reverie

Mes souvenirs ont l’odeur d’une cigarette

Je sais immédiatement que je me trouve chez moi parce que je suis assis par terre en tailleur.

Face à moi, il y a cette vielle télévision 36 cm sur laquelle j’avais branché ma Sega Master System.

Une odeur typique me signale que la cigarette de maman est en train de se consumer sur le bord de son cendrier.

Adossé sur le lit de mes parents je fais rouler entre mes doigts cette balle de golf que j’ai trouvée, enfant, sur un parking et dont je ne me suis plus séparé.

Il faut croire que ma sillogomanie n’a pas été totalement érodée par les ans.
Un chat miaule à ma gauche mais je choisis de ne pas y prêter attention.
Il y a un bruit d’assiettes dans la cuisine.

Ce doit être papa qui fait la vaisselle.

C’est étrange. Son alliance ne devrait déjà pas se trouver à ma main droite.
Le mur à ma droite a été partiellement gribouillé au stylo bille.
Dans ma chambre voisine un dessin au rouge à lèvres est caché derrière le bureau ou s’empilent devoirs, feutres et bandes-dessinées.

Le miaulement se répète et devient plaintif.
Cet animal n’a rien à faire là ; maman a toujours eu peur des chats.


Le miaulement s’arrête, mais le chat est toujours là. Doucement, il me mordille un doigt de pied.
C’est alors que je tente de le chasser d’un coup de pied que je réalise que mes jambes sont beaucoup trop longues.
Ce sont des jambes d’adulte.

Dans un rêve on se voit toujours avec son corps d’aujourd’hui, comme s’il avait toujours été ce qu’il est.

Dans un rêve on est moins que jamais conscient que rien ne dure.

C’est donc au réveil que je réalise ce que j’ai perdu.
Mon chat vient de m’arracher à ce qui n’est plus chez moi.
Il vient de faire taire à nouveau des instants depuis trop longtemps révolus.
Il vient de me séparer d’eux à nouveau.

Je tire mon oreiller de derrière ma tête bien décidé à en menacer l’animal qui n’a pas arrété d’exciter mon orteil.

C’est alors que je me redresse sur mon lit que l’air vient à me manquer.

Un réflexe me pousse à tenter une nouvelle inspiration. En vain.
Deux grandes bouffées de gaz m’ont fait l’effet d’un uppercut.

Je m’écroule sur mon lit au bord de l’évanouissement.

Le gaz n’a pas encore parcouru les quelques centimètres d’altitude vers lesquels ma tête a dégringolé.
Et c’est un grande bouffée d’oxygène qui me sauve.

Quelques secondes plus tard, l’air chargé de rosée du matin qui passe par les fenêtres grandes ouvertes me fait grelotter tandis que j’inspecte ma gazinière.
Je réglerai son sort peu de temps après.

Mon chat a huit ans de plus depuis cette aventure. Nous avons lui et moi gagné quelques kilos au fil des ans.

Il faut que je pense à mieux rationner ses croquettes.

Couché sur le plat ma main gauche, il se met à ronronner tandis que je lis qu’une famille s’est récemment vue sauver la vie par son chat.

Sans prévenir les souvenirs déferlent.

Et je commence à écrire.

Le chat ouvre un œil tandis sur j’attrape la balle de golf qui se trouve dans une timbale à ma droite.
Alors que mon regard se perd dans le vague, j’arrive presque à sentir l’odeur d’une gauloise brune qui se consume au bord d’un cendrier.

2 commentaire

  1. simon

    16.01.2015 at 06:36

    à la fois magnifiquement et terriblement émouvant, ami Joe.. j’en ai la gorge serrée et aucun autre mot ne me vient.

    1. 16.01.2015 at 09:24

      Content de t’avoir touché Simon 🙂

Laisser un commentaire