à vif, Billets, brèves, coup de gueule

Le management panier à salade

Il y a de cela quelques mois, un ami cadre dans un groupe de taille importante me téléphone. Il  a le cafard, ca transpire dans sa voix. 
Sa direction vient de lui donner l’ordre de se séparer de l’un de ses subordonnés. 
Il ne s’agit pas d’un renvoi mais d’une mutation forcée, à quelques quarante kilomètres, effective sous huit jours. 
Forcément, je passe la conversation en mode juridique, judiciaire même. Je martèles mots « Prud’hommes » et « modification unilatérale du contrat de travail » de manière à ce qu’il soient retenus, et de préférence transmis. 
Puis je comprends que le salarié en question se trouve lui aussi à l’autre bout du fil, assis à coté d’un téléphone dont le haut parleur diffuse mes exclamations depuis bien cinq minutes. 
Et puis, au terme terme d’un entretien tendu, je comprends que mon indignation ne sert à rien.  Pour le salarié en question le problème est d’une simplicité désarmante : s’il refuse sa mutation il sera licencié. 
Peu importe que cette mesure soit une violation flagrante du code du travail.
Pour lui, saisir le conseil des prud’hommes signifie perdre son emploi, pour obtenir gain de cause sans doute, mais pas avant des mois… au mieux. 

Or, il ne peut pas se permettre d’attendre plusieurs mois, pas avec les charges qui sont les siennes. 


Billets, coup de gueule

Mercredi on va bien rire à l’assemblée

Je me suis probablement un peu emporté sur le titre. En fait mercredi 27 mai ce sont nos députés qui vont rire ; nous c’est moins sùr.

Telles que les choses sont prévues les parlementaires auront en effet à se prononcer ce jour là au sujet de deux authentiques grandes idées.

La première nous vient de Michèle Alliot Marie.
Le ministre de l’intérieur a une excuse ; elle peine à exister ces derniers temps, cernée qu’elle est au sein de cette UMP où chacun ne cesse d’y aller de son couplet sécuritaire. 
Quitte à se faire remarquer elle a donc choisi de  une valeur sûre : la lutte contre les chauffards, face auxquels décidément ; on ne fait jamais assez.
 
Le retour de la fille de la vengeance de la lutte contre les chauffards
Indéniablement il faut reconnaitre que la droite a beaucoup d’imagination en la matière…et aussi pas mal d’audace. 
Car il doit en falloir de l’audace pour ne pas hésiter à affirmer qu’il y aurait des « manques et des oublis à combler » dans les textes qui visent à réprimer la délinquance routière alors que les membres de la majorité actuelle n’ont cessé d’en voter depuis 2003 ! 

Il vrai toutefois que la cible est facile, le chauffard est un individu indéfendable n’est-ce pas ?
Le -toujours neutre- Figaro se fait donc un plaisir de lister dans son édition d’aujourd’hui les mesures destinées à réprimer un peu plus encore la délinquance routière. 
Florilège : [l’article complet est ici
  • En cas de conduite sans permis ou en cas d’excès de vitesse supérieur à 50 km/h « Le nouveau texte rend «obligatoire» la confiscation du véhicule, une sanction jusqu’alors laissée à l’appréciation du juge. Ce dernier gardera toutefois une marge de manœuvre. S’il ne prononce pas la confiscation, le magistrat devra motiver sa décision. »
  • En cas de conduite sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants, le véhicule pourra être confisqué. Une mesure qui pourra donc s’ajouter aux autres peines telles que des peines d’amende, de prison et pertes de points. Autre nouveauté : en cas de récidive, la confiscation sera là encore rendue «obligatoire». Autre cas de figure, le véhicule pourra être saisi si l’automobiliste refuse de se soumettre aux tests d’alcoolémie et de drogue.
Vous l’aurez noté, le principal objet du texte n’est pas de créer une nouvelle peine de confiscation mais bien de rendre obligatoire dans certains cas celle qui existe déjà à l’article  131-6 4° du code pénal.

