Billets, coup de gueule

Mercredi on va bien rire à l’assemblée

Je me suis probablement un peu emporté sur le titre. En fait mercredi 27 mai ce sont nos députés qui vont rire ; nous c’est moins sùr.

Telles que les choses sont prévues les parlementaires auront en effet à se prononcer ce jour là au sujet de deux authentiques grandes idées.

La première nous vient de Michèle Alliot Marie.
Le ministre de l’intérieur a une excuse ; elle peine à exister ces derniers temps, cernée qu’elle est au sein de cette UMP où chacun ne cesse d’y aller de son couplet sécuritaire. 
Quitte à se faire remarquer elle a donc choisi de  une valeur sûre : la lutte contre les chauffards, face auxquels décidément ; on ne fait jamais assez.
 
Le retour de la fille de la vengeance de la lutte contre les chauffards
Indéniablement il faut reconnaitre que la droite a beaucoup d’imagination en la matière…et aussi pas mal d’audace. 
Car il doit en falloir de l’audace pour ne pas hésiter à affirmer qu’il y aurait des « manques et des oublis à combler » dans les textes qui visent à réprimer la délinquance routière alors que les membres de la majorité actuelle n’ont cessé d’en voter depuis 2003 ! 

Il vrai toutefois que la cible est facile, le chauffard est un individu indéfendable n’est-ce pas ?
Le -toujours neutre- Figaro se fait donc un plaisir de lister dans son édition d’aujourd’hui les mesures destinées à réprimer un peu plus encore la délinquance routière. 
Florilège : [l’article complet est ici
  • En cas de conduite sans permis ou en cas d’excès de vitesse supérieur à 50 km/h « Le nouveau texte rend «obligatoire» la confiscation du véhicule, une sanction jusqu’alors laissée à l’appréciation du juge. Ce dernier gardera toutefois une marge de manœuvre. S’il ne prononce pas la confiscation, le magistrat devra motiver sa décision. »
  • En cas de conduite sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants, le véhicule pourra être confisqué. Une mesure qui pourra donc s’ajouter aux autres peines telles que des peines d’amende, de prison et pertes de points. Autre nouveauté : en cas de récidive, la confiscation sera là encore rendue «obligatoire». Autre cas de figure, le véhicule pourra être saisi si l’automobiliste refuse de se soumettre aux tests d’alcoolémie et de drogue.
Vous l’aurez noté, le principal objet du texte n’est pas de créer une nouvelle peine de confiscation mais bien de rendre obligatoire dans certains cas celle qui existe déjà à l’article  131-6 4° du code pénal.

Je m’arrête un instant. 
Le droit pénal repose notamment sur un principe d‘individualisation de la peine. [pour la bible en la matière c’est ici] L’idée centrale de ce principe c’est que la loi ne peut pas connaitre les individus  à priori de sorte qu’une sanction ne peut être adaptée et efficace que si elle tient compte de la personnalité du condamné. 

Ce principe va totalement à l’encontre d’un système de peines « automatiques » tel que l’on veut progressivement nous l’imposer par le biais des peines plancher » ou de la suspension de l’accès à internet… 
Voilà pour le grand écart juridique.
Vous savez à présent que la systématisation des confiscations de véhicules ne poursuit pas qu’un but comptable.


Je passe rapidement sur la question du trafic de points
Le figaro n’hésite pas à affirmer :

qu’ « Aucune peine n’existe pour sanctionner cette pratique consistant à acheter des points à un automobiliste ». [source]

Voilà donc une nouvelle mesure « sirocco » ;  juste bonne à brasser du vent.
Était-il réellement besoin d’un texte spécifique pour réprimer un « trafic de points » qui n’est rien d’autre qu’un usage de faux en écriture publique ?

Mais il y a mieux : 
« À la suite d’un accident mortel, l’automobiliste soupçonné d’avoir commis un excès de vitesse ou d’avoir à tort doublé une personne (…) pourra voir son permis suspendu durant 72 heures. Une mesure administrative suivie d’une suspension préfectorale allant jusqu’à un an. Aujourd’hui, la rétention et la suspension de six mois ne concernent que les dossiers d’alcoolémie, de stupéfiants et de grands excès de vitesse. «Il s’agit de combler un vide. Aujourd’hui, l’auteur d’un homicide involontaire pouvait conduire dès le lendemain dans l’attente de son jugement. Le préfet pourra donc lui interdire la route durant un an», précise-t-on. » [même source]
« soupçonné« , vous avez bien lu. 

Je m’arrête une seconde fois. 
Selon l’article 221-6 du code pénal
« Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende. » [source]
Plus précisément l’article 121-3 du même code dispose :

Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer.
Il n’y a point de contravention en cas de force majeure. [source]
Pas besoin d’être juriste pour comprendre que ces textes sont à la fois très complexes et très restrictifs. En droit il   ne suffit pas d’avoir tué quelqu’un involontairement pour que l’homicide involontaire soit constitué. 

La mesure proposée par le ministre de l’intérieur qui vise à permettre au préfet du suspendre le permis de conduire d’un individu : 
  • qui a des chances sérieuses d’être relaxé lors de son procès
  • sans qu’un magistrat ait à se prononcer sur le sujet
a de quoi faire dresser les cheveux sur la tête… 

Exténués par l’examen de ces mesures les députés auront encore l’occasion de rire un peu grâce à l’idée de l’ineffable Frédéric Lefevbre.

Il faut Libérer les Français du droit du travail
Protocole oblige, je  ne passerai pas tant de temps sur Frédéric Lefebvre que sur le ministre de l’intérieur. 

Et puis vous savez nécessairement déjà quel sort Frédéric Lefevbre propose de réserver aux salariés en arrêt maladie : 
Le député UMP Frédéric Lefebvre annonce qu’il entend déposer un nouvel amendement visant à permettre aux salariés de recourir au télétravail pendant leur congé maladie. [source]
Frédéric Lefebvre aussi a de l’audace, il en faut là encore pour oser affirmer que le code du travail serait une entrave aux droits des salariés. 

Pourtant cette affirmation délirante n’est pas un si mauvais coup politique, comme beaucoup des interventions fracassantes de F. Lefebvre.

Ce député c’est un peu le « mauvais flic » que l’on rencontre dans les polars celui qui n’est là que pour mettre le suspect en condition. 
Son travail est d’incarner à plein temps les valeurs de la droite la plus décomplexée pour rassurer le socle de l’électorat Sarkozyste. 
C’est aussi de proposer les mesures les plus dures pour que le chef de l’État n’ait plus qu’à apparaitre dans une posture de médiateur. 


Qu’on se le dise, dans la machine UMP le rôle de Frédéric Lefevbre est d’apparaitre comme le molosse qui fait peur de sorte que demain lorsque sa mesure sortira, votée mais amendée, on puisse se dire qu’on est passé très près de la catastrophe sans prendre le temps de comprendre ce qui vient  réellement de se jouer. 

A demain donc. 
On va bien s’amuser. 

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