgez les locataires à ne pas payer leur loyer. (jean)
  • Enfin une EXCELLENTE mesure, je sais maintenant que si je paie plus mon loyer je ne pourrais plus être expulsé, alors ça s’arrose je vais au Shopi du coin pour acheter de la gnôle et arroser ça, mon proprio se fera indemniser par l’assistante sociale du quartier. (Victor) 
  • comment peut elle dire une chose pareille, Nous sommes propriétaire privé d’un logement que nous louons depuis 2005 à des gens sans scrupule. Tous les mois, nous devions allez les voir pour se faire régler le loyer mais depuis +d’ 1 an, ils ne payent plus rien. comprenez  » ils sont malades !!! » nous dit-elle. Tout le monde sait que qd on est malade on n’a plus besoin de payer son loyer !!!! Bref Que devons nous faire face à des gens aussi mal honnetes, qui manipule les autres. Même les politiques les défendent. le loyer est de 470 euros. Devons nous tous faire du social !! (chris)


Notez que leur grogne n’est pas raisonnablement défendable. L’idée de Christine Boutin n’étant pas à terme d’empêcher les expulsions mais de bien de reloger tout le monde.

Mais un sentiment n’a pas à être raisonnable.

Pour consternants que soient ces commentaires ils traduisent une détresse réelle.
Celle d’ex-classes moyennes qui se sentent pousser peu à peu dans les rangs des précaires et désignent de supposés fainéants qui seraient la cause principale de leurs maux. 
Car une fois de plus lorsque les choses vont mal, le bouc émissaire est plus qu’un principe d’explication : il est une cause patente…