Billets, coup de gueule, societé

Une Utopie Salie [article à trolls]

Pour une fois j’ai envie de vous parler d’un procès  sur un autre versant que du simple point de vue juridique.

J’apprends en effet à l’instant par le journal en ligne Avignews que le  cinéma Utopia auquel je me rends souvent vient  d’être attrait devant le Tribunal de Grande Instance d’Avignon pour des faits d’incitation à la haine raciale et d’antisémitisme par « l’association culturelle juive des Alpilles » basée à Saint-Rémy-de-Provence.
Puisque je n’ai rien d’un lecteur fidèle du Figaro ,j’ai raté la tribune publiée par Yann MOIX dans le Figaro cet été qui semble avoir mis le feu aux pellicules , de sorte que j’ai été éminemment surpris par cette nouvelle.
Utopia, c’est un réseau de Cinémas indépendants dont j’apprécie la programmation originale. C’est aussi un lieu clairement proche de l’extrême
gauche qui organise fréquemment des séances suivies de débats, sur des sujets aussi divers que l’histoire de Mayotte ou la défense des sans papiers.
En dépit de ce que ma coiffure pourrait laisser supposer l’endroit n’a donc rien d’un repaire de skin-heads
Tout à ma surprise, je me suis rendu sur le blog d’Utopia qui publie un article sur cette affaire afin de tenter de forger ma pensée. 
Billets, societé

Oeil au beurre noir pour mariage gris

Vous n’avez sans doute pas échappé à la tempête médiatique qu’a déchainé le récent communiqué d’Éric besson au sujet des « mariages gris ». 

Dans la négative, voici un extrait dudit communiqué : 

Éric BESSON, ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire, a engagé mercredi 18 novembre 2009 une réflexion relative aux mariages frauduleux où l’un des deux époux a l’intention de mener une vie commune et de fonder une famille, et est abusé par l’autre. Ces femmes et ces hommes sincères, dont beaucoup sont des ressortissants étrangers en situation régulière ou des Français issus de l’immigration, se retrouvent pris au piège et souvent victimes de pressions et de violences morales et physiques. Ce type d’union frauduleuse est souvent dénommée par les experts, les juristes, et les victimes elles-mêmes, « mariages gris », pour les distinguer de la catégorie générale des « mariages blancs ».

Alerté par un nombre croissant de victimes, Eric BESSON a confié à Claude GREFF, Députée d’Indre-et-Loire, la charge de conduire ces travaux, et décidé de conclure une convention avec l’Association Nationale des Victimes de l’Insécurité, afin de mettre en place un site Internet permettant de recueillir les témoignages des victimes et de les faire bénéficier de conseils. »  [source]

Le danger lorsqu’on évoque le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire c’est toujours d’avoir une réaction épidermique, purement émotionnelle. 

Quiconque connait peu ou prou un étranger qui a été confronté à cette administration sait bien dans quelle mesure elle peut avoir tout en commun avec les machines inhumaines chères à Kafka.
brèves, justice, societé

L’autorité parentale n’est pas reservée aux lesbiennes

 J’ai appris hier soir sur le site du Monde la nouvelle suivante : 
La cour d’appel de Rennes, dans un arrêt rendu le 30 octobre, a donné à un couple séparé de femmes homosexuelles la délégation d’autorité parentale avec exercice partagé, au profit de celle qui n’avait pas porté leur enfant. Dans son arrêt, la cour d’appel « dit que l’autorité parentale sur l’enfant sera ainsi partagée en Anne R et Emilie B pour tous les besoins de l’éducation de l’enfant ».

Selon Anne B, animatrice de l’association de familles et de futur familles homoparentales « les enfants d’arc en ciel – l’asso », « Anne et Emilie sont le 2ème couple séparé en France à obtenir cette délégation, et le 1er à l’obtenir en appel » car le TGI d’Aix-en-Provence avait accordé une délégation d’autorité parentale à un couple de femmes le 10 septembre 2008. [source]
Curieux, j’ai recherché cette décision sur le net, vainement puisqu’elle ne semble pas encore avoir été publiée. 
Je suis donc retourné consulter l’article du Monde, et son faux jumeau du Point afin de consulter les extraits de l’arrêt et me faire une petite idée de sa motivation. 

C’est précisément à ce moment là que mon regard a été attiré par un commentaire aussi peu amène que pertinent.
Alors, j’ai pris le temps de lire la page « commentaire » de l’article ; et une fois encore j’ai compris pourquoi les grands journaux « cachent » leurs commentaires sur des pages distinctes.

Ne vous méprenez pas, je suis par principe un grand défenseur des commentaires sur le net, tout autant d’ailleurs que je suis heureux lorsque les vôtres viennent ponctuer ma prose.

Mais il me semble souvent que les pages de pure information ne se prêtent que très mal à l’analyse et sont plus propices à générer des réactions « à chaud » 
qui procèdent bien plus souvent de l’opinion que de la raison.

Sous l’article évoqué plus haut on pouvait lire les réactions traditionnelles sur l’homo-parentalité.
Celles-là ne intéressent pas. 
Et puis, l’amie Valérie est bien plus drôle, et douée que moi pour leur répondre.

