à vif, SNCF

Après le placard

On connaît tous des gens qui ne supportent pas la moindre contrariété.

J’en connais un qui frappe des deux pieds sur le sol au moindre ralentissement de son ordinateur.
Et un autre qui part rouler des heures en voiture dès qu’une déception se présente.
Lucien quant à lui se mettait dans des colères redoutables au moindre retard de train.

Les agents de la SNCF l’avaient repéré à force et préféraient s’enfermer dans leur local plutôt que de l’entendre réclamer des explications.

On peut les comprendre, bien sûr, pourquoi supporter une soufflante au nom de l’institution quant soit même on est fidèle au poste, et totalement étranger à ce que subissent les usagers ?

Pourtant, il n’est pas bien impressionnant Lucien quant il s’énerve, avec sa voix haut perchée et sa couronne de cheveux gris.

S’il lui prenait l’envie de vous frapper, les épaisses bagues qu’il porte à chaque doigt feraient bien quelques dégâts. Mais son truc à Lucien c’est de râler bien fort, puis de souffler jusqu’à ce que ça passe.

Je le sais bien moi. J’en ai passé des heures à attendre des trains, sur un quai à coté de lui.

Pourtant, on a mis quelques années à se parler avec Lucien. Ses agacements permanents m’amusaient mais ne m’incitaient pas à lier connaissance.

Mais un jour, les muscles figés par le mistral glaçant et lassé d’avoir trop attendu un train au départ  sans cesse retardé, j’ai proposé de partager un taxi.

Continuer la lecture…

à vif

Quelques mots sur Clara

Elle a une drôle d’allure Clara.

Un petit corps frêle qui lui donne des airs d’adolescente, dominé par des grands yeux noirs encore fatigués d’avoir trop pleuré. Et des brulures anciennes qui sillonnent son visage. On a brûlé Clara. On lui a cassé les dents. Et pourtant elle sourit alors qu’elle se laisse tomber sur le siège au moment même où le train démarre.

Elle me dit qu’elle aime bien s’asseoir à coté de moi tandis qu’elle fait descendre un accoudoir.

Elle ajoute que je suis son porte-bonheur car les contrôleurs ne la verbalisent jamais lorsque je suis avec elle.

Il faut savoir qu’elle n’a jamais de billet Clara.

Je le sais, comme chacun des habitués. Tout comme je sais que les contrôleurs, pas dupes de ses manèges, font pour la plupart semblant de ne pas la voir.

Un soir, j’ai proposé de lui payer le billet, et ajouté que ce serait dommage de prendre une amende pour si peu. Elle a accepté les quatre euros que je lui tendais à condition que je lui laisse les garder pour acheter à manger plus tard dans la soirée.

J’ai accepté, et regretté aussitôt d’avoir pensé qu’il s’agissait d’une petite somme.

Depuis, je sais que certaines choses ne changent pas ; le soleil se lève le matin et Clara n’a pas de billet. Jamais bien certain de connaitre le retard du train, je me sens un peu rassuré d’avoir au moins la certitude que Clara n’a pas de billet.

A l’occasion, elle a l’index ceint d’un pansement et ses cheveux rares par endroits laissent apparaître une plaie pas vraiment refermée. Un autre soir, c’est sa lèvre qui porte un pansement. Parfois j’ai l’impression que le corps de Clara ne cicatrise jamais totalement.

Continuer la lecture…

à vif

Christophe a vraiment besoin d’aide

Il faut que je vous parle d’une pétition.

Ne fuyez pas. C’est assez important pour mériter ne serait-ce que les deux prochaines minutes de votre journée.
Il faut que je vous parle de Christophe.

Christophe Kalivogui est né le 10 décembre 1998 en Guinée Konakri.
Après la mort de ses parents, frappés à mort par le virus Ebola en novembre 2014 il se retrouve seul au monde et victime de discriminations.
Pour survivre, il rejoint la France en  janvier 2015.

Initialement accueilli à Avignon, il est pris en charge pas les services de l’aide sociale à l’enfance et scolarisé en classe de 3° au collège Jean-Henri Fabre à Carpentras depuis le mois de Mai 2015.

Seulement, le Procureur de la République, s’interroge sur les conditions d’entrée de Christophe sur le territoire Français et soupçonne l’existence d’un réseau de passeurs.

Par ailleurs il souhaite s’assurer de l’age de Christophe et décide de lui faire subir un test osseux.
Cette méthode, régulièrement critiquée, est peu fiable de l’avis mème de l’académie de médecine qui a d’ailleurs officiellement  indiqué au ministère de la justice des risques « d’erreur dans les deux sexes au-delà de quinze ans, en particulier chez le garçon ».

Peu importe, les autorités persistent à vouloir utiliser cette méthode faute de mieux sur les milliers de mineurs isolés qui demeurent sur le territoire français.
Pire,  dans de nombreux cas, ces tests sont purement et simplement annulés par les tribunaux car pratiqués sans que ceux qui les subissent soient effectivement informés que ce qui a l’apparence d’un simple examen médical peut, le cas échéant, servir de base à des poursuites les concernant.

Dans le cas de Christophe, les résultats du test osseux semblent indiquer qu’il serait âgé de 19 ans.

Continuer la lecture…