Je m’arrête un instant. 
Le droit pénal repose notamment sur un principe d‘individualisation de la peine. [pour la bible en la matière c’est ici] L’idée centrale de ce principe c’est que la loi ne peut pas connaitre les individus  à priori de sorte qu’une sanction ne peut être adaptée et efficace que si elle tient compte de la personnalité du condamné. 

Ce principe va totalement à l’encontre d’un système de peines « automatiques » tel que l’on veut progressivement nous l’imposer par le biais des peines plancher » ou de la suspension de l’accès à internet… 
Voilà pour le grand écart juridique.
Vous savez à présent que la systématisation des confiscations de véhicules ne poursuit pas qu’un but comptable.


Je passe rapidement sur la question du trafic de points
Le figaro n’hésite pas à affirmer :

qu’ « Aucune peine n’existe pour sanctionner cette pratique consistant à acheter des points à un automobiliste ». [source]

Voilà donc une nouvelle mesure « sirocco » ;  juste bonne à brasser du vent.
Était-il réellement besoin d’un texte spécifique pour réprimer un « trafic de points » qui n’est rien d’autre qu’un usage de faux en écriture publique ?

Mais il y a mieux : 
« À la suite d’un accident mortel, l’automobiliste soupçonné d’avoir commis un excès de vitesse ou d’avoir à tort doublé une personne (…) pourra voir son permis suspendu durant 72 heures. Une mesure administrative suivie d’une suspension préfectorale allant jusqu’à un an. Aujourd’hui, la rétention et la suspension de six mois ne concernent que les dossiers d’alcoolémie, de stupéfiants et de grands excès de vitesse. «Il s’agit de combler un vide. Aujourd’hui, l’auteur d’un homicide involontaire pouvait conduire dès le lendemain dans l’attente de son jugement. Le préfet pourra donc lui interdire la route durant un an», précise-t-on. » [même source]
« soupçonné« , vous avez bien lu. 

Je m’arrête une seconde fois. 
Selon l’article 221-6 du code pénal
« Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende. » [source]
Plus précisément l’article 121-3 du même code dispose :

Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer.
Il n’y a point de contravention en cas de force majeure. [source]
Pas besoin d’être juriste pour comprendre que ces textes sont à la fois très complexes et très restrictifs. En droit il   ne suffit pas d’avoir tué quelqu’un involontairement pour que l’homicide involontaire soit constitué. 

La mesure proposée par le ministre de l’intérieur qui vise à permettre au préfet du suspendre le permis de conduire d’un individu : 
  • qui a des chances sérieuses d’être relaxé lors de son procès
  • sans qu’un magistrat ait à se prononcer sur le sujet
a de quoi faire dresser les cheveux sur la tête… 

Exténués par l’examen de ces mesures les députés auront encore l’occasion de rire un peu grâce à l’idée de l’ineffable Frédéric Lefevbre.

Il faut Libérer les Français du droit du travail
Protocole oblige, je  ne passerai pas tant de temps sur Frédéric Lefebvre que sur le ministre de l’intérieur. 

Et puis vous savez nécessairement déjà quel sort Frédéric Lefevbre propose de réserver aux salariés en arrêt maladie : 
Le député UMP Frédéric Lefebvre annonce qu’il entend déposer un nouvel amendement visant à permettre aux salariés de recourir au télétravail pendant leur congé maladie. [source]
Frédéric Lefebvre aussi a de l’audace, il en faut là encore pour oser affirmer que le code du travail serait une entrave aux droits des salariés. 

Pourtant cette affirmation délirante n’est pas un si mauvais coup politique, comme beaucoup des interventions fracassantes de F. Lefebvre.

Ce député c’est un peu le « mauvais flic » que l’on rencontre dans les polars celui qui n’est là que pour mettre le suspect en condition. 
Son travail est d’incarner à plein temps les valeurs de la droite la plus décomplexée pour rassurer le socle de l’électorat Sarkozyste. 
C’est aussi de proposer les mesures les plus dures pour que le chef de l’État n’ait plus qu’à apparaitre dans une posture de médiateur. 


