Décidément, cette année le hasard met la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) sur ma route.
Hier soir, j’ai raté mon train à quelques secondes, de sorte que j’ai été contraint de prendre un car qui m’a déposé (très) loin de chez moi.
Il était vingt heures et les quarante minutes de transport supplémentaires qui m’étaient nécessaires m’ennuyaient au point de justifier que je passe la portière du Taxi qui se trouvait devant moi.
C’est sur la banquette arrière que j’ai croisé ladite LFSS.
Pas toute la loi, seulement son article 44.
Cet article, il ne le connaissait pas par cœur mon chauffeur de Taxi. Bien sûr. Mais pourtant il sera en grève demain. Et il ne sera pas tout seul en France si j’en crois RMC.
Pourquoi ?
Tout simplement parce que l’article 44 de la LFSS prévoit en substance que
– De nouveaux modes d’organisation et de financement des transports de patients peuvent être expérimentés dans un ou plusieurs territoires à compter du 1er janvier 2013 et pour une période n’excédant pas trois ans. (…)– Ces expérimentations sont menées par les agences régionales de santé et donnent lieu à une procédure d’appel d’offres– [Dans cette hypothèse], les prescriptions de transport établies par un professionnel de santé exerçant dans les territoires définis pour l’expérimentation [sont] prises en charge par les régimes obligatoires d’assurance maladie.? [l’intégralité de l’article est ici]
En résumé,
l’état, qui envisage tout un tas de solutions pour faire des économies a décidé de soumettre progressivement les transports de malades à une procédures d’appel d’offre alors qu’aujourd’hui le malade qui s’est vu prescrire un bon de santé se fait transporter par le taxi de son choix.
Hier soir, mon Taxi hurlait que les patients allaient être sacrifiés par cette réforme puisqu’ils seraient à l’avenir transportés par de grosses structures déshumanisées dans des conditions de confort moindres.
L’argument m’a fait sourire.
Mais il pointe un élément pertinent ; les « grosses entreprises » telles que Transdev (filiale de Véolia) sont beaucoup mieux armées que les sociétés de Taxi pour répondre aux appels d’offres qui ne manqueront pas d’être lancés.
Or les dégâts dans les rangs des taxis risquent d’être considérables.
Selon des chiffres certifiés par mon chauffeur d’hier soir (c’est dire leur fiabilité) il y aurait 450 licences de Taxi en circulation en Vaucluse, dont 350 dépendraient essentiellement du chiffre d’affaire généré par le transport de malades.
Ces chiffres me paraissent assez cohérents puisque l’assurance maladie recense un peu plus de 250 sociétés de Taxis conventionnés en Vaucluse.
Sur le principe il est difficile de contester cette mesure, qui vise à faire économiser 3,5 milliards d’euros par an à l’Assurance-maladie.
Mais je ne peux m’empêcher de regretter que cette mesure ne s’accompagne pas d’une réflexion plus profonde sur la profession de Taxi qui me parait à bout de souffle.
Voilà une profession strictement réglementée, dont l’exercice suppose de très lourds investissements, répartis pour l’essentiel entre l’achat d’un véhicule et d’un très couteuse licence.
Le cout de cette licence garantit la rareté des taxis (On recense 1 taxi pour 72 habitants à Dublin contre 1 pour 360 à Paris) et justifie le maintient de leurs tarifs luxueux et par ailleurs réglementés.
La conséquence de ces tarifs c’est qu’aujourd’hui, personne ou presque ne songe à prendre un taxi, sauf nécessité ou agacement ponctuel décrit plus haut.
Personne sauf quelques rares professionnels aisés qui font passer cet type de transport en notes de frais. (ce qui signifie que ces transports sont en partie financés par la collectivité sous forme de déductions d’impôt)
Et bien sûr les malades munis d’un bon de transport.
A ce stade de cet article je me demande comment on en est arrivés là.
Comment on a pu souhaiter mettre sous perfusion la quasi totalité d’une profession composée de plus de 51.000 presonnes au point de la rendre dépendante des financements en provenance de la sécurité sociale.
Et comment dans le même temps on a pu dégouter l’immense majorité des Français de leur propres Taxis au point qu’ils se mettent à leur préférer ces compagnies de chauffeurs privés qui fleurissent un peu partout.