Non, j’ai été frappé par le décalage entre mon analyse de la situation -celle d’un  individu qui pratique le droit de la famille tout au long de l’année- et celle du lecteur profane, qui montre par son commentaire qu’il n’a rien compris puisqu’on ne lui a rien expliqué.
C’est le cas de celle-ci par exemple :
Ou de ceux-là aussi : 

L’objet de cet article n’est pas de leur jeter la pierre ou de critiquer leur manque de connaissance juridique. 
Le fautif dans ce cas, ce n’est pas celui qui se trompe mais celui qui a mal expliqué.
Ce qui va suivre a donc vocation a éclairer leur réflexion de même que la votre.

Or le plus simple pour lever un malentendu il me semble que c’est encore de préciser quelques notions. 


  • Qu’est ce que l’autorité parentale ?
Pour le juriste, l’autorité parentale ce n’est pas simplement le fait de se fâcher tout rouge lorsque votre en ant de moins de treize ans veut sortir à point d’heure.

Non, c’est une notion inventée par un loi N°2002-303 du 4.03.2002 qui a introduit dans notre code civil un article 371-1 libellé en ces termes : 

L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant.

Elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.

Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité.

 Mais à bien y regarder, la question posée au juge ici n’était pas de savoir si celle des deux femmes qui n’a pas porté l’enfant a bien la qualité de parent, :il ne s’agit pas d’un problème de filiation (qui en droit français ne peut être établie qu’à l’égard des pères et mère selon les articles 310 et suivants du code civil)


Non, la question qui était posée au juge c’était de savoir si l’ex compagne de la mère pouvait se voir accorder une délégation d’autorité parentale. 

  • Délégation de l’autorité parentale ?

Là encore, c’est le code civil, décidément bien utile, qui fournit la réponse en son article 376 issu lui aussi de la loi de 2002 évoquée supra. 


C’est lui qui impose le recours au juge en la matière en ce qu’il dispose :

Aucune renonciation, aucune cession portant sur l’autorité parentale, ne peut avoir d’effet, si ce n’est en vertu d’un jugement dans les cas déterminés ci-dessous.

La volonté de judiciariser la délégation d’autorité parentale ,vivement critiquée dans les commentaires qui précèdent, ne relève pas d’un caprice ou d’une revendication. 
Oui, il appartient à la justice de donner son avis en la matière : mieux elle est la seule à pouvoir le faire. 

En l’espèce, puisque les deux parties s’entendent c’est nécessairement sur le fondement de l’article 377 du code civil que le juge a été saisi. (oui… pour ceux qui suivent, il s’agit toujours de la loi du 4.03.2002) 
Selon le premier alinéa de ce texte : 

Les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l’exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l’exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l’aide sociale à l’enfance.

En l’espèce, il était donc demandé à la Cour d’accorder une délégation  partielle d’autorité parentale à celle des deux parties qui n’est pas la mère en sa qualité de « tiers, proche digne de confiance »  ; demande à laquelle elle a estimé devoir faire droit.

Ceux qui s’inquiètent de la possibilité pour les beaux parents d’obtenir ce type de mesure peuvent donc dès à présent se rassurer : ils y ont tout autant droit.

  • Une « avancée » ? 
La solution est d’ailleurs tout a fait conforme au droit « positif » (lisez « en vigueur ») pour avoir déjà été consacrée en des circonstances similaires par un arrêt rendu le 24.02.2006 par la 1° chambre civile de la cour de cassation dont voici « l’attendu de principe » : 

Ayant relevé, d’une part, que deux femmes vivaient ensemble et avaient conclu un pacte civil de solidarité et que l’une d’elle était la mère de deux jeunes enfants dont la filiation paternelle n’avait pas été établie, d’autre part, que les enfants étaient décrits comme étant épanouis, équilibrés et heureux, bénéficiant de l’amour, du respect, de l’autorité et de la sérénité nécessaires à leur développement, que la relation unissant les deux femmes était stable depuis de nombreuses années et considérée comme harmonieuse et fondée sur un respect de leur rôle auprès des enfant et que l’absence de filiation paternelle laissait craindre qu’en cas d’événement accidentel plaçant la mère, astreinte professionnellement à de longs trajets quotidiens, dans l’incapacité d’exprimer sa volonté, sa compagne ne se heurtât à une impossibilité juridique de tenir le rôle éducatif qu’elle avait toujours eu aux yeux des enfants, une cour d’appel a pu décider qu’il était de l’intérêt des enfants de déléguer partiellement l’exercice de l’autorité parentale dont la mère est seule titulaire à sa compagne et de le partager entre elles. 

Il ne s’agit donc pas d’une solution inédite au regard de notre droit pas plus que d’une décision fondée sur l’homosexualité de l’un des « parents ». 

Si le droit existe c’est aussi pour mettre de la raison là où les individus agissent sur le fondement de la passion, pour imposer, à la façon de Braque  ; « la règle qui corrige l’émotion »

Or, de ce point de vue la Cour d’Appel de Rennes a fait un bien meilleur travail que la plupart des articles qui en ont rendu compte.