Qu’on se le dise, dans la machine UMP le rôle de Frédéric Lefevbre est d’apparaitre comme le molosse qui fait peur de sorte que demain lorsque sa mesure sortira, votée mais amendée, on puisse se dire qu’on est passé très près de la catastrophe sans prendre le temps de comprendre ce qui vient  réellement de se jouer. 

A demain donc. 
On va bien s’amuser. 
Billets, coup de gueule, societé

Recherche campagne éléctorale desespérement

Il ne vous aura probablement pas échappé que les éléctions européennes auront lieu dans un mois environ.
Dans la négative je saurais difficilement vous en vouloir.


Car à la lecture des titres de la presse en ligne du jour la période pré-électorale n’est pas d’une grande évidence.
Il faut dire que l’actualité est brûlante…
  • Le Figaro s’attriste :

  • Qu’il s’agisse de la grippe ou de Monsieur Dream le Monde et 20 Minutes sont en mode « Viral » :

  • Quant à la rédaction de Libération  elle prépare déjà les présidentielles de 2012 sur le ton de la revanche :

Voila donc une merveilleuse occasion de saluer la courtoisie des médias.
Puisqu’il parait que les élections européennes n’intéressent pas les français qui considèrent majoritairement qu’elles « ne vont pas changer quelque chose à la situation actuelle de la France » il serait on ne peut plus grossier des les ennuyer avec ca…

Pour reposante qu’elle soit la situation a toutefois des inconvénients.
Prenez le pauvre Claude Guéant par exemple. 
Lui qu’on supposait pourtant bien informé de la chose politique vient seulement de découvrir ces listes « anti-sionistes » de Dieudonné qui m’avaient tant ému il y a déjà six semaines.
Il s’indigne tout d’abord du fait que :

« les citoyens français vont participer au financement de listes qui professent de telles attitudes » [source]

Je veux bien qu’on se pose ce genre de questions… 
Mais alors bientôt il faudra aussi demander à un électeur de François Bayrou s’il apprécie de participer au financement des listes d’Olivier Besancenot.
Ça pourrait devenir gênant à force. 
Il a ensuite précisé :
« Une liste peut se présenter si elle est conforme à toutes les spécifications juridiques. Si elle tombait sous le coup de la loi, elle ne pourrait le faire », a-t-il expliqué. « Une étude est en cours pour voir si une telle liste (…) peut juridiquement se présenter ». [même source]
Là encore je veux bien… 
Mais  alors il faudra peut être aussi s’intéresser de près aux propos des membres des listes du Front National ou du Parti de la France (fondé par Carl Lang). 
Ça risque de prendre du temps et de poser quelques problèmes… 
A moi il m’avait semblé que les meilleures armes dont dispose la démocratie pour lutter contre ce qu’elle juge inacceptable ce sont le débat et la sanction du suffrage universel.
Mais je peux me tromper.


D’ailleurs cela contraindrait les parti(e)s en présence à débattre sur le fond ; or souvenez-vous ; les élections européennes ca n’intéresse pas les Français.

D’autant que d’un point de vue politique il est tellement plus productif d’occulter la question Européenne pour ne jamais débattre des questions de société qu’au  niveau national.    

Peu importe  que dans les faits environ la moitié de l’agenda du parlement consiste à « transposer » en droit Français des  normes décidées à l’échelon européen.
 
Souvenez-vous l’été dernier, lorsque le Parlement Français s’est prononcé au sujet des OGM.
L’opposition a pu « marquer le coup » José Bové en tête et lancer un grand débat qui a intéressé la France entière. 


Pourtant, ce débat était aussi stérile que vain dès lors qu’il ne s’agissait que de transposer la directive communautaire 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement. 

Il y avait d’ailleurs urgence à transposer cette directive, puisque la France qui était tenue de le faire au plus tard le… 17 octobre 2002, ne cessait d’être condamnée à des pénalités financières du fait de son retard.


Voilà un débat qui a mobilisé l’opinion publique, les politiques et l’ensemble de la presse… alors qu’il avait été tranché quelques 8 ans plus tôt.
Si tous ceux-là s’étaient mobilisés sur le sujet lors des élections européennes de 1999 les choses se seraient peut être passées autrement.

Seulement, à l’époque déjà ca n’intéressait pas